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Et bing, Benoît Hamon de nouveau face à la question de son retrait et le PS face au dilemme entre deux mauvaises solutions
©AFP

Charybde et Scylla

Entre un retrait au profit de Jean-Luc Mélenchon et le risque d'un score historiquement bas, Benoît Hamon va devoir trancher. Mais il n'est pas certain que le problème qui se pose à lui soit nécessairement solvable.

Jean Petaux

Jean Petaux

Jean Petaux, docteur habilité à diriger des recherches en science politique, a enseigné et a été pendant 31 ans membre de l’équipe de direction de Sciences Po Bordeaux, jusqu’au 1er janvier 2022, établissement dont il est lui-même diplômé (1978).

Auteur d’une quinzaine d’ouvrages, son dernier livre, en librairie le 9 septembre 2022, est intitulé : « L’Appel du 18 juin 1940. Usages politiques d’un mythe ». Il est publié aux éditions Le Bord de l’Eau dans la collection « Territoires du politique » qu’il dirige.

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Atlantico :  Les rumeurs faisant étant de la préparation d'un désistement voire d'un ralliement du Parti socialiste (à Jean-Luc Mélenchon) met fortement en danger l'assise politique déjà fébrile du parti de la rue de Solférino. Mais qu'est-ce qui serait le pire pour le PS ? Un score de Benoît Hamon très bas à l'élection présidentielle ou un retrait de sa candidature ?

Jean Petaux : En pratiquant l’humour vache à l’égard du PS on pourrait surtout vous répondre en disant que la pire des situations pour le PS se serait une candidature de Benoit Hamon à la présidentielle…Plus que jamais le livre de Bon et Burnier, « Que le meilleur perde » pourtant écrit et publié chez Plon en 1986 et ironiquement sous-titré : « Eloge de la défaite en politique », prend tout son sens ici. On pourrait d’ailleurs totalement appliquer ce commentaire au candidat LR, François Fillon, qui met un génie certain à tout faire pour vraiment foncer droit dans le mur… plombant lourdement les candidatures aux législatives des femmes et des hommes de son parti qui, en privé, n’espère qu’une chose, être déjà au 24 avril au matin, refermer la séquence Fillon-sur-Sarthe et passer, enfin, aux choses sérieuses, la campagne des législatives.

Dans le cas de Hamon, trois au moins des titres des chapitres du livre de Bon et Burnier s’appliquent à la situation : « De l’incurie », « De l’isolement », « De la division ». On va pouvoir, sans aucun doute, au soir du 23 avril 2017 finir ce « carré magique » avec le chapitre intitulé : « De la débâcle ». Hamon et ses « petits camarades » du MJS auront réussi au-delà de leurs espérances à faire passer un PS sous la barre des 10%. Généralement une formation politique qui a vocation à gouverner ne se remet pas d’une telle déconfiture et doit, au moins, changer de « devanture », de « raison sociale » et, plus profondément, de ligne politique quand elle a atteint de telles profondeurs électorales.

Pour répondre à votre question : un retrait de la candidature Hamon serait non seulement une hérésie politique mais ce serait aussi le signe d’une terrible irresponsabilité à l’égard des électeurs. Qu’on imagine un peu ! Le parti de François Mitterrand, qui a gouverné la France en alternance avec la droite républicaine depuis 1981, qui a géré les principales villes de France (et en gère encore de très nombreuses), qui a présidé aux destinées des plus grandes institutions de l’Etat en 2012 (Présidence de la République, Assemblée nationale et Sénat), ce parti, cinq ans plus tard, ne présenterait même pas de candidat à la présidentielle ? Les adhérents de ce parti (il en reste), les élus de ce parti (il en reste), les électeurs de ce parti (il y en a de moins en moins, c’est un fait), seraient vraiment en droit de crier au scandale. Quant à l’irresponsabilité politique à l’égard du corps électoral tout entier elle reviendrait à réduire la présidentielle à un misérable petit jeu de congrès… Une telle décision aurait un effet dévastateur sur l’électorat, provoquerait une abstention massive et supplémentaire et son but à peine caché (« feu sur le quartier général de Macron » pour parler comme la maoïstes de la grande époque) n’aurait qu’un effet : donner un coup de pouce supplémentaire à Mélenchon pour qu’il soit qualifié au second tour. Une telle manœuvre pourrait aussi offrir à Marine Le Pen une fenêtre d’opportunité inespérée pour le 7 mai au soir.

