CDS sur la dette grecque : les marchés ont-ils été touchés par la grâce ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
CDS sur la dette grecque : 
les marchés ont-ils été touchés 
par la grâce ?
©

Fausse bonne conscience

Les membres de l'ISDA, l'organisme qui régit les CDS (Credit Default Swap) - ces contrats d'assurance sur les dettes des Etats - ont décidé de ne pas les déclencher. Cette décision inquiète et rassure à la fois. Un nouveau pragmatisme financier serait-il de mise sur les marchés ?

Paul Jorion

Paul Jorion

Paul Jorion est Docteur en Sciences sociales et enseignant. Il a aussi été trader et spécialiste de la formation des prix dans le milieu bancaire américain.

Voir la bio »

Atlantico : Comment peut-on analyser la décision que vient de prendre l'ISDA (International Swaps and Derivatives Association) de ne pas déclencher les CDS sur la Grèce ?

Paul Jorion : Cette décision est à la fois scandaleuse et rassurante.

Scandaleuse, parce que manifestement un petit groupe de gens intéressés, qui en fait représentent les deux parties dans les accords contractuels (même si en fait ce sont des paris) décident entre eux de la façon dont les choses vont s'organiser. Ce comité est clairement traversé par des conflits d’intérêts. Normalement ça ne devrait pas être un comité de ce type-là, représentant l’ensemble des partis, qui devrait en juger. Il devrait y avoir une décision objective venant d'une tierce partie capable d’arbitrer. Mais actuellement, c’est le rapport de force entre les deux camps qui a décidé de l’issue.

La représentation des marchés dont on a l'habitude correspond en principe à l'image d'un secteur équilibré dans les points de vue du fait d'un consensus. Dans le cas présent, on a plutôt l'impression d'assister à une cuisine intérieure, et la société se retrouve à dépendre des décisions qui seront prises. De plus, les délibérations sont gardées secrètes car ils ne veulent pas qu’on sache ce qui motive leurs décisions. C’est l’arbitraire absolu.

Toutefois, cette décision est également rassurante car ils se neutralisent de cette façon-là. Ils se mettent eux-mêmes dans une position de spéculateurs et par la même, ils se mettent sur la touche. C’est une bonne nouvelle pour l'équilibre du secteur de l’économie et la finance mais on aimerait quand même que les choses se passent différemment.

Que révèle cette décision sur le monde de la finance ?

En 2008, on a vu des gens dans la finance parier sur l’effondrement du système parce qu’ils pensaient qu'ils pourraient encore gagner de l’argent de cette manière-là.  Cette fois-ci, ils se rendent compte que le problème n’est pas qui va gagner si le système s’effondre mais bien comment on va réussir à préserver ledit système. C’est un fait rassurant. Cela montre qu’une espèce de notion du Bien commun commence à intervenir et que la notion de risque systémique commence à être prise au sérieux.

On peut en déduire que la décision prise par l'ISDA ne tient qu'à du pragmatisme économique ?

C’est mon sentiment, même si on ne saura jamais ce qui a vraiment motivé cette décision. Ils ont certainement regardé les chiffres et vu qu’il y avait plus à perdre en déclarant un évènement de crédit qu’à décider qu’il n’y en avait pas. De toute façon, dans leur rapport de force avec les Etats ils avaient l’avantage, donc les Etats n’ont pas pu leur imposer cette décision.

Ce n’est que du pragmatisme financier. Cet événement montre que le marché des capitaux est clairement désorienté. Cela trahit aussi l’affolement qui commence à s’emparer du système.

Propos recueillis par Priscilla Romain

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !