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Nathalie Kosciusko-Morizet : “Ces trois semaines de gouvernement -  quelles que soient les réussites symboliques qu'il a pu obtenir - ne justifient pas que doive s'éteindre le courant d'une droite moderne”
©Reuters

Législatives

Candidate à la seconde circonscription de Paris aux prochaines élections législatives, Nathalie Kosciusko-Morizet veut croire en une droite moderne capable de confronter le gouvernement d'Emmanuel Macron.

Nathalie Kosciusko-Morizet

Nathalie Kosciusko-Morizet

Nathalie Kosciusko-Morizet est une femme politique française.

Députée de la quatrième circonscription de l'Essonne à partir de 2002, elle occupe les fonctions de secrétaire d'État chargée de l'Écologie, puis chargée de la Prospective et du Développement de l'économie numérique, au sein du gouvernement François Fillon II (2007-2010). Secrétaire générale adjointe de l'UMP et maire de Longjumeau, elle est nommée ministre de l'Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement le 14 novembre 2010. 

Elle est actuellement conseillère de Paris, et présidente du groupe Les Républicains.

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Atlantico : Si on comprend tout à fait la nécessité de permettre le bon fonctionnement de notre démocratie en ayant une opposition qui ne soit ni stérile ni sectaire, pris dans l'autre sens, quelles sont les lignes rouges en termes de valeurs ou plus précisément de politiques concrètes sur lesquelles vous pensez que la droite pourrait être amenée à défendre une vision différente de celle d'Emmanuel Macron ?

Nathalie Kosciusko-Morizet : Je crois, en effet, que les Français ont envie de donner sa chance à Emmanuel Macron. Pas parce que c'est lui, mais parce qu'il est le président de la République pour cinq ans. On a déjà perdu cinq ans avec François Hollande. Donc, il faut faire en sorte que les cinq ans à venir soient utiles. Je crois que c'est vraiment le souhait majoritaire des Français. Mais donner sa chance, cela ne veut pas forcément dire donner un chèque en blanc. C'est là qu'il faut rentrer dans le détail et dépasser les déclarations de principes. Ce constat m'a amené à faire un travail analytique. J'ai pris le programme d'Emmanuel Macron.

J'en ai fait un tract en surlignant en vert ce sur quoi, je pensais, on était d'accord. Ce sur quoi je pensais qu'une certaine gauche et la droite convergeait ces derniers temps. Ce sur quoi je trouvais que la divergence n'était pas entre eux et nous, mais entre nous "ensemble" et, par exemple, les syndicats. J'ai donc surligné en vert la réforme du droit du travail, où l'on est d'accord. La moralisation de la vie publique, je pense qu'on est d'accord. La vision de l'Union européenne, je la partage. Je suis très pro-européenne, donc là-dessus je pense qu'on est d'accord. La réforme de l'école est également surlignée en vert ; Jean-Michel Blanquer, c'est quelqu'un qui vient de chez nous. Je trouve que les idées et les projets qu'il annonce sur l'école vont dans le sens de ce qu'on aurait souhaité.

Sur ce tract, j'ai également surligné en bleu les sujets  sur lesquels soit le programme d'Emmanuel Macron n'était pas assez documenté pour qu'on puisse se prononcer, et par exemple la question de la politique de la santé, où il faut redonner à la médecine libérale toute sa place, soit les questions sur lesquelles son projet me semblait insuffisant, mais il me semblait qu'on pourrait trouver un accord. Je pense par exemple à la lutte contre le communautarisme, ou contre le terrorisme. je vous donne un exemple concret : j'ai beaucoup travaillé sur l'interdiction du salafisme. J'avais trouvé des points d'appui à gauche ; par exemple Manuel Valls. Il était d'accord avec ça. Quelle est la position d'Emmanuel Macron sur ce sujet?

Enfin j'ai surligné en rouge les points de désaccord. Vous avez là toute la partie fiscale. Le programme d'Emmanuel Macron est déséquilibré en termes financiers. Aujourd'hui, le bilan n'est pas à 0. Il y a plus de 60 milliards d'euros de dépenses nouvelles, qui sont très documentées, et qui sont autant de promesses qui ont été faites et entendues par les intéressés. Et en face, il y a moins de 50 milliards d'économies, qui elles sont très peu documentées. Donc il y a non seulement un différentiel dès le début de 10 milliards, sans même parler de réduction du déficit ni de la dette. Mais comme les réductions de dépenses sont très peu documentées, le risque est qu'il y ait plus de 10 milliards à trouver au bout du compte.  Et 10 milliards, c'est 2.5 points de CSG.

Quelle est encore la spécificité de la pensée des Républicains ? Alors qu'Emmanuel Macron et le gouvernement Philippe déploient une philosophie d'action  libérale en matière économique, plus traditionnelle en matière d'éducation et plus ferme en matière sécuritaire, que reste t il a la droite traditionnelle pour marquer sa différence ?  Une définition par les "valeurs" est-elle suffisante ?

Le gouvernement Philippe déploie sa politique depuis 3 semaines. Mais je ne pense pas que 3 semaines, ça soit suffisant pour juger d'une politique. Notre enjeu, avec ces élections législatives, c'est de s'assurer des parlementaires qui, dans la durée, défendront la politique que nous souhaitons. Je défends depuis des années une droite ouverte, libérale, européenne, moderne. Une droite qui cherche à comprendre les transformations du monde, et à les anticiper pour ne pas les subir. Au-delà des personnes, et au-delà des partis, cette droite qui existe depuis longtemps doit continuer à exister car c'est un courant de pensée important pour notre pays, qui participe utilement à la diversité et la construction des politiques publiques.  Ces trois semaines de gouvernement, quelles que soient les réussites symboliques, manifestes, qu'il a pu obtenir, ne justifient pas que doive s'éteindre ce courant d'une droite moderne.

Frédéric Lefebvre pour sa part annonce qu'il quitte Les Républicains car il ne se reconnaît plus dans la famille politique à laquelle il appartient pourtant depuis ses 17 ans. Qu'est-ce qui a à ce point-là changé chez les Républicains puisque lorsque l'on regarde les plates-formes électorales des années 80 ou 90, que ce soit sur le plan économique, les sujets régaliens ou les enjeux liés à l'immigration, la droite a plutôt évolué vers un positionnement plus modéré dans ses programmes ?

Je pense que les partis sont en crise. Que ce soit les Républicains, ou le Parti Socialiste. La crise est profonde, et d'une certaine manière elle est ancienne. Mais ce n'est pas un sujet pour maintenant ; c'est un sujet pour après. Je pense qu'on ne fera pas l'économie d'une clarification. Il y a, aujourd'hui, une fracture profonde qui traverse le parti depuis quelques temps déjà entre souverainistes et européens, entre les colbertistes et les libéraux. Je pense qu'on ne fera pas l'économie d'une clarification, mais ce n'est pas dans les trois jours que cela va se faire.

Comprenez-vous que les électeurs de droite ne s'y retrouvent plus entre les 50 nuances de soutien ou d'opposition ferme, constructive ou bienveillante au gouvernement?

On vit une grande période de confusion politique. je pense qu'il faut dépasser les déclarations de principes et les variations sémantiques pour rentrer dans le détail. J'ai voulu le faire. La loi de moralisation politique, je la vote. Et j'apporte deux amendements : un premier pour dire qu'il faut quitter la fonction publique quand on est en politique depuis plusieurs années, comme je l'ai fait. C'est une question d'équité vis-à-vis de ceux qui viennent du privé. Un second pour interdire complètement les activités de conseil ; et pas seulement partiellement, comme c'est proposé aujourd'hui dans le texte de loi. Et je peux vous décliner ça sur tous les sujets ; il faut dépasser les déclarations, pour rentrer dans le détail.

Qui est selon vous le plus responsable de l'état de confusion idéologique dans lequel se trouve la droite ? Sur quoi et avec qui la reconstruire après la défaite sévère qui s'annonce ?

Je pense que la confusion est liée au fait qu'il y a des débats qu'on a repoussés. Très systématiquement comme pour éviter le conflit. C'est comme dans la vraie vie. Quand il y a des sujets sur lesquels on n'est pas d'accord, et on repousse la discussion, on n'évite pas les problèmes, on les laisse pourrir.  Je prends un exemple concret ; en 2010, il y a eu une élection départementale où il y a eu ce débat sur le "ni-ni". On disait alors, au parti, on disait que ce n'était pas le moment d'en parler car les candidats étaient sur le terrain. Autrement dit, avant les élections, on nous disait que ce n'était pas actuel. Pendant les élections, que c'est délicat. Et après, on nous dit que ce n'est plus utile. J'ai dit que ce n'était pas possible. Alors j'ai écrit un livre, en deux mois, qui s'appelait le front antinational pour tenter de purger cette question de notre posture vis-à-vis du Front National, car forcément elle reviendrait. C'était en 2010. Nous sommes en 2017, et cette question n'a pas été complètement résolue. C'est aussi de ça que se défait la droite ; elle n'assume pas ses propres contradictions, elle ne les affronte pas. C'est quelque chose sur lequel j'ai été parfois mis en cause dans mon propre parti. J'ai souvent réclamé qu'on sorte des hypocrisies.  Je comprends que ce ne soit difficile dans l'instant. Ça provoque parfois beaucoup de réactions négatives. Ça m'a valu mon éviction de la tête du parti, et beaucoup de détestations. Mais je pense que c'est comme ça qu'on avance. Aujourd'hui, les Républicains souffrent de ne pas avoir purgé beaucoup de débats internes.

Paradoxalement, les derniers sondages donnent LREM en tête avec un score de 30 à 33%, alors que le PS de 2012 avait frôlé les 40%, et ce, avec une participation à priori plus faible. Comment expliquez-vous ce paradoxe d'un Emmanuel Macron qui pourrait remporter une forte majorité sur la base d'un score finalement faible du point de vue des électeurs ?

L'élection législative n'est pas seulement une élection nationale ; ce sont aussi 577 élections locales. Il y a une forte influence du national, mais quand il y a moins de participation, il y a moins de triangulaires. Vous pouvez faire un plus faible score agrégé au niveau national, mais gagner quand même plus sièges du fait de cette mécanique particulière. Ce qui est certain, c'est qu'une assemblée doit être un lieu d'expression d'une certaine diversité politique. Autant, je comprends le souhait des Français de donner sa chance à Emmanuel Macron. Autant cela ne veut pas dire faire de l'Assemblée Nationale une chambre d'enregistrement. La majorité absolue est à 290 députés. Quand on nous parle de plus de 400 députés En Marche, on nous parle d'une Assemblée qui n'est plus une Assemblée, ni un lieu de débat.

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