“Merkozy” face à “Camonti”: l’Europe politique franco-allemande menacée par l’Europe purement économique italiano-britannique <!-- --> | Atlantico.fr
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David Cameron et Mario Monti ont envoyé une lettre au président du Conseil Européen.
David Cameron et Mario Monti ont envoyé une lettre au président du Conseil Européen.
©Reuters

Le duel

David Cameron et Mario Monti ont envoyé une lettre au président du Conseil Européen Herman Van Rompuy. Cosignée par dix autres dirigeants, cette missive lui demande de contribuer à “restaurer la confiance en la capacité de l’Europe à générer une croissance économique forte et durable”.

Jean-Luc  Sauron

Jean-Luc Sauron

Jean-Luc Sauron est professeur associé à l'Université Paris-Dauphine.

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L’Union européenne fonctionne déjà dans une configuration polycentrique. La crise de la zone euro a conduit à une démarche d’autonomisation de sa gouvernance fortement conduite par le couple franco-allemand. Cette volonté s’appuie sur un constat : partager la même monnaie n’impose pas les mêmes contraintes que l’appartenance au marché unique.

Le choix de ne retenir que 12 ratifications de la part des Etats de la zone euro, qui en compte 17, pour l’entrée en vigueur du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire (ci-après TSCG) ne s’explique pas seulement par la volonté d’en accélérer la mise en œuvre. Des dispositions ont prévu le défaut de ratification du mécanisme européen de stabilité par une partie des Etats membres de la zone euro : ce dernier entrera en vigueur lorsqu’il sera ratifié par des signataires dont la souscription initiale représente au moins 90% des souscriptions totales (article 48). Tout est en place pour que l’Union politique, stade ultime de la gouvernance de la zone euro, puisse fonctionner avec une partie seulement des Etats de la zone.

Il n’y a pas de mécanisme pour expulser de la zone euro un Etat qui ne voudrait pas (ou ne pourrait pas) accepter le contrôle par ses pairs de sa politique budgétaire, voire à terme de ses politiques fiscale et sociale. Dès lors se dessine depuis peu la possibilité, au sein de la zone euro, de deux régimes de règles : l’un s’appliquant à tous et composé des seules dispositions du traité et du pacte de stabilité et de croissance ; l’autre, beaucoup plus exigeant, s’appliquant aux seuls signataires du mécanisme européen de stabilité et du TSCG.

C’est dans ce contexte qu’il convient, me semble-t-il, d’inscrire la lettre Cameron-Monti adressée à Herman Van Rompuy dans la perspective du Conseil européen du 1er mars prochain. Elle contient des propositions visant à développer les potentialités du marché unique pour assurer à l’Europe une « croissance économique forte et durable ». Elle vise à placer l’achèvement du marché unique (une idée britannique selon M. Cameron dans son interview dans le Figaro la semaine dernière) au cœur des politiques européennes. Elle est signée en dehors des dirigeants britannique et italien par ceux de neuf autres Etats : Estonie, Lettonie, Finlande, Irlande, République tchèque, Slovaquie, Espagne, Suède, et Pologne. Il s’agit clairement d’une mobilisation des partisans d’une Europe, économiquement libérale et respectueuse des souverainetés nationales. Elle comprend certes une moitié de membres de la zone euro, mais ce sont ceux qui sont dans une situation difficile (à l’exception de la Finlande et de l’Estonie).

L’Europe « à la carte » s’organise. Mais elle prend de l’ampleur compte tenu de la quasi-disparition de celle qui a la responsabilité d’animer et de renforcer l’esprit communautaire, au sens "commun", "partagé", du terme : la Commission européenne. Le déplacement du point d’équilibre de l’Union européenne en faveur du Président stable du Conseil européen s’affirme tous les jours un peu plus. Avant la lettre Cameron-Monti, il y a eu la lettre Merkel-Sarkozy sur ce même thème de la croissance. Mais celle-ci ne dissociait pas la croissance du renforcement du cadre institutionnel de la zone euro.

En un certain sens, les masques tombent : la cohabitation consentie entre les partisans d’une Europe politique et ceux d’une Europe « grand marché » devient impossible. Cela se traduit par l’usage répétitif du droit conventionnel classique (traité MES et TSCG) au détriment d’un droit de l’Union impossible à réformer.

L’autonomisation institutionnelle de la zone euro devrait faire éclater à terme l’illusion de l’unité des institutions européennes. Comment justifier que des Commissaires ou des parlementaires européens issus d’Etats non membres de la zone euro puissent continuer à se prononcer sur l’avenir chargé de droits et de devoirs réciproques des Etats membres de la zone euro ? Bien sûr, les contours de cette « Union de stabilité » ne sont pas encore définitivement arrêtