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Autant de tanks que de pays… ces légers détails matériels qui compliquent singulièrement le chemin vers une Europe de la défense
©Pixabay

Aux armes, européens

La création d'une armée européenne commune est une question de plus en plus étudiée au sein de l'Union Européenne. Mais celle-ci doit d'abord régler un sérieux problème de redondance au niveau de ses équipementiers...

Philippe Chapleau

Philippe Chapleau

Philippe Chapleau est Journaliste au service Politique de Ouest-France. Il suit les questions de défense et la politique étrangère, après avoir été basé en Afrique du Sud comme correspondant jusqu'en 1992.

Il est l'auteur de Mercenaires SA (1998), Sociétés militaires privées. Enquête sur les soldats sans armées (2005), Les mercenaires de l'antiquité à nos jours (2006), et de l'essai  Les nouveaux entrepreneurs de la guerre, qui traite de l'externalisation en matière de défense en France.

 

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Atlantico : Dans une interview donnée à la BBC, Jean-Claude Juncker a évoqué l'idée d'une armée européenne commune, mais tout en critiquant la redondance des systèmes d'armes et des industries militaires en Europe qui empêcheraient l'Union Européenne d'avoir une réelle économie militaire. Pourquoi cette pluralité est-elle un obstacle?  

Philippe Chapleau : C’est d’abord une question d’abord de volonté politique de la part des états membres de l’Union Européenne, et en particulier des grands Etats, d’œuvrer dans les deux sens. Ce qui est peut-être le plus urgent, et ce qui est à mon avis le sens des déclarations de Jean-Claude Juncker et de la Commission, les premiers pas doivent être faits au niveau de l’industrie de la Défense. Ça explique les annonces qui ont été faites il y a quelques jours, et la teneur de ces annonces qui, en gros, prévoient quelques centaines de millions d’euros qui destinés à de dynamiser les équipementiers européens de la défense. En particulier, ce qui est intéressant, l’effort doit être porté sur la recherche et le développement. Effectivement, toutes les amères européennes ont des besoins à peu près identiques. Par exemple au niveau des drones, où les grandes Nations ont besoin de ces équipements à l’horizon de 2025. Il y a donc, effectivement, tout intérêt à faire un effort commun pour faire travailler les bureaux de recherche et développement des équipementiers de l’Union Européenne. La question qui se pose, dans un deuxième temps, c’est est-ce que la volonté politique va perdurer? Car c’est bien beau de financer des recherches, de sortir des démonstrateurs, mais si ensuite les Etats n’achètent pas, les équipementiers vont se retrouver dans une position critique. Donc, il faut absolument qu’il y ait cette volonté politique. Nous devons décider de nous équiper de façon cohérente. L’intérêt est double, voir triple. Au niveau de la recherche, et puis ensuite de la production, il y a des effets d’échelles qui feront baisser les prix. Dans un deuxième temps, les questions de maintenance et de pièces détachées seront beaucoup moins aiguës et coûteuses. Actuellement, lorsqu’on déploie des troupes sur le terrain, si elles disposent de 10 systèmes d’armes différents, ça veut dire qu’il y a 10 chaînes de maintenance différentes. C’est quelque chose de très lourd, et très onéreux. Si l’on avait qu’une seule chaîne, cela serait assurément beaucoup moins contraignant et cher. Le troisième point important est que si l’on a une cohérence dans les équipements, on pourra alors les mutualiser. C’est à dire que des pays de l’Union vont fournir 20.000 hommes, mais que d’autres pays pourront leur fournir le matériel. Celui-ci pourra alors être déployé de façon immédiate. Ça donne un avantage au niveau opérationnel. Ça peut valoir pour du matériel terrestre, des drones, des avions ou des hélicoptères.  

S'il il y a un besoin d'homogénéiser le système d'armes en Europe avant de créer une armée commune, quels en seraient les conséquences sur les industries militaires nationales ?  

On peut bien sûr craindre qu’en ayant un regroupement, cela entraînera la disparition de certaine industrie nationale. Ce qu’il faut se dire, c’est que si on décide de produire ensemble des équipements que tout le monde va utiliser, il y aura des effets de levier sur la production. SI on décide un certain modèle de drone, tous les équipementiers pourront travailler de concert pour le produire. Donc il ne devrait y avoir de très grosse baisse de charges dans les plans de travail. C’est la même chose pour l’aviation de combat, ou les chars de combat. Si vous avez une commande massive de la part de 10 pays européens, il est certain qu’on peut visser 10 équipementiers européens la même production. Donc ce n’est pas nécessairement un mal. Il peut très bien avoir des effets intéressants.  

Au delà de du problème logistique, quelles sont les difficultés aujourd'hui à doter l'Union Européenne d'un corps d'armée commun?  

Le premier point de blocage est en quelque sorte la bonne santé de l’OTAN. Une grande des membres de l’Union Européenne sont des membres de l’OTAN, et une partie leurs armées sont déjà déployées dans le cadre d’opérations de l’OTAN. Et avec l’aide des incontournables américains, le parapluie otanien fonctionne bien. Donc tant que l’OTAN se porte bien, les Européens n’auront pas le couteau sous la gorge, et le besoin de se mettre autour de la table pour créer une vraie armée européenne. Ça peut-être un peu dommage de le présenter comme ça, mais tant que l’OTAN est là, on aura des tas de bonnes raisons pour ne pas vouloir dupliquer ce type de forces et de payer une deuxième fois pour un instrument qui sera redondant.    

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