Décidément d’ailleurs, si tel était le cas, il resterait pour l’Histoire que Benoit Hamon et ses amis « Frondeurs » n’auront jamais fait autre chose que cela : conduire leurs actes, leurs propos, leurs choix politiques en purs micro-tacticiens, comme s’il s’agissait de prendre le contrôle de la « cabine téléphonique » qui leur sert de lieu de congrès. Seulement le malheur c’est qu’il n’existe plus de cabines téléphoniques et les petites « combinaisons » de congrès minables du Mouvement des Jeunes Socialistes (« L’école du vice » disait François Mitterrand…) ne devraient plus avoir cours pour une campagne présidentielle.

Il faut espérer que Benoit Hamon sera suffisamment respectueux de la mémoire et de l’histoire de son parti pour ne pas se retirer de la compétition. Qu’il acceptera, pour l’Histoire, d’être un  « nouveau Gaston Defferre », celui des 5% des voix de 1969 avec l’étiquette SFIO et de « boire le calice de la défaite jusqu’à la lie ». En espérant aussi qu’il ait suffisamment de culture générale pour comprendre le sens de cette expression, et son origine… Sinon il reste Wikipedia.

Si l'on écoute ses dernières déclarations, le candidat socialiste laisse trop souvent le doute s'installer quant à la direction qu'il compte prendre dans les jours à venir. La campagne de Benoît Hamon ne montre-t-elle pas l'effondrement du "bon sens" politique au sein du Parti Socialiste ?

La campagne de Benoît Hamon est une accumulation d’erreurs… C’est d’abord le «  Bal des prétentieux ». Les Piketty, les sœurs Cagé, la philosophe belge Mouffe, inspirateurs plus ou moins inspirés de propositions irréalistes et fumeuses. La référence inepte et insensée à Bernie Sanders. Ce qui prouve qu’on peut connaître un succès éditorial planétaire (« Le capital au XXIème siècle », Thomas Piketty) et être un très mauvais conseiller. On peut être bardées de titres universitaires (Julia et Agathe Cagé), excellentes enseignantes et expertes en questions politiques et économiques, et manquer manifestement de sens politique… On peut, tel Vincent Peillon, être un bon philosophe, spécialiste érudit de la pensée « pré-socialiste » du XIXème siècle, et se révéler une redoutable « machine à perdre » chaque fois qu’on conseille un candidat (Jospin, Royal, Montebourg, Peillon lui-même…) ou un bien pâle ministre de l’Education nationale alors qu’on avait pourtant pris soin de changer sa paire de lunettes pour ressembler à Jean Zay, entre 2012 et 2014… Au risque de faire encore plus bondir ces purs esprits, on rappellera que cette impuissance politique structurelle n’est pas nouvelle.. Le grand André Siegfried, l’un des fondateurs de la géographie électorale en France, n’a jamais été fichu de se faire élire, même conseiller général d’un modeste canton normand, entre 1890 et 1914…  Il s’en amusait lui-même quelques années plus tard dans ses propres écrits.  

Autre perte (pas forcément du « bon sens »), celle du « sens » tout simplement. Le « sens de l’histoire » qui veut que depuis François Mitterrand, depuis 1971, le Parti Socialiste a choisi d’être un parti de gouvernement qui a fait des choix stratégiques allant dans le sens d’une affirmation de sa capacité historique à présider et à gouverner le pays. Au prix parfois de vrais déchirements, presque au sens « d’arrachements » (en allemand : « haufhebung » : « arrachement, dépassement » correspondant à ce que Hegel appelle le « moment dialectique », celui où l’on sort de la contradiction par le haut, par une vraie rupture. Ce fut le cas avec le ralliement à la dissuasion nucléaire (« Les Conventions pour l’armée  nouvelle » voulues par Mitterrand et Hernu dans les années 70) ; ce fut le cas, évidemment, du choix de l’Union Européenne, en 1973 puis en 1979 et encore et surtout en 1983 avec le maintien du Franc dans le SME. Ce fut enfin le cas avec le soutien aux Etats-Unis lors de la crise « Pershings contre SS20 » dite des « Euromissiles » ou celui du soutien au président George Bush Sr à l’occasion de la première guerre du Golfe, lors de l’invasion du Koweït par Saddam Hussein, d’août 1990 à février 1991…  C’était cela le « sens de l’Histoire » qu’un François Mitterrand, qu’on l’ait apprécié ou pas comme chef de l’Etat, a toujours eu. Tout comme un Jacques Chirac aussi d’ailleurs. Y compris, pour ce dernier (mais c’est autre chose) dans son admirable discours du « Vel d’Hiv’ » du 16 juillet 1995 qu’une Marine Le Pen, pauvre petite manœuvrière politique, foule aux pieds sans vergogne aujourd’hui.

