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Charte de l’imam : comment le CFCM laisse sa bonne volonté se noyer dans son complexe de victimisation
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Victime

Dalil Boubakeur a signé jeudi 30 mars la lettre qui décrit les critères de l'exercice de l'islam en France. Il y précise que la communauté musulmane est "soucieuse de la montée en puissance, au sein de la société française et parmi tout un pan de ses élites politiques, médiatiques et intellectuelles, d'une extrême diabolisation de la minorité musulmane : l'islamophobie." Pourtant, le niveau de racisme et de discrimination en France est historiquement bas.

Guylain Chevrier

Guylain Chevrier

Guylain Chevrier est docteur en histoire, enseignant, formateur et consultant. Ancien membre du groupe de réflexion sur la laïcité auprès du Haut conseil à l’intégration. Dernier ouvrage : Laïcité, émancipation et travail social, L’Harmattan, sous la direction de Guylain Chevrier, juillet 2017, 270 pages.  

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Atlantico : Dans quelle position psychologique le recteur de la mosquée de Paris se pose-t-il par ces déclarations ?

Guylain Chevrier : Cette psychologie de la victimisation sert une prise de pouvoir. Le sentiment commun de victimisation est au fondement de toute psychologie des foules, ainsi faciles à manœuvrer. Créer cette psychose sur fond de victimisation religieuse, c’est être assuré que les individus se rassemblent d’abord autour de leur croyance, au lieu de se penser et d’agir avant tout comme des citoyens dans une société qui est la leur, de s’intégrer. C’est les éloigner de la République, sinon les pousser à se retourner contre elle. De l’autre côté, c’est un puissant moyen d’intimidation envers la société pour faire taire les critiques, et qui de plus, donne les coudées franches aux excès de la religion. Signalons ici que, selon l’étude de l’Institut Montaigne récemment publiée sous le titre « Un islam français est possible », en septembre 2016, 37% des musulmans interrogés pensent qu’en France « ils sont victimes d’un complot ». Exact reflet de ce discours permanent de mise en procès de la société française pour « islamophobie ».

Cette victimisation sert de moyen de diversion pour éviter de se poser les vraies questions. Pour que progresse l’intégration parmi les autres, de nos concitoyens de confession musulmane, il faut absolument arrêter de se voiler la face. Il y a des faits clairement identifiés, qui plaident en la faveur d’une certaine inquiétude partagée par l’ensemble de nos concitoyens, au regard de l’évolution de l’islam dans notre pays. Il ne s’agit pas simplement du développement incessant du port du voile et de son évolution de plus en plus ostensible ;  du fait de voir de plus en plus de fillettes auxquelles on l’impose de façon abject, bafouant les droits de l’enfant en les prédestinant de façon insupportable à la soumission patriarcale et à la discrimination sexuelle ; des déclarations d’imams rejetant les libertés comme le mal, interdisant aux musulmans de pratiquer la musique comme étant blasphématoire, comme le fait l’imam de Brest, ou justifiant le départ de jeunes pour la Syrie, comme l’a fait l’ancien président de l’association des musulmans de la ville de Lunel (Hérault) d’où ils étaient partis nombreux et dont plusieurs sont morts, ou accusant la laïcité d’être responsable des attentats comme l’a fait l’imam de Nice au lendemain de l’attentat qui y a eu lieu ; d’une manifestations pro-palestinienne résonnant de « Allah Akbar », ou de « mort aux juifs », suivie d’attaques contre des synagogues ; d’émeutes dans des quartiers communautarisés dès que l’on tente un contrôle de police envers une femme portant le voile intégral interdit par la loi ; de la montée des revendications religieuses à caractère communautaire que l’on constate dans tous les domaines de la vie économique et sociale, de l’entreprise à l’hôpital ; du refus infâme de serrer la main des femmes de la part d’hommes en raison de leur religion, régression moyenâgeuse s’il en est… Non ! Pas seulement. Et la liste aurait pu encore être bien plus longue. Il se trouve que des études très sérieuses ont mises à jour la réalité de ce dont témoignent ces faits. L’étude de l’Institut Montaigne déjà citée, parle de 25% de musulmans qui constituent « un groupe qui se définit plus par son conservatisme » et encore, « par l’utilisation qu’il fait de l’islam afin de mener une véritable rébellion idéologique vis-à-vis du reste de la société française ». Des musulmans qui considèrent à 28% qui considèrent que la charia est au-dessus des lois de la République ! 28% des femmes musulmanes vont jusqu’à l’acceptation du voile intégral ! S’agit-il donc, comme M. Boubakeur l’affirme pour justifier ses excès de langage, de « marginaux » de l’islam, et que les « croyants qui y adhèrent sont minoritaires ». Mieux encore, l’Observatoire France Sociovision révélait dans une enquête publiée en novembre 2014, que 47% des musulmans « souhaitent une société où chacun peut exprimer publiquement son appartenance religieuse » quand 82% de l’ensemble des Français est pour plus de discrétion, mais aussi que 56% des musulmans trouvent « normal qu’on suive d’abord les règles de sa religion avant celles de la société ».

