Délinquance et criminalité : comment les chiffres officiels pour 2016 sont passés du bidouillage au bidonnage complet<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Société
Délinquance et criminalité : comment les chiffres officiels pour 2016 sont passés du bidouillage au bidonnage complet
©wikipédia

Enjeu sécuritaire

Suite à la publication du "Bilan de la délinquance 2016" par le Service des statistiques du ministère de l'Intérieur, l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales a fustigé la "partialité des chiffres", le "risque de maquillages statistiques" et les "ruptures statistiques".

Xavier Raufer

Xavier Raufer

Xavier Raufer est un criminologue français, directeur des études au Département de recherches sur les menaces criminelles contemporaines à l'Université Paris II, et auteur de nombreux ouvrages sur le sujet. Dernier en date:  La criminalité organisée dans le chaos mondial : mafias, triades, cartels, clans. Il est directeur d'études, pôle sécurité-défense-criminologie du Conservatoire National des Arts et Métiers. 

Voir la bio »

Sous M. Cazeneuve sévissaient des sortes de Femen médiatiques, menaçant les journalistes de les priver d'informations. Arrive M. Le Roux qui, lui, ment carrément et claironne une "tendance globale à la baisse [de la délinquance] depuis le début du quinquennat". Bobard si énorme que récemment, le plutôt docile (et fort officiel) Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) critique au napalm le "Bilan de la délinquance 2016", publié par le Service des statistiques du ministère de l'Intérieur (SSMI) et présenté par le ministre, fustigeant la "partialité des chiffres", le "risque de maquillages statistiques" et les "ruptures statistiques" - du bidouillage en bon français.

Premier mensonge ministériel : l'omission. Car la France n'est pas sous cloche mais, bien plutôt, au cœur de l'Europe. Il faudrait donc comparer les chiffres du crime en France à ceux de ses voisins, de taille et population analogues, par exemple, pour les vols avec armes ou violence, traumatisants pour la population. On verrait alors si la France est plus ou moins sûre que ses voisins et si les ministres de M. Hollande font bien leur boulot. Or la comparaison est possible puisque Eurostat (l'Insee de l'Union européenne) publie les chiffre du crime dans la catégorie (robberies) qui recouvre nos "vols avec armes" (VAA) et "vols avec violences"(VAV). Voyons la dernière année publiée (2014) :

France                 : 114 093

Allemagne           : 45 475

Royaume-Uni      : 52 795

Italie                    : 58 345

Un accident statistique ? Non, car voici les chiffres de 2012 :

France                 : 123 814

Allemagne           : 48 711

Royaume-Uni      : 68 028

Italie                    : 62 641

Ainsi, pour les vols avec armes et violences, la France fait constamment deux fois pire que ses grands voisins. Les chiffres des robberies en France pour 2016 (VAA+VAV) ? 112 857, 309 par jour de l'année, 13 environ par heure. Silence gêné au ministère de l'Intérieur.

Maintenant, la tendance : clairement elle s'aggrave, car il n'est pas de jour sans que les médias n'annoncent des braquages - et graves, encore. Dans les heures précédant la rédaction de ce texte : "Draveil, Villeneuve Saint-Georges : deux Intermarché braqués à l'ouverture", "Vol à main armée dans une bijouterie de Montélimar", "L'Isle d'Abeau, braquage après la fermeture : 400 000 euros de butin", " Vol à main armé dans un tabac du centre-ville de Nice", " Concarneau, braquage au couteau dans une supérette", " Cher : un couple de bijoutiers violemment agressé par quatre malfaiteurs", "Malay-le-Grand : Braquage à l’hôtel Virginia", ainsi de suite et sans fin. Quelle "rupture statistique", quel "maquillage" explique-t-il que l'Intérieur voie baisser les braquages, parmi un déluge de faits prouvant le contraire ? Patience - tout finit par se savoir.

Au-delà, trois signes annoncent une aggravation du crime dans notre pays :

Une croissante sophistication criminelledes individus signalés (par la chaîne judiciaire) sous au moins deux états-civils différents. Car bien sûr, le B-A BA du crime consiste à camoufler son identité réelle :

2009        :  98 350

2011        : 121 574

2013        : 113 766

2015        : 130 680

+ 32% sur les cinq dernières années

Phénomène criminel grave : la séquestration, entre malfaiteurs pour vengeance ou racket ; ou visant de simples citoyens, contre rançon : de 2011 à 2015, derniers chiffres disponibles : + 107 % ! En 2015, 3 355 cas connus, + de 9 par jour.

Criminalité visant les réseaux de transports : quand les criminels bougent, les citoyens sont en péril. Or désormais, les criminels bougent beaucoup. En 2016, les vols violents dans les réseaux de transports ont (encore !) augmenté de 7%. Ajoutons les vols" simples" : chaque jour, quelque 365 passagers des transports sont agressés ou dépouillés en France.

Voici la réalité criminelle dans la France d'aujourd'hui, loin des "maquillages" et "ruptures" de MM Cazeneuve et Le Roux.

(Comme d'usage, toutes nos sources et références sont disponibles sur demande)

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !