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Que restera-t-il de la loi moralisation post-Bayrou ?
©Capture d'écran

Examen au Sénat

Suite au départ de François Bayrou de la place Vendôme, la Loi de moralisation de la vie publique a été remplacée dans le débat public par les questions relatives à la loi Travail. Lors de la présentation du texte à la commission des lois du Sénat, Nicole Belloubet, nouveau ministre de la Justice a déclaré "Je ne peux m'engager sur ce qu'a dit François Bayrou".

Abel François

Abel François

Abel FRANÇOIS est professeur à l’université de Lille 1 et spécialiste en économie des décisions publiques. Ses travaux portent en particulier sur le financement de la vie politique et il a publié « Le financement de la vie politique » chez Armand Colin et « Choix Publics. Analyse économique des décisions publiques » chez de Boeck. Il co-anime le blog slowpolitix (http://slowpolitix.blogspot.fr/), pour information, voir http://www.abelfrancois.com

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Atlantico : Dans quelle mesure la loi initiale pourrait elle être vidée de son contenu ? Comment jugez les nouveaux contours du texte, peut on y avoir une "amélioration" ou un "affaiblissement" ?

Abel François : Il faut tout d’abord voir que le grand projet de Monsieur Bayrou a été partitionné en plusieurs textes car il ne pouvait reposer sur un seul type de loi. Le projet déposé par Madame Belloubet est une loi organique et comporte quelques éléments annoncés précédemment, le reste devant être traité au travers d’une loi ordinaire et d’un décret. Le texte a donc déjà évolué par rapport aux premiers éléments annoncés et il va continuer à se modifier par le jeu normal de la discussion démocratique au sein des Chambres. Il ne faut pas voir ce processus comme nécessairement une perte de contenu, il peut s’agir d’améliorations ou de détériorations, mais c’est le jeu du débat démocratique. Par exemple, on ne peut que se réjouir que l’idée de création d’une banque publique du financement politique ait été abandonnée.

Ce qui est plus gênant avec certains éléments du texte, c’est l’absence de réflexion en amont sur les effets bénéfiques et négatifs des propositions. Nous n’avons pas d’évaluation a priori de ces effets sur le fonctionnement du processus politique français et c’est très dommageable. Par exemple, vaut-il mieux une réserve parlementaire transparente qui permet de connaitre précisément l’action de pork barrel des parlementaires français (qui est le fait d’utiliser sa position nationale pour favoriser sa circonscription d’élection de la part d’un élu national) ou faire disparaitre cette réserve parlementaire au risque d’un maintien de cette pratique qui utiliserait alors d’autres méthodes (la réserve ministérielle par exemple) de manière totalement opaque ?

L'ouverture d'une opportunité pour "moraliser" la vie publique a t elle été "gâchée" par une volonté d'aller vite de la part de l’exécutif ? 

On retrouve un problème récurrent de la vie politique française : un agenda médiatique qui change très vite de sujet, alors que le temps de la prise de décision publique est long puisque par nature il demande du temps pour parvenir à un consensus entre les parties prenantes.

Il faut bien voir qu’on ne « moralisera » pas la vie politique avec un texte aussi anecdotique, il permettra juste de tenir jusqu’au prochain scandale. Il faudrait prendre le temps de penser les règles financières du jeu politique pour les évaluer et évaluer ce qui s’est fait à l’étranger, pour qu’ensuite cette question soit discutée par le public et non par les élus eux-mêmes, qui ne peuvent pas être les joueurs et les arbitres.

Quels seraient les priorités à suivre pour permettre l'adoption d'un texte efficace ?

Tout dépend de la définition de l’efficacité que l’on retient. Si par efficace, on entend un texte qui subirait peu de modification par rapport aux idées initiales, peut-être que l’usage des ordonnances serait une solution pour limiter la prise des parlementaires sur les éléments de détails du texte ? Si par efficace, on entend un texte qui permettrait de se rapprocher effectivement de son objectif de « rétablir la confiance dans l’action publique », alors c’est clairement un problème de méthode. La confiance dans l’action publique ne peut être rétablie que si les règles du jeu politique ne sont pas définies par les hommes politiques eux-mêmes, car sinon elles seront toujours suspectées, à tort ou à raison, de servir leurs intérêts. Ce texte qui vient d’en haut et qui sera négocié entre le gouvernement et les parlementaires ne répond pas à ce critère, on peut donc prévoir qu’il ne permettra en rien de « restaurer la confiance dans l’action publique ». 

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