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"Qu'ils nous épargnent du moins leurs ineptes couplets sur la défense de la liberté contre le fascisme" : quand Orwell démystifiait dès 1945 les mécanismes du terrorisme intellectuel
©Wikimedia commons/Jordan L'Hôte

Bonnes feuilles

Depuis la fin du XIXe siècle en France, l’immobilisme est le grand vainqueur des luttes vives qui ont marqué l’histoire de notre pays. Entre opposition de doctrines, combats de personnes mais aussi subversion des mots et captation d’influences, les dérives historiographiques s’avèrent à tel point impertinentes qu’il est urgent de les dénoncer. Car ce n’est rien de moins que la mutilation de l’histoire qui est ici en jeu. Extrait de "Antagonismes français" de Marc Crapez, aux Editions du Cerf (2/2).

Marc Crapez

Marc Crapez

Marc Crapez est politologue et chroniqueur (voir son site).

Il est politologue associé à Sophiapol  (Paris - X). Il est l'auteur de La gauche réactionnaire (Berg International  Editeurs), Défense du bon sens (Editions du Rocher) et Un  besoin de certitudes (Michalon).

 

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Nul mieux qu’Orwell n’a défini la nature du parti intellectuel ou gauche idéologique. Relatant une réunion du Pen Club où se succédèrent quatre orateurs il écrivit  : « le troisième prononça une attaque contre les lois sur l’obscénité dans la littérature. Le quatrième consacra la majeure partie de son discours à une défense des purges en Russie […] La liberté morale – la liberté de faire imprimer une discussion franche sur les problèmes sexuels  – semblait recevoir une approbation générale, mais personne ne faisait mention de la liberté politique […] Leur cuisine vient de Paris et leurs opinions politiques de Moscou. Au milieu du patriotisme général de l’Angleterre, ils forment un îlot de dissidence. L’Angleterre est peut-être le seul grand pays où les intellectuels aient toujours honte de leur propre nationalité. Ceux qui fréquentent les milieux de gauche sentent toujours qu’il y a quelque chose d’un peu honteux à être anglais, et que leur devoir est de ricaner devant chaque institution anglaise, depuis les courses de chevaux jusqu’aux “suet puddings”. C’est un fait étrange, mais véridique, que n’importe quel intellectuel anglais aurait plus honte s’il se tenait au garde-à-vous pendant God Save the King que s’il volait la caisse des pauvres ». 

Si bien que « l’attaque consciente et délibérée contre l’honnêteté intellectuelle vient des intellectuels eux-mêmes ». Au demeurant, « les intellectuels sont portés au totalitarisme bien plus que les gens ordinaires ». Peut-être est-ce dû à une « envie de détruire le socialisme égalitaire d’ancienne mode et d’installer une société hiérarchique où l’intellectuel puisse enfin s’emparer du fouet ». Aussi Orwell démystifie-t il, dès 1945, les mécanismes du terrorisme intellectuel  : « Ce qu’exige à l’heure actuelle l’orthodoxie en place, c’est une admiration sans réserve pour la Russie. Tout le monde le sait, et presque tout le monde s’y plie ». Car les « intellectuels sont prêts à tolérer non seulement la censure mais la falsification délibérée de l’histoire ». En cas de manquement à la règle  : « On vous avertissait, tant publiquement qu’en privé, que cela “ne se faisait pas”. Ce que vous disiez était peut-être vrai, mais c’était “inopportun” et cela “faisait le jeu” de tel ou tel intérêt réactionnaire ».

Sous-jacent à « l’argument selon lequel il ne faudrait pas dire certaines vérités, car cela “ferait le jeu de” telle ou telle force sinistre est malhonnête […] se trouve habituellement le désir de faire de la propagande pour quelque intérêt partisan, et de museler les critiques en les accusant d’être “objectivement” réactionnaires » En vérité  : « Les intellectuels sont ceux qui protestent avec le plus de bruit contre le fascisme, et néanmoins il y en a une bonne proportion qui sombre dans le défaitisme lorsque la situation devient difficile ». D’où cette conclusion : les intellectuels « ont toutes sortes de motifs à leur lâcheté et à leur malhonnêteté […] Mais qu’ils nous épargnent du moins leurs ineptes couplets sur la défense de la liberté contre le fascisme ».

Extrait de "Antagonismes français" de Marc Crapez, aux Editions du Cerf

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