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Cuisante défaite des travaillistes à une partielle britannique : un avertissement pour Hamon et Mélenchon ?
©Reuters

Le danger guette...

Face à la montée des populismes dans plusieurs pays européens, certaines forces politiques traditionnelles en difficulté peinent à se réorganiser sérieusement pour contrer cette menace politique.

Laurent  Joffrin

Laurent Joffrin

Diplômé de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris et licencié en sciences économiques, Laurent Joffrin est directeur de la publication du journal Libération.

Il est notamment l'auteur de Le Réveil français, chez Stock, 2015

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Atlantico : Ce jeudi, au cours d'une élection partielle, le Labour a perdu (37%) face aux conservateurs (44%) à Copeland, dans le Nord-Ouest de l'Angleterre, bastion travailliste depuis 24 ans. Depuis le Brexit, la déroute du Labour semble se poursuivre. Comment expliquer la difficulté qu'éprouvent les forces politiques traditionnelles dans certains pays occidentaux à contrer le populisme ?

Laurent JoffrinCela tient au fait que les classes populaires ont été les principales victimes de la mondialisation. La courbe dite "de l'éléphant" de l'économiste Branko Milanovic montre que le dos de "l'éléphant" représente les revenus des salariés des pays émergents, la descente de la courbe, le long de la "trompe", les revenus des salariés des pays développés, et la trompe les revenus des plus riches au sein des pays développés. On observe donc bien que ce sont les classes moyennes salariées des pays développés qui ont été les plus touchées par la mondialisation. Il y a donc un rejet de fond de cette dernière, qui se traduit par une demande accrue de protectionnisme. Ainsi, les valeurs travaillistes, socialistes, sociale-démocrates sont mal en point.  On remarque également qu'une part significative des électeurs de partis de droite traditionnels passe du côté des partis nationalistes. 

Quelles sont aujourd'hui les forces politiques capables de se réorganiser efficacement face aux partis dits populistes en dépit des déroutes qu'elles ont pu subir récemment ? 

Certains pays résistent pour des raisons historiques, essentiellement ceux du bassin méditerranéen : Italie, Portugal, Espagne, Grèce, bien qu'il existe un parti néo-nazi en Grèce. Parce que le souvenir des dictatures est encore fort dans ces pays, et notamment en Espagne, il n'y a pas de partis nationalistes. Quant à l'Allemagne, les partis traditionnels résistent car leurs résultats économiques sont très bons. Ainsi, on assiste à une alternance continue dans le pays entre la droite et la gauche, cette dernière semblant avoir le vent en poupe en ce moment. Là où les partis de gouvernement obtiennent des résultats, ceux-ci sont moins abandonnés par leur électorat traditionnel.

On peut noter toutefois, en Allemagne, l'émergence de partis nationalistes, qui sont à un niveau plus fort que ce qu'ils ont été après la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Des mouvements similaires sont également à noter aux Pays-Bas, qui est un pays pourtant bien géré.

Pour contrer le populisme, le seul moyen pour les partis de gouvernement est d'avoir une politique sociale qui réconcilie les gouvernements avec les classes populaires afin d'avoir moins de chômage, moins de précarité et plus de pouvoir d'achat. Par ailleurs, il est nécessaire également de mettre en œuvre une politique d'immigration cohérente, c'est-à-dire qui peut et doit être ouverte -techniquement- mais en donnant la garantie aux classes populaires que ceci est maîtrisé.

Dans cette optique, on voit que l'offre politique française, dans le cadre de la présidentielle 2017, s'est renouvelée. Il n'y a qu'à voir l'orientation écologique de Jean-Luc Mélenchon, le renouvellement des principales thématiques du PS sous l'impulsion de Benoît Hamon, celui du centre grâce à Emmanuel Macron.

Pour ce qui est du cas français, je pense que la montée du populisme sera normalement contenue, mais pas repoussée. Marine Le Pen ne devrait pas dépasser – il faut l'espérer – les 30%. Il reste ainsi 70% de l'autre côté qui devrait, au deuxième tour, former une majorité, quel que soit le candidat en face et même si elle n'atteint pas les 70% dans sa totalité. 

Si l'on considère l'exemple de Viktor Orban ou de Nicolas Sarkozy, l'intégration du logiciel populiste ne serait-il pas le seul moyen, pour les forces politiques traditionnelles, d'empêcher la victoire d'un parti à proprement parler populiste ? 

Il convient d'apporter quelques précisions quant au vocabulaire employé. Dans le terme "populiste", on met plusieurs partis qui n'ont rien à voir les uns avec les autres. De plus, le terme est dangereux car il signifie qu'il s'agit de partis qui défendent le peuple, par opposition aux autres qui défendraient les élites. Il n'y a rien de plus dangereux pour la démocratie que de laisser entendre aux peuples qu'il est dirigé par des partis populistes et non pas par des partis de gouvernement. Plutôt que "populiste", il convient plutôt d'employer le terme de "nationaliste", ce qui rassemble tous ces partis qui sont pour la fermeture des frontières, la sortie de l'Union européenne, le refus de l'accueil des migrants, en somme des partis souverainistes.

Intégrer le logiciel souverainiste, nationaliste pour un parti traditionnel est dangereux car cela revient à légitimer cette politique. Reprendre trop fortement les idées des partis souverainistes pose plusieurs problèmes, notamment celui de la mise en œuvre de ces idées : admettons qu'un parti de gouvernement intègre l'idée d'une remise en cause du droit du sol ; cela nécessite des changements législatifs importants. De même, la fermeture des frontières implique une sortie de l'Europe, une responsabilité que ne peut pas prendre un parti de gouvernement. Intégrer le logiciel souverainiste quand on est un parti de gouvernement facilite le travail de propagande de ces partis. En 2007, Nicolas Sarkozy a agité les symboles nationalistes avec succès, il est vrai, mais cela n'a pas été plus loin : il n'a pas pris la décision de fermer les frontières, ni de décisions hostiles aux étrangers, même s'il a créé un ministère de l'Immigration et de l'Identité nationale, sans aucun contenu cependant. Ceci a dû d'ailleurs décevoir une partie de son électorat. 

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