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Une loi travail, qui devrait permettre des innovations sociales, favorable à la compétitivité. Encore faut-il la faire passer
©Reuters

Innovant

Vacances illimitées, contrats de missions, bonus et rémunérations variables selon les performances financières, sociales et environnementales, chèque syndical, les innovations possibles pullulent.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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La réalité du fonctionnement de l’entreprise devrait permettre les organisations les plus diverses, mais en général celles-ci se retrouvent freinées et bloquées par le code du travail ou les habitudes sociales. Les fameux avantages acquis sont parfois des facteurs de conservatisme social. Ils protègent les bénéficiaires certes, mais handicapent les nouveaux entrants.

La loi travail a pour ambition de privilégier la responsabilité, la liberté de s’organiser et l’autonomie.

La mesure clef du dispositif se trouve dans l’inversion de la hiérarchie des normes. En clair, permettre à l’entreprise de définir ses propres normes, ses règles et procédures pour organiser le travail. Conditions, horaires, rémunérations.

L’organisation du travail est encadrée par la loi, elle a très souvent été fabriquée par l’Etat ou par des accords de branche. Cette organisation redescend ensuite au niveau de l’entreprise pour son application.

Tout l’enjeu de la loi travail est de ramener au niveau de l’entreprise, la négociation sociale, pour que la norme et l’organisation soit au plus près de la réalité du fonctionnement de l’entreprise, de ses contraintes, et de ses objectifs. La qualité première de cette organisation décentralisée étant la plus grande flexibilité.

Alors en théorie, c’est évidemment très facile à imaginer. C’est beaucoup plus compliqué à mettre en œuvre.

Il ne faudrait évidemment pas que cette plus grande flexibilité s’exerce au détriment du salarié qui ne serait plus protégé par un cadre juridique qui s‘impose à l’entreprise, C’est la grande crainte des syndicats. Pour échapper à ce risque, il faut donc que les syndicats descendent au niveau de l’entreprise et se réinventent.

C'est parfaitement envisageable dans les grandes entreprises qui sont équipées en représentations syndicales fortes, mais ça l’est beaucoup moins dans les petites et moyennes entreprises familiales où le pouvoir n’est guère partagé.

La loi travail doit donc combiner de façon habile cette nécessité de permettre plus de flexibilité, tout en renforçant les facteurs de sécurité...

Il faut donc que l’organisation syndicale change aussi du tout au tout.

La vraie raison d’une telle mutation n’est ni politique, ni idéologique. Elle est pragmatique, il s’agit de trouver un cadre juridique adapté aux changements de l’entreprise. Le digital et la globalisation ont permis l’éclosion et le développement rapide de nouvelles entreprises mondiales, les fameuses GAFA par exemple, les big five, les Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft...  Mais cette mutation a obligé toutes les organisations dans tous les secteurs de productions à s’adapter et à modifier la façon de travailler et de s’organiser.

Les exemples de changement, les expériences et les innovations diverses se sont multipliés et obligent le droit du travail à suivre. Mais il faut reconnaître aussi que l’adaptation du cadre juridique est parfois tellement compliquée à mettre en œuvre que le changement s’en trouve freiné. Avec des effets qui vont à l’encontre de l’intérêt des acteurs sociaux.

1e exemple de changement, l’ubérisation de l’économie, c’est à dire la désintermédiation entre le producteur et le consommateur grâce aux applications, d’où le succès du e-commerce, ou de Uber. Cette technologie a permis à une quantité de gens de travailler en indépendant. L’auto-entreprenariat, le travail à distance s’est multiplié. Le contrat de salarié, c’est-à-dire le lien juridique reliant les obligations réciproques entre l’employeur et l’employé, a reculé au profit d’autres formes de contrat de prestations.

2e exemple de changement, l’économie du partage, avec Airbnb dans l’immobilier ou Blablacar dans le transport. Là encore, le lien n’est plus un lien de subordination mais un lien quasi commercial. Le droit qui relie les partenaires n’appartient pas au droit social. Du coup quid des bénéfices du modèle social. Tout le monde est plus libre, mais certains plus que d’autres se sentent moins protégés.

3e exemple de changement, l’organisation du travail fondée sur la liberté et la responsabilisation des salariés. Certaines entreprises ont mis en place une organisation fondée sur la liberté totale des horaires, des lieux de travail et même des jours de vacances. C’est le cas de Netflix, l’entreprise la plus avancée dans ce type d’innovations. Les salariés ou les groupes de salariés signent une sorte de contrat d’objectifs avec un engagement de résultats, moyennant quoi, ils ont une liberté totale de s’organiser, tant que les résultats sont délivrés. L’autonomie donnée à  ces laboratoires a pour corolaire une responsabilité individuelle totale.

4ème exemple de changement, la rémunération des salariés. La part de rémunération variable est de plus en plus importante, cela dit le vrai changement est que cette part variable (sous forme de prime ou de bonus) n’est plus calculée seulement en fonction des résultats financiers, mais combinée en plus des résultats financiers, avec les performances sociales et les efforts environnementaux. Ce changement a été initié sous la pression des actionnaires, des clients et des syndicats. Ils entrent donc au cœur du mode de management dans beaucoup de grandes entreprises internationales. Les entreprises françaises ne sont pas en retard dans cette prise en compte des facteurs sociaux et environnementaux.

5eme exemple de changement, la rénovation du monde syndical. Cette liberté octroyée, cette responsabilité individuelle reconnue qui est au cœur de ce nouveau droit du travail va évidemment obliger les syndicats à se réinventer au niveau de leur périmètre d’action, de leur fonction et de leur représentation.

Le périmètre d’action. La nouvelle loi va les faire descendre au niveau de l entreprise. Ils ne sont déjà pas très représentés dans le privé, ils sont quasiment absents dans la petite et moyenne entreprise. Ils seront dans la pratique concurrencés par les fameux référendums d’entreprise.

La fonction : le syndicat français va passer d’une culture de conflit à une culture de compromis. Sans être co-gérant de l entreprise, la loi travail va renforcer leur pouvoir de coproducteur de l‘organisation sociale au niveau de chaque entreprise. Du même coup, il va falloir définir un nouveau rôle à la branche comme prestataire de services.

La représentation des syndicats devra être forcement renforcée. La représentation actuelle est ridicule. L’un des moyens d’accroitre la représentativité, notamment dans les entreprises privées serait de distribuer un cheque syndical à chaque salarié, qui lui permettrai de payer la cotisation au syndicat de son choix. Le chèque étant cofinancé par le salarié et par l’entreprise. Ça règlerait deux problèmes à la fois. Celui de la syndicalisation et celui des moyens de financements des organisations elles-mêmes.

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