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Pourquoi le positionnement de François Fillon pourrait lui permettre de mieux résister au FN que ne le suggèrent les sondages actuels
©FRANCK PENNANT / AFP

Qui l'emportera ?

En restant le candidat qu'il a été lors de la primaire de la droite et du centre, mais en développant le volet sécuritaire ainsi qu'en marquant davantage le volet social, François Fillon pourrait éviter une fuite d’une partie de l’électorat de la droite vers l’extrême droite.

Jean Petaux

Jean Petaux

Jean Petaux, docteur habilité à diriger des recherches en science politique, a enseigné et a été pendant 31 ans membre de l’équipe de direction de Sciences Po Bordeaux, jusqu’au 1er janvier 2022, établissement dont il est lui-même diplômé (1978).

Auteur d’une quinzaine d’ouvrages, son dernier livre, en librairie le 9 septembre 2022, est intitulé : « L’Appel du 18 juin 1940. Usages politiques d’un mythe ». Il est publié aux éditions Le Bord de l’Eau dans la collection « Territoires du politique » qu’il dirige.

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Atlantico : Bien qu'ayant perdu un certain nombre d'électeurs du centre-droit, dans quelle mesure François Fillon pourrait-il encore capter les voix des électeurs de droite pouvant être séduits par le FN version Marine Le Pen ? 

Jean Petaux : Ceux qui devaient partir comme électeurs potentiels de François Fillon et qui se sont détournés de lui depuis le début du "Pénélopegate" et, avec plus de force et de vigueur, depuis mercredi dernier et sa conférence de presse surréaliste (le complot médiatique, l’assassinat politique, etc.), sont partis en effet et ne reviendront pas. François Fillon a peut-être mobilisé un noyau dur de la "Manif pour tous" (et encore, pas tous ceux qui se sont reconnus dans ce mouvement social en 2013) et organisé une belle manifestation avec le soutien de "Sens Commun", mais il est définitivement "barré" dans l’opinion de tout un électorat catholique pratiquant, plutôt fidèle à la droite, qui considère que le candidat de la droite s’est littéralement discrédité en revenant sur sa parole ("il n’y a qu’une seule chose qui fera que je me retirerai : ma mise en examen"), en accumulant pour lui et sa famille des "compléments de revenus" (dixit Patrick Stéfanini, son directeur de campagne jusqu’à samedi dernier) et en n’ayant même pas la décence de démissionner pour sauver son camp de l’échec.

Alors, quel est l’intérêt, pour la droite, du maintien d’une candidature Fillon ? Essentiellement sa capacité à éviter une fuite d’une partie de l’électorat de la droite vers l’extrême droite ; empêcher la fuite des électeurs qui apprécient le côté très droitier de l’ancien Premier ministre de Nicolas Sarkozy. Je dirai donc, qu’au lieu de capter les voix des électeurs de la droite, François Fillon peut essayer, à tout le moins, d’éviter qu’elles ne le quittent. En demeurant tout simplement ce qu’il est : un candidat bien dans son couloir de droite et accroché solidement à son rocher de droite.

Sur le terrain des valeurs et sur les propositions économiques, François Fillon pourrait effectivement concurrencer Marine Le Pen. En revanche, les catégories populaires sont celles qui semblent encore aujourd'hui lui échapper. De quelle manière pourrait-il les conquérir et les empêcher de voter pour Marine Le Pen ? 

C’est le challenge le plus compliqué pour lui. Les catégories populaires sont parties chez Marine Le Pen en effet, et depuis longtemps. Pensons à la désormais célèbre formule de Georges Pompidou adressée à Jacques Chirac alors que celui-ci était aux prises avec Le Canard Enchainé au sujet de son fameux château de Bity en Corrèze : "Quand on veut se faire élire en Corrèze, on ne commence pas par acheter un château !!...". Etre propriétaire d’un château dans la Sarthe n’aide pas forcément à rallier les catégories populaires, même si cela ne nuit pas pour s’y faire élire. Rémunérer son épouse à un niveau de salaire équivalent à un salaire de cadre supérieur, évidemment en rapport avec l’extraordinaire qualité du travail fourni et le caractère exceptionnel et unique des services rendus, ne permet peut-être pas d’être vivement apprécié par les catégories populaires. Même si c’est sans doute que celles-ci cumulent, non pas les emplois et de belles rémunérations, mais, tout à la fois, l’ingratitude et l’ignorance…

Néanmoins, pour essayer de ramener vers lui les catégories populaires, tentées par l’expérience mariniste, François Fillon aurait tout intérêt à jouer sur deux registres. Le premier est le volet sécuritaire. Il faut qu’il joue pleinement la carte de la lutte contre toutes les formes de délinquance. Qu’il tienne un discours sans concession sur la question de la récidive en faisant du "Sarkozy +++". Il faut aussi qu’il préconise un volet social plus marqué, pour ne pas laisser Florian Philippot occuper, au titre du FN, ce "créneau électoral".

La deuxième composante de son discours doit porter sur la lutte contre l’immigration sous toutes ses formes. C’est là le terrain privilégié de Marine Le Pen. François Fillon a tout intérêt à éviter qu’elle soit seule à occuper, là aussi, cet espace. Dans les deux cas, le principal problème de François Fillon, en "miroir" de Marine Le Pen, c’est de ne pas apparaître comme la "pâle copie" de cette dernière. Bien plutôt comme un authentique homme de droite, conservateur et désireux de complaire à son électorat de prédilection : celui qui s’est déplacé à la primaire pour voter pour lui : âgé, provincial, CSP+, catholique pratiquant, plutôt hostile aux juges et détestant les journalistes…

Dans le dernier PrésiTrack des Echos paru ce mardi, Emmanuel Macron (25%) est au coude-à-coude avec Marine Le Pen(26%) au 1er tour de la présidentielle. Qu'est-ce qu'il manque au candidat d' "En Marche" pour véritablement concurrencer la candidate du FN ? 

D’une certaine façon, Emmanuel Macron est dans un schéma inversé par rapport à François Fillon dans sa confrontation à Marine Le Pen. Macron doit apparaitre réellement comme le rempart anti-Le Pen dans la mesure où il a une probabilité plus élevée que Fillon de figurer au second tour face à la présidente du FN. Mais pour véritablement la concurrencer, il faut qu’il "socialise" son discours, qu’il garantisse que la société "ubérisée" qu’il veut promouvoir saura aussi protéger ceux qui s’estiment les plus démunis. De ce point de vue, l’initiative prise sur le remboursement intégral de l’optique et des soins dentaires avait le mérite de lui conférer une image "protectionniste" positive à même d’entrer en concordance avec un électorat Le Pen, pour partie "outsider".

Il manque enfin au candidat d’ "En Marche" une "accroche" plus humaniste que celle qu’il montre actuellement. Pour séduire un électorat de centre-droit, orphelin d’un Juppé et proche d’un Bayrou ou d’un Borloo, il faut que Macron parvienne à convaincre qu’il n’est pas le candidat de la "banque Rothschild".  Cette étiquette lui colle à la peau. Elle n’a pas grande valeur et pertinence mais peu importe, elle est efficace et peut nuire au candidat Macron dans l’hypothèse d’un second tour Le Pen-Macron.

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