L'alourdissement de la taxation des riches est-il vraiment l'alpha et l'omega de la justice fiscale ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Une étude de l'Institut Montaigne de 20071 a montré que la fuite des capitaux et de leurs détenteurs qui en avait résulté coûtait au bas mot 16 milliards d'euros annuels au trésor public.
Une étude de l'Institut Montaigne de 20071 a montré que la fuite des capitaux et de leurs détenteurs qui en avait résulté coûtait au bas mot 16 milliards d'euros annuels au trésor public.
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Route de l'enfer & bonnes intentions...

François Hollande a annoncé lundi sa volonté de créer une nouvelle tranche d'imposition à 75% pour les salaires supérieurs à un million d'euros par an. Mais qu'est ce que la justice et l'efficacité fiscales ?

Vincent Bénard

Vincent Bénard

Ingénieur et économiste, Vincent Bénard analyse depuis plus de 15 ans l’impact économique et sociétal des décisions publiques, pour le compte de plusieurs think tanks et partis politiques promouvant les libertés économiques et individuelles.
 
Il est l'auteur de deux ouvrages “Logement, Crise Publique” (2007) et “Foreclosure Gate, les gangs de Wall Street” (2011).
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François Hollande propose de créer une tranche d'imposition sur les très hauts revenus à 75%, taux auquel s'ajoutera la CSG, au nom de l'inévitable "justice fiscale", lieu commun que plus personne ne croit utile de contester, tant il semble aller de soi.

La très relative notion de justice

Et pourtant, la notion de justice fiscale n'a pas toujours signifié une taxation progressive des plus riches, ni des taux confiscatoires. John Locke estimait que le rôle de l'Etat étant de garantir la sécurité des biens et des personnes, et rien d'autre, chaque individu devait payer le même impôt pour bénéficier de ce service. Toutefois, il apparut assez vite que garantir la sécurité et la propriété des plus aisés coûtait plus que celle des indigents, et au XVIIIème siècle s'imposa l'idée que l'impôt devait être proportionnel aux capacités de paiement des individus, c'est à dire à leurs revenus. A tel point que notre déclaration des droits de l'homme de 1789 en fit un principe dans son article XIII, instaurant une contribution "également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés", reprenant presque mot pour mot la formulation d'Adam Smith dans la richesse des nations.

Au XIXème siècle, le débat fera rage entre tenants des taxations progressives et proportionnelles. C'est en 1914 que le ministre Joseph Caillaux imposera définitivement l'impôt sur le revenu progressif. Les taux marginaux, d'abord faibles, seront très vite portés à 90% dans les années 20, puis décroitront graduellement après guerre, de 80 à 40%.

Source image : Berruyer-Piketti

Si en France, la progressivité et les taux élevés font partie du paysage, il n'en est pas de même ailleurs. En Allemagne, la constitution a inclus un "bouclier fiscal" interdisant de prélever plus de 50% des revenus d'une personne, seuil jugé confiscatoire. Mais l'exemple le plus frappant est celui des pays de l'est, dont la plupart, avant la chute du communisme, pratiquaient l'impôt proportionnel. Lors de la démocratisation, de nombreux dirigeants de ces pays ont cru bon, par mimétisme, d'instaurer des taxations progressives. L'incompréhension fut telle que la fraude fiscale y devint endémique. En Russie, la collecte de l'impôt des riches nécessitait souvent des moyens quasi militaires. Et pourtant, le taux marginal de l'impôt n'y était "que" de 42%.

La Russie revint en 2001 à un impôt proportionnel à 13% (le même taux qu'à l'époque communiste !) et le civisme fiscal fit un bon en avant, ainsi que les recettes. Les pays Baltes, la Géorgie, la Slovaquie, et bien d'autres, ont connu la même évolution : dans ces pays, les contribuables ont trouvé plus juste un impôt proportionnel à taux marginal faible, dont seuls les indigents sont exemptés, et qui tolère comme seule niche fiscale une déduction forfaitaire par enfant à charge. La "justice fiscale" est donc une notion tout à fait subjective, forgée par l'histoire. Vérité de ce côté du Rhin, mensonge au delà ?


De l'évasion fiscale au dépérissement

D'un point de vue plus pragmatique, François Bayrou a raison de noter que ceux qui sont censés être les cibles de cette tranche confiscatoire sauront s'en échapper sans trop de mal. Rappelons-nous un épisode de même nature, en 1995, quand le gouvernement Juppé supprima le plafonnement de l'impôt sur la fortune, pour des raisons de "justice fiscale", déjà. Une étude de l'Institut Montaigne de 20071 a montré que la fuite des capitaux et de leurs détenteurs qui en avait résulté coûtait au bas mot 16 milliards d'euros annuels au trésor public, alors que l'ISF en ramenait moins de 4. Les 12 milliards par an de manque à gagner ont accru la charge de la dette payée par tous les contribuables : ce sont donc bien les classes moyennes qui paient in fine les effets pervers des taxes confiscatoires sur les riches. Où est la justice ?

Gageons que la surtaxe Hollande provoquerait le même genre d'hémorragie. En outre, qui voudrait encore fonder sur le sol français une entreprise de croissance, avec des visées sur le monde, si la seule perspective envisageable en cas de succès était la spoliation au profit de l'agent économique le plus inefficace qui soit, l'Etat (2) ?

Comment M. Hollande peut-il affirmer qu'une taxation abusive de la réussite, qui obèrerait la création des emplois capable de sortir nombre de nos compatriotes de la pauvreté, serait juste ? Changez de logiciel ! Nous avons besoin de beaucoup plus d'entrepreneurs riches pour redonner un travail à tous les exclus que notre acharnement à punir la réussite à engendrés.

Notes :

1 voir, du même auteur, "L'ISF, un impôt payé in fine par les classes moyennes
2 Voir, du même auteur, "l'Etat ne crée pas de richesse, il la détruit

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