Le même jour pourtant, la Commission nationale consultative des droits de l’homme relevait que les attaques terroristes en France n'avaient pas provoqué de rejet de l’autre, et que le niveau de racisme et de discrimination était historiquement bas. Que révèle ce décalage entre la perception de la réalité et la réalité par M Boubakeur ?

Effectivement, les « Rapports sur la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie », rendus par la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme, en 2015 et 2016, montrent un indice de tolérance des Français sur ce thème qui ne cesse d’être meilleur. Ceci, avec un net recul continu des actes antimusulmans, dans un contexte qui est tout de même celui d’attentats commis au nom de l’islam, montrant très bien que ce qui domine est l’absence d’amalgame. On peut saluer au contraire le peuple français pour cette attitude, inscrite dans le droit fil de ce que représente dans notre histoire les Droits de l’homme. De ce côté, la victimisation avancée derrière ce que Dalil Boubakeur dénonce comme étant une « une extrême diabolisation de la minorité musulmane » qu’il résume par le terme : « islamophobie », est déjà rendue caduque. On soulignera l’extrême gravité d’un tel procès de la société française, à front renversé avec la réalité, qui encourage les musulmans à se replier sur eux-mêmes quand la société française s’ouvre au contraire à la fraternité, comme la manifestation du 11 janvier 2015, au lendemain de l’attentat contre Charlie Hebdo et l’hyper cacher de Vincennes, l’avait largement révélée. C’est aussi cette victimisation à outrance qui est le fond de commerce d’un endoctrinement qui conduit à  la radicalisation. On relèvera, contrairement justement à ce qui est avancé par le recteur de la mosquée de Paris et président du Conseil Français du Culte Musulman, que parmi les élites politiques, médiatiques et intellectuelles, il y a tout un courant qui milite pour la reconnaissance juridique du concept d’islamophobie, qui signifierait le retour dans le droit, du délit de blasphème. On regrettera, de ce point de vue, que la CNCDH s’agrège de façon inquiétante à ce courant, prenant ce concept des plus ambigu et dangereux pour la liberté d’expression et de pensée, de conscience, comme instrument de mesure, derrière lequel le communautarisme est en embuscade.

Aussi, force est de constater que la psychose n’est pas du côté que l’on croit, mais bien de celui de ceux qui recourent systématiquement à cette méthode. Il n’y a donc aucun fantasme derrière les inquiétudes qui peuvent traverser notre société à propos de l’islam, de son intégration dans note Nation. Au contraire, des tensions palpables existent à mettre en relation avec ce que ces chiffres révèlent, qui nourrissent les extrêmes, encore plus lorsque le déni est le seul argument qui vaille. Il est d’ailleurs dommageable que l’utilisation de cette victimisation hypothèque l‘ensemble de ce qu’a entendu présenter Dalil Boubakeur, car parmi les propositions avancées, il y en a certainement à propos desquelles un dialogue reste à ouvrir. Ceci étant, il serait temps que l’on entende d’autres concitoyens de confession musulmane, parmi ceux qui font partie du groupe qui se reconnaissent dans les valeurs de la République, pour casser cette victimisation à outrance qui est à haut risque pour les musulmans dans leur ensemble, et qui les prend en otage.

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