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C’est le bazar pour l'Europe : l'Estonie peine à en assumer la présidence, Macron ne lui voit plus de cap et Moscovici s'en verrait bien Président (de la Commission)
©Reuters

Union Européenne

L’Europe donne une fois de plus le spectacle d’un grand bazar institutionnel, économique et monétaire. Macron veut inventer une nouvelle Europe, Moscovici se verrait bien la diriger mais l’Estonie s’avère incapable d’en assurer la présidence.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Quel bazar que cette Europe ! A peine a-t-elle une fois de plus sauver la Grèce en octroyant 7 milliards d’euros pour refinancer une dette qu’elle devait rembourser, l’Estonie a pris son tour dans la présidence pour six mois mais avec beaucoup de difficultés et Pierre Moscovici, qui a l’air de s’ennuyer grave en tant que Commissaire, à visiblement démarrer une campagne de lobbying pour candidater à la présidence de la Commission.
Pendant ce temps-là, Angela Merkel assume dans sa campagne électorale son rôle moteur de l’Union européenne et Emmanuel Macron, au Congrès à Versailles, prévient que la mission de la nouvelle gouvernance française sera de définir un nouveau cap.
Le dernier sauvetage en date de la Grèce est le n-ième sauvetage de ce pays qui a beaucoup de mal à se redresser. La faute au poids de ses dettes passées. Résultat, pour la dixième fois depuis dix ans, les grands pays européens, le FMI et la Commission européenne ont menacé de laisser tomber les grecs à leur triste sort pour, en fin de compte, les sauver à la dernière minute et leur permettre, non pas de passer l’été, mais de rembourser des vieilles dettes.
Les pays européens, les banques, la Commission et la banque centrale ne pouvant pas accepter que la Grèce soit mise en défaut ou que les créanciers s’assoient une bonne fois pour toute sur les dettes qu’Athènes ne peut pas rembourser, toute l’élite eurocratique se met d’accord pour prêter une nouvelle fois de l‘argent à la Grèce afin qu’elle puisse rembourser sa dette.

« Tu me dois ce mois ci 7 milliards d’euros, je vais te prêter 7 milliards comme cela tu pourras me les rendre ».
La situation est ubuesque, mais elle dure comme dans les vieux théâtres qui tiennent en tirant sur la corde du comique de répétition. C’est donc reparti pour trois mois. Dans trois mois, chacun refera le même numéro de cirque.

Pendant ce temps, Pierre Moscovici, commissaire européen prépare son prochain job. Comme Jean-Claude Juncker ne briguera pas un deuxième mandat en 2019, année d'élections européennes, l’ancien ministre français de l'économie déclare au journal allemand Die Welt qu'il est "intéressé" par une éventuelle succession à la présidence de la Commission européenne à Jean-Claude Juncker.. "La candidature à la présidence de la Commission pourrait m'intéresser” indique encore Pierre Moscovici, qui met en avant son "expérience" en tant que député et commissaire européen ainsi que ses portefeuilles ministériels en France (Economie et Affaires européennes).
Et pour ceux qui n’auraient pas compris, il ajoute "Je dispose des expériences nécessaires qui me qualifient pour une candidature", mais cette éventuelle candidature à la tête de la Commission n'est pas "la seule possibilité" qu'il entrevoit : "Je pourrais aussi très bien faire quelque chose d'autre", a-t-il dit, sans autre précision. "La social-démocratie en Europe est en crise. Elle manque de détermination, d'une direction claire et d'idées. » Très bien, mais c’est que tout le monde répète à tout va.
« La question, est : pouvons-nous reconstruire cela en deux ans ?", s'est interrogé M. Moscovici, qui est encore membre a priori du parti socialiste français, assez mal en point, après les échecs à la présidentielle et aux législatives. Donc à Bruxelles comme ailleurs on se préoccupe des choses sérieuses.
Mais le plus inquiétant dans l’immédiat, c’est l’arrivée de l’Estonie à la présidence du Conseil de l’Europe pour six mois, c’est assez surréaliste. D’abord, parce que l’Estonie est un des plus petits pays adhérents membre de l’Union européenne qui succède à un autre petit pays, Malte. Ensuite parce que le gouvernement de ce pays est en pleine crise. Il n’a pas de majorité et donc pas de légitimité en interne. Comment, dans ces conditions, gérer pour les 27 autres membres, la crise migratoire et l‘Europe digitale, puisque tel est son mandat ?
Faut dire que  le digital est gravé dans son ADN, l’Estonie qui a inventé Skype, qui regorge d’ingénieurs au point d’être soupçonnée parfois d’abriter des auteurs de cyber attaque , a toute l’expérience et les compétences pour accélérer l’agenda européen qui a bien besoin d’un peu de régulation.
Sur le plan fiscal et social, les grands du numériques ne respectent guère les lois nationales, d’autant moins s’ils sont américains. Cette harmonisation fiscale et sociale est réclamée par la plupart des pays européens qui ne supporte plus l’optimisation fiscale que pratiquent les Uber, Google, Facebook et qui perdent chaque année beaucoup de recettes fiscales.
Le problème, c’est que le Premier ministre estonien, qui a le même âge qu’Emmanuel Macron, risque fort de sauter en cours de mandat européen. Pour l’avenir de l’Europe, c’est du temps perdu. Par tradition, le président de l’Europe n‘est peut-être la que pour six mois, mais il doit travailler avec ceux qui vont lui succéder et préparer un plan de mutation à long terme. C’est avec l’Autriche et la Bulgarie que l’Estonie devait travailler. Pour l’instant, la gouvernance est un peu en panne. Et une gouvernance en panne ne va pas réveiller une Europe mollassonne.
Du côté français et allemand, on est évidemment inquiet de ce qui ressemble de plus en plus en plus à une grande pagaille. Angela Merkel, qui fait campagne, n’écarte pas « l’avenir de l’Union européenne » de son programme, mais elle compte beaucoup sur Emmanuel Macron pour réaliser cet avenir.
Le président français pour sa part est visiblement prêt à prendre ses responsabilités. « L’Europe, depuis dix ans, a surmonté ses crises, mais elle a perdu le cap. » A vrai dire, les européens n’ont plus de boussole. D’où le fait d’aller dans tous les sens.
Il ne fait de doute pour personne que le couple franco-allemand proposera une nouvelle Europe après les élections en Allemagne. Seul moyen de sauver cette construction et surtout seul moyen d’éviter le piège du populisme et du repliement à l’intérieur des ses frontières, ce qui aurait un effet catastrophique pour l’économie. Les équipes de conseillers travaillent de pied ferme en France comme en Allemagne pour proposer très vite un schéma de réformes en profondeur. Avec trois idées : 

  • Plus de fédéralisme avec un gouvernement fédéral chargé de l’économie ; 
  • Plus de coordination dans les domaines budgétaires, fiscaux et sociaux ;
  • Plus de mutualisation en particulier des dettes.


Mais en France comme en Allemagne, on sait très bien que la réforme de institutions reviendra à inventer une Europe à deux vitesses. Ceux qui pourront suivre d’un côté et ceux qui ne le pourront pas de l’autre, mais qui devront s’y préparer. Bref, il faudra faire demain ce qu‘on n’a pas voulu faire dans le passé en laissant entrer par grappes entières des pays qui n’étaient pas à niveau. En attendant, c’est le grand bazar.

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