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Pourquoi la nouvelle loi travail s’annonce surtout comme une simple restauration de la version originale de la Loi El-Khomri
©Reuters/Charles Platiau

Réforme du marché du travail

En refusant la négociation avec les partenaires syndicats, et préférant favoriser la concertation, le gouvernement d'Emmanuel Macron risque de donner du fil à retorde aux syndicats, et principalement la CFDT, dont cette nouvelle loi travail s'annonce comme un enjeu des plus importants.

Bertrand Martinot

Bertrand Martinot

Bertrand Martinot est économiste et expert du marché du travail à l'institut Montaigne, ancien délégué général à l'emploi et à la formation professionnelle. Co-auteur notamment, avec Franck Morel, de "Un autre droit du travail est possible" (Fayard, mai 2016). 

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Atlantico : Le projet de loi d'habilitation relatif à la loi travail auquel le journal le Monde a eu accès dévoile le cadre de, dont les détails seront arbitrés à l'issue des négociations avec les syndicats. Barémisation des indemnités prud'hommales avec une mise en place de planchers et de plafonds, modification du zonage pour l'évaluation de licenciements économiques dans une filiale d'un groupe international, réduction des délais de recours contentieux en cas de rupture du contrat de travail, favoriser le recours à des CDI "pour la durée d'un chantier" etc...S'agit-il d'une simple continuité de la loi El Khomry, ou peut on considérer qu'il s'agit d'un réel changement de logique vers une orientation libérale ?

Bertrand Martinot : En première analyse, c’est un approfondissement de la loi El Khomri, puisqu’il y a plusieurs points qui étaient dans la loi Macron, ou qui auraient pu. Par exemple le plafonnement des indemnités prud'homales était dans la loi Macron. Donc, ce n’est pas un changement de logique. C’est juste un développement de la loi travail. Pour savoir si c’est un changement très important ou non, il va falloir attendre le détail des ordonnances.

Au regard des propositions avancées, quels sont les points sur lesquels le gouvernement pourraient trouver un accord favorable, et quels sont ceux qui représentent une "ligne rouge" auprès des syndicats ? Du bloc proposé aujourdhui, quelles sont les réformes qui ont une véritable chance de voir le jour ?

Ceux pour lesquels il y a une ligne rouge touchent au contrat de travail. C’est-à-dire la possibilité pour les entreprises de déroger aux principes régissant les motifs de rupture de contrat de travail, que ce soit pour les CDI ou les CDD. Les points sur lesquels un accommodement est possible sont sur la barémisation des indemnités aux Prud'hommes. Parce qu’il semblerait que certains syndicats suggère que le juge pourrait y déroger. Auquel cas, évidemment, cela viderait de sa substance une partie de la réforme. Mais ce serait peut-être acceptable pour les syndicats. Je pense que la plus probable est la barémisation des indemnités de licenciement. Elle la le plus de chance d’aboutir, sachant qu’elle était explicitement dans le programme, et que le président a clairement annoncé la couleur. En plus, cela a déjà été voté autrefois dans la loi Macron. Je pense que la difficulté est qu’on ne connaîtra que l’ampleur de cette réforme avec la publication des ordonnances, car c’est elles qui vont donner le calibrage de ce montant des indemnités de licenciement.

Laurent Berger, numéro 1 de la CFDT, a récemment indiqué "Le gouvernement ne doit pas nous squeezer. S’il le fait, nous nous mobiliserons. Un pays qui fonctionne bien est un pays qui articule démocratie politique et démocratie sociale".Quel sera le pouvoir de négociation de la CFDT, devenue premier syndicat de France en ce début d'année, dans cette négociation ? En quoi cette Loi travail est elle un enjeu pour la CFDT, notamment vis à vis de la CGT ?

Le problème de la CFDT est que la méthode retenue par le gouvernement n’est pas la négociation entre partenaires sociaux, mais la concertation. La CFDT est un peu gênée sur la méthode, car elle promet depuis toujours la négociation avec le patronat dans le cadre de la loi Larcher, qui oblige à une négociation préalable pour avoir un accord avec le patronat. La CFDT considère, à tort ou à raison, que la négociation avec le patronat a des vertus. Le gouvernement revient aujourd’hui à une vision extrêmement classique du jeu social qui consiste simplement à concerter. Ce qui explique cette position est que l’élection vient juste d’avoir lui, et ils considère qu’il a une légitimité démocratique pour réformer qu’il fait passer devant la démocratie sociale. Cette méthode gêne la CFDT qui va être prise de court. FO a moins, culturellement, ce problème avec la méthode. La CGT n’est pas dans le jeu, car elle est sur une posture contestataire. Ils ne sont pas dans une démarche de négociation, de concertation. La seule incertitude sur la CGT sera sur leur degré de mobilisation. L’enjeu de la CFDT est d’être capable de prouver qu’elle a réussi à peser sur les intentions originelles du gouvernement, donc par la concertation. Ce que Laurent Berger a très bien fait pour la loi travail, où il a obtenu un certain nombre de satisfaction. Quant à FO, qui est un syndicat beaucoup plus dépendant de ses membres dans le secteur public, elle essaie d’obtenir des garantie en l’absence de réforme publique, en échange d’une relative bienveillance sur le secteur privé.

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