Benoit Hamon à qui la culture politique manque tout autant que la culture générale n’aura sans doute pas tous ces états d’âme et surtout ces états de service à faire valoir. Finalement le PS n’a que ce qu’il mérite en héritage : un premier secrétaire se piquant de tactique qui a cru subtile de réanimer la primaire pour le parti du président sortant ; un  vainqueur de cette primaire qui ne voulait surtout pas être candidat à la présidentielle puisque lui, son rêve, c’est (encore ??...) d’être le « patron de Solfé »… C’est tellement ridicule qu’on se prend à bénir le ciel (socialiste ?) que ce dernier état (celui de « ridicule ») ne soit pas mortel car le PS serait promis au destin cumulé de la « Secte du Temple du Peuple » (Guyana, 1979), de celle des « Davidiens de Waco » (Texas, 1993) et de celle du « Temple Solaire » (Vercors, 1995) et … Les « Benoitiens de Solfé » : voilà qui mériterait de passer à la postérité dans la catégorie « suicide collectif ».

Du point de vue de Mélenchon, qu'est-ce qui serait le plus souhaitable ? A-t-il intérêt à négocier avec Benoit Hamon de sorte à devenir le candidat de la gauche unifiée, ou doit-il craindre ces potentiels alliés ?

C’est à Jean-Luc Mélenchon et à son entourage de définir la stratégie la plus souhaitable pour maximiser leur position. En matière de « coups tordus », ces grands donneurs de leçon de morale ne sont pas les derniers et les moins manchots… Vaccinés, eux aussi, dès leur plus jeune âge au trotskysme le plus tacticien qui soit et surtout ayant « biberonné » au lait maternisé du gauchisme petit-bourgeois dont ils sont les dignes rejetons. En fait il y a fort à parier que tout en conservant plus qu’un œil sur la « casserole Hamon » en train de « cramer » sur le feu, Mélenchon a tout intérêt à faire semblant de s’en désintéresser. Pour bien comprendre la conduite (et les postures) du personnage il faut définitivement considérer que sa particularité n’est pas, comme on l’a cru, sa faculté à se démultiplier sous forme d’hologramme pendant cette campagne… Non.. Son syndrome, son « TOC », c’est de se prendre définitivement pour Mitterrand. D’être la réincarnation de Mitterrand. De considérer, que « par les forces de l’esprit » Mitterrand lui parle… Il a pris, au pied de la lettre, les derniers vœux du président Mitterrand le 31 décembre 1994 à la télévision, à 20h. Toute la campagne de Mélenchon est dictée, stratégiquement et tactiquement, par celles qu’a pu conduire le refondateur du PS en 1971. A l’égard du Parti Communiste par exemple : Mitterrand l’a tué, Mélenchon vient de l’incinérer. A l’égard de l’écologie par exemple. Mélenchon fait à l’égard du « vert » ce que Mitterrand a fait à l’égard du « socialisme » (dixit Guy Mollet) : « il n’y croit pas, il a juste appris à le parler »…. Et à l’égard du Parti Socialiste enfin, ce parti qui l’a rejeté, qui l’a méprisé, qui l’a humilié ! Mélenchon se conduit comme Mitterrand l’a fait à l’égard de la droite, celle qui l’a éduqué, celle de sa mère dévote, mais qui l’a tellement détesté lui le petit-bourgeois provincial charentais, amoureux de Chardonne et vaguement pétainiste. Mitterrand a battu la droite pour la dominer. Voilà ce que veut faire « Méluche » à l’égard du PS : « l’écraser pour le contrôler ». De là ressort toute la rhétorique du « Dégagisme » et le « populisme circonstanciel de temps et de lieu » de Mélenchon. Ce dernier ne va pas s’encombrer d’une quelconque négociation et alliance avec les socialistes dans l’hypothèse (encore improbable) où celui qui fut le benjamin socialiste du Sénat, sénateur socialiste de l’Essonne (il faut rappeler les trajectoires politiques : elles ont le mérite d’orienter le lecteur..) gagnerait la présidentielle. Est-ce que Mitterrand a négocié quoi que ce soit avec les Communistes quand il a fait rentrer quatre d’entre eux dans le gouvernement Mauroy postérieur aux Législatives de 1981 ? Non ! Il a juste continué à « manger le PCF » comme on mange un artichaut. Feuille par feuille. Mélenchon fera pareil avec le PS si ce dernier connait un score humiliant au soir du premier tour de la présidentielle  et si, par cas, Mélenchon lui-même est qualifié pour le second tour. S’il l’emporte face à Marine Le Pen (rien n’est moins sûr ici d’ailleurs) il dépouillera le PS de ses reliques législatives et videra de sa substance le parti de Hollande… La vengeance est un plat qui se mange froid paraît-il…

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