Pourquoi l’idée de Jean-Claude Juncker de ressortir les projets d’armée européenne des cartons est une vraie piste pour réanimer une Europe traumatisée par l’euro <!-- --> | Atlantico.fr
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Jean-Claude Juncker
Jean-Claude Juncker
©REUTERS/Charles Caratini

Intégration militaire

Le président de la Commission européenne a appelé dimanche 8 mars à la création d'une armée européenne pour faire face à une Russie menaçante. Alors qu'elle est parvenue à mettre en place une monnaie unique, l'UE n'a en effet jamais réussi – malgré deux puissances nucléaires – à faire de même dans le domaine de la défense.

Pierre Verluise

Pierre Verluise

Docteur en géopolitique, Pierre Verluise est fondateur du premier site géopolitique francophone, Diploweb.com.

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Atlantico : Jean-Claude Juncker a appelé l'Europe a envisager une armée comune pour s'opposer notamment aux velléités d’expansion russes. Pourquoi l'UE, qui compte pourtant deux puissances nucléaires et plusieurs autres pays ayant des moyens militaires conséquents, n'a-t-elle jamais pu envisager autre chose que de simples collaborations ? Y a-t-il eu manque de volonté, ou d'autres barrages politiques à un tel projet ?   

Pierre Verluise : Un premier projet, la CED pour "Communauté européenne de défense", avait déjà été rejetté en 1954, notamment par la France. Les communistes et les gaullistes s'étaient alliés pour empêcher devant le parlement le passage de cette Europe de la défense.La France n'était pas d'accord notamment sur la question de la souveraineté. C'est un point sensible en effet, les Etats étant très attachés à leur liberté d'engager ou non des troupes sur un terrain extérieur. 

Depuis 1949 existe aussi l'OTAN, et, aujourd'hui, 22 des 28 pays membres de l'UE en font partie. Quand la France a voulu dans les années 80-90 développer de nouveau une Europe de la défense, l'existence de l'OTAN a fait "concurrence" à ce projet. Nicolas Sarkozy a annoncé en 2007 qu'il ramènerait la France dans le commandement intégré de l'OTAN, ce qui a été effectif en 2009. Qu'est-ce que cela a rapporté à la France ? Vaste débat... En tout cas François Hollande a demandé à Hubert Védrine en 2012 de faire un rapport sur la question d'une sortie éventuelle de l'OTAN. Hubert Védrine a répondu que plus personne ne comprendrait rien si la France ressortait de l'OTAN aussi vite après y être retourné. Depuis, la France joue beaucoup aux côtés des Etats-Unis, notamment en Libye en 2011, et les relations franco-américaines sont peut-être aujourd'hui meilleures qu'elles ne l'ont jamais été. Quand à l'Europe, c'est une autre histoire... 

Est-ce que cette armée européenne aurait permis de renforcer un peu plus l'intégration et le sentiment commun européen, bien plus que ne le font les éléments d'intégration actuelle jugés peu lisibles ?

Ce serait bien sûr un symbole politique très fort, mais cela s'apparente surtout à des mots portés par des politiques qui ne mettent pas les moyens nécessaires sur la table... Les pays de l'UE mettent de moins en moins d'argent dans leur défense et dépendent de plus en plus des Etats-Unis. On voit bien avec la question russe que les pays de l'UE attendent que Washington "fasse les gros yeux" tout en étant incapables de définir une action coordonnée sur ce qu'il faut faire.

Comment les pays de l'Union européenne pourrait s'y prendre s'ils voulaient envisager de nouveau l'idée d'une défense commune européenne ?

Actuellement, en l'état des traités, il est interdit de financer l'Europe de la défense. Les accords communautaires empêchent cela. On ne peut donc pas financer autre chose de commun qu'un drapeau en l'état actuel de la législation européenne... Les Etats ne veulent donc pas d'une Europe de la défense. Deux pays européenns ont une armée à peu près cohérente : le Royaume-Uni et la France. Si le premier venait à quitter l'UE, ce qui est toujours possible, la France n'aurait plus d'autre Etat sur qui faire reposer cette défense commune. Il y aurait à la rigueur la Pologne qui a une vraie ambition militaire, mais on est déjà un cran en dessous en terme de population et de PIB. 

Qui aurait le plus intérêt en Europe à une telle unité militaire en Europe ? Les Etats-Unis pourraient-ils craindre par exemple l'émergence d'une puissance militaire commune sur le vieux continent ?

Je doute que les Etats-Unis qui possèdent beaucoup de points de levier dans l'Union européenne laissent faire quelque chose qui leur serait défavorable. De plus, ils ont à plusieurs reprises laissés entendre qu'ils souhaitaient un effort européen en matière de défense, sans doute pour pouvoir réorienter leur potentiel sur l'Asie. Le vrai sujet n'est donc pas une logique de gagnant/perdant, le problème majeur c'est que l'Europe est incapable de mettre les moyens vraiment nécessaires à sa défense.

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