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L'électorat FN est-il braquable ?
©BORIS HORVAT / AFP

Post traumatisme

Entre la défaite de Florian Philippot d'arriver à ancrer la sortie de l'euro au parti, la défaite de Marine Le Pen de dé diaboliser le FN, le départ de Marion Maréchal Le Pen, et Gilbert Collard qui déclare qu'il faut arrêter avec la sortie de l'euro, le Front National apparaît affaibli en cette fin d’élection présidentielle.

Emmanuel  Galiero

Emmanuel Galiero

Journaliste politique au Figaro, Emmanuel Galiero suit les partis souverainistes, le Modem, mais aussi la politique à Paris et à l'échelon de la région Ile-de-France. 

Emmanuel Galiero est le co-auteur notamment de Grandir à Marseille dans les années 1940 et 1950 aux éditions wartberg.

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Quel est le niveau de vulnérabilité du Fn actuellement ?

Emmanuel Galiero :Tout d'abord, il y a plusieurs mauvaises nouvelles pour le parti. L'échec à la présidentielle notamment. Beaucoup d'espoir étaient nourris par Marine Le Pen qui s'appuyait sur une ligne définie et soutenue. Mais la présidente élue avait décidé de ne pas poursuivre cette ligne et en fin de campagne elle a essayé de faire un virage et de donner une présentation différente de son programme, notamment  sur l'euro et sur l'économie. Elle avait compris que certaines choses pouvaient rebuter son électorat qui pouvait l'aider à progresser. Notamment l'électorat de droite (celui orphelin de François Fillon dans l'entre deux tour) qui était sur le marché et qu'il fallait aller chercher.

Il est vrai qu'on a beaucoup critiqué sa campagne mais je trouve finalement qu'elle n'est pas si mauvaise. La catastrophe en fait est arrivée lors du débat qui a beaucoup été critiqué même au sein du Front National. 

Ensuite il faut bien prendre en compte que deux lignes s'affrontent en interne. La ligne Philippot contre celle de Marion Maréchal Le Pen. Donc une ligne plutôt étatiste face à une plutôt libérale. Marine Le Pen a essayé de concilier les deux lignes et sa nièce pensait que Florian Philippot pesait trop fortement dans les choix de la candidate qui s'appuyait trop sur lui. Résultat, certains au sein du parti disaient que selon l'échéance du second tour, Florian Philippot aurait du souci à se faire. Il est vrai qu'il ne dispose pas d'un soutien militant très important, il n'a pas la culture du parti. Il a tissé une relation particulière et personnelle avec Marine Le Pen et il a toujours été étroitement associé à la stratégie. Il s'est donc beaucoup exposé et du coup il est dans une situation délicate aujourd'hui. 

Est-il susceptible de se faire dépasser par une formation de la même manière que ce qu'En Marche est en train de faire subir au PS ? Qui sont ceux qui pourraient faire un tel holdup ?

Le Front National a un électorat très encré, c'est même l'une des leçons que nous avons pu tirer de la présidentielle. Très tôt d'ailleurs, elle avait été donnée comme finaliste de l'élection et tous les sondages le disaient. Il y a donc un électorat fort et stable qui se mobilise. Il ne faut pas oublier que le FN a presque doublé son nombre de voix depuis 2011. C'est colossal. Les 33% sont en dessous de ce qui été espéré (ils pensaient surement atteindre les 40%) mais malgré tout, ils restent mobilisés. 

On sait bien que le FN a un électorat populaire, fort chez les jeunes et les ouvriers. Même s'il y a une porosité avec l'électorat de Jean-Luc Mélenchon, ils n'ont récupéré que 7% de ses électeurs pour le second tour. En réalité l'électorat naturel est de droite et provient avant tout de la France périphérique. Ces gens-là, ces oubliés, comment von-ils se comporter, c'est une vraie question. Je ne suis pas convaincu qu'ils se dirigent vers Emmanuel Macron ou vers la droite. 

Qui pourrait prendre leurs électeurs ? Il faudra attendre un peu pour voir quelle ligne sera exploitée et attendre la stratégie qui sera dévoilée pour les législatives. Le FN optera certainement pour des thèmes classiques. On entendra surement peu parler de l'euro pendant ces élections. On reproche d'ailleurs à Marine Le Pen de s'être trop attardée sur ce sujet  qui n'est pas une priorité absolue des français. Elle a eu des difficultés à imposer ce thème. 

Le plus gros danger pour le moment c'est que l'électorat frontiste déçus par Marine Le Pen hésite à aller voter. Mais il ne faut pas oublier la tendance de ce parti qui continu de progresse

Imaginons qu'à droite quelqu'un monte son propre mouvement, disons la droite hors les murs. La ce serait possible qu'il y est une alternative au FN pour les électeurs.

Mais cela servirait le FN tout de même car sa stratégie (et surtout celle de Marine Le Pen) est de constituer une alliance avec cette droite. Par exemple prenons la femme de Robert Ménard, Emmanuelle Ménard, qui est candidate dans l'Hérault. Elle va être soutenue par plusieurs partis, le CNIT le FN et aussi debout la France. Donc c'est l'exemple d'une candidate qui se présente sous l'étiquette "soutenue par". Quelque part elle incarne un peu une alliance que l'on peut appeler pour le moment "l'alliance des patriotes". C'est justement ce que veut faire Marine Le Pen à l'Assemblée. Elle veut créer une force politique de grand rassemblement qui ne serait pas forcément FN mais plus élargie, dont le nom n'est pas encore défini. Tous les gens y compris à droite qui pourrait se retrouver plus dans cette ligne là que dans celle de Baroin s'y rendront.

Le problème c'est qu'il faut des soutiens et une implication locale. Ce n'est pas évident. Il ne faut pas oublier que les députés déjà implantés ont un avantage incontestable. Pour tous ceux qui ne le sont pas, la porte est ouverte. 

Je pense que le FN parie plus sur l'éclatement à droite que sur le risque de se voir voler ces électeurs. Il y a deux tours dans une législative, au second il y aura surement un appel à se rassembler. 

Comment le FN pourrait réagir, à moyen terme, contre les échecs de cette élection, des départs, et du flou de la ligne politique actuelle ?

C'est tout l'enjeu de la transformation du Front National avancée par Marine Le Pen le soir de sa défaite. Beaucoup de questions vont être posées lors du prochain congrès. Il faut une grande réflexion en interne, c'est indispensable. Au-delà du marketing (du changement de nom, l'organisation nouvelle des équipes etc…) c'est un chantier immense et très important pour Marine Le Pen. Cela va prendre du temps. Le congrès sera capital. 

Il faut trouver le juste milieu entre le changement et le fait de ne pas bouleverser le programme et les acquis du parti. A qui s'adressent-ils ? Ou sont leurs électeurs ? Et comment faire pour incarner la nouvelle force de droite ? Ce sont toutes les questions qui doivent être posées. Le FN a beaucoup de travail devant lui.  

On approche d'un grand virage historique pour le parti. Il va falloir maintenir la cohésion du parti pendant les législatives. Tout le monde attend du changement mais tout le monde n'est pas d'accord sur la nature de celui-ci. 

Notons quand même que la question du leadership de l'ex-candidate n'est pas contestée. Il n'y a pas de candidat pour la concurrencer pour le moment. 

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