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Emmanuel Macron le favori dont personne ne discutait des propositions politiques
©Reuters

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Dans un sondage IFOP pour Paris Match, Emmanuel Macron est crédité de 21% des voix et se retrouverait derrière Marine Le Pen à 26% et devant François Fillon tombé à 18%. Si le candidat du mouvement "En Marche !" arrive au deuxième tour, cela sera la première fois qu'un présidentiable sera qualifié sans être rentré dans le débat d'idées.

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

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Atlantico : Au vu du succès d'Emmanuel Macron dans les sondages, on peut se poser la question : est-ce que l'on a déjà vu un candidat gagner une présidentielle sans avoir à structurer le débat par ses propositions et sans même rentrer dans le débat d'idée avec ses adversaires?

Jérôme Fourquet : On est effectivement devant un cas de figure tout à fait nouveau. Il faut commencer par rappeler que l'on est à 70 jours du scrutin et qu'il peut se passer encore beaucoup de choses. La période nous a rappelé que de nombreux rebondissements pouvaient survenir et que rien n'est joué.

Il y a une double spécificité dans ce scrutin. D'une part la place annoncée en finale de Marine Le Pen. Jamais le FN n'est arrivé en finale sauf en 2002 et jamais cela n'a été annoncé dans le scrutin deux mois avant. Tout cela chamboule les repères et les réflexes habituels car sauf en 2002, chaque élection présidentielle a vu un affrontement entre la gauche et la droite. A chaque fois on était sur deux visions qui s'affrontaient avec des points de repères plus ou moins fluctuents. Avec l'émergence du Front National, ce schéma se retrouve perturbé. Cette perturbation est encore accentuée par rapport à il y a un mois car on envisageait qu'il y aurait le candidat de la droite au deuxième tour.  C'est pour cela qu'il faut être très prudent et que nous sommes face à une patinoire électorale où tout peut être perturbé. Il n'est pas impossible que cette équation soit modifiée avec la non qualification de François Fillon et qu'on se retrouve avec une configuration inédite avec au deuxième tour le FN d'un côté et de l'autre un Macron qui se veut l'incarnation d'un possible dépassement du clivage partisan. Les deux ont d'ailleurs un intérêt mutuel et on comprend qu'ils se soient choisis comme adversaires, les deux veulent faire survenir un nouveau clivage qui supplanterai le  bipartisme traditionnel. Si on est proche du Front National on appelle cette lutte "les mondialistes contre les patriotes" et si on est pro "En Marche !" on appelle cela "le camp des progressistes contre le camp conservateur".

Cette situation est donc complètement atypique et du coup la percée d'Emmanuel Macron alors même qu'il n'a pas défini très précisément son offre programmatique est permise par cette situation totalement nouvelle. Lui a fait le pari que le clivage gauche-droite était obsolète, que les partis politique étaient décrédibilisés et qu'il y aurait un espace pour une offre nouvelle portée par lui-même. Il  travaille ardemment et avec un certain succès. Cette configuration permet à un candidat qui sort des cadres habituels de se faire une place en finale.

Emmanuel Macron avance des idées, il ne faut pas être réducteur. Il incarne la volonté de renouvellement, la volonté de répondre à des attentes anciennes de la population sur un gouvernement d'union nationale qui ferait fi des querelles partisanes et apporterait des solutions nouvelles et pragmatiques.

Il avance aussi qu'il faut sortir de l'immobilisme, d'un système dans lequel chaque nouvelle majorité s'attèle à défaire ce qu'a fait la précédente. Les Français sont majoritairement d'accord sur ce point et lui surf sur cette idée.

Ensuite il est un des seuls à porter un discours enthousiaste vis-à-vis de l'avenir car une partie de la population aspire à sortir de la grisaille. Il est aussi le seul à assumer de manière pleine et entière son engagement européen. Là aussi  une minorité importante de Français sont attachés à ce projet européen. Aujourd'hui ces gens sont orphelins sur la scène politique. Macron leur donne un débouché en la matière.

C'est tout ce cocktail, qui est sur une grille de lecture libéral-pragmatique-moderniste, qui trouve un écho sur fond de volonté de renouvellement. Il peut surfer là-dessus, l'engouement est assez important et il est d'autant mieux servi par la situation dans laquelle les deux grands partis sont aujourd'hui affaiblis.

Est-ce que l'on a vu un candidat gagner uniquement sur son attitude et sur la communication qui est faite autour de ce dernier ? Quels sont les risques et les avantages d'une telle candidature ?

On peut trouver des exemples sur des candidats charismatiques qui ont suscité un engouement. On peut parler de Nicolas Sarkozy en 2007 par exemple. Mais à chaque fois tout cela était un bonus, un plus qui venait s'ajouter à un vote idéologique. Ces candidats étaient soutenus par la gauche ou par la droite. Il y avait un bonus au charisme qui permettait de déborder ces frontières habituelles. Là le cas est historique car Macron ne peut pas s'appuyer sur un socle préconstitué. Il ne sera pas le candidat de la droite ou de la gauche. Du coup s'il gagne, ce sera une vraie rupture par rapport à ce que l'on a connu jusqu'à présent. Quand vous regardez les écarts des deuxièmes tours comme Hollande-Sarkozy, Chirac-Jospin… On a des permanences géographiques. Il y a une division binaire depuis la révolution française dans l'Hexagone. Là, pour la première fois, les cartes peuvent être totalement rebattues avec un nouveau clivage Macron-Le Pen. Il faut rester prudent évidemment mais si jamais c'est le cas, les logiques et les ressorts de la construction d'une victoire seront par essence très différents de ce que l'on a connu jusqu'à présent.

Après évidemment que cette candidature présente un risque. Celui qu'en allant chercher des fidèles dans tous les partis, que la cohésion ne tienne pas. D'ailleurs c'est pour cela sans doute qu'Emmanuel Macron a été prudent et qu'il n'a pas fait d'annonce pour ne pas fracasser son attelage électoral. Il n'a que survolé les sujets économiques et sociaux par exemple. L'enjeu est de jouer avec tout ça pour ne pas prendre des positions urticantes vis-à-vis d'une partie de son électorat pour ne pas le perdre. D'ailleurs, dans un sondage IFOP pour Paris Match, on constate que c'est Emmanuel Macron qui a le taux de solidité de son électorat qui est le plus faible. C'est à cette fragilité que Macron doit veiller.

Maintenant pour les atouts, ne pas être prisonnier d'un camp c'est aussi pouvoir capter justement un électorat large sans s'embarrasser des clivages partisans. Aujourd'hui 30% de l'électorat de Hollande voterait pour lui, 30% de celui de Bayrou et 15% de celui de Sarkozy. Cette diversité est un avantage qui est en plus amplifiée par la situation politique actuelle que l'on connaît.

Aujourd'hui est ce que le scénario d'une possible qualification au deuxième tour en capitalisant uniquement sur les erreurs ou les faiblesses des autres candidats est plausible ? Et pour le deuxième tour de miser sur un vote anti Front National ?

Il faut toujours être prudent. On est à deux mois et demi de l'élection et il peut se passer beaucoup de chose encore. Et attention à ne pas réduire la dynamique Macron actuelle à la seule résultante des déboires actuels du PS et des Républicains, ou plus exactement du PS et de François Fillon.

Il y a tous les éléments suscités. Volonté de renouvellement, de dépassement des clivages, de solution pragmatique, besoin d'un souffle et d'un regard optimiste, engagement européen, volonté de laisser la part belle aux initiatives individuelles et locales, tout cela c'est des aspirations que l'on mesure depuis longtemps dans les enquêtes et que Macron est capable de synthétiser. Cela joue beaucoup dans l'engouement qu'il suscite et cette même dynamique est encore une fois amplifiée par les difficultés des deux autres. Comme la situation est totalement inédite, tout est possible. Le fait que Marine Le Pen est placée aujourd'hui comme candidate au deuxième tour pourrait jouer en faveur de Macron.

Ensuite si Macron arrive au deuxième tour, il est sur un positionnement central qui peut maximiser les reports de voix des deux côtés face à une candidate qui à tous les scrutins a été battue au deuxième tour. Dans cette candidature, il y a une part de talent et une part de chance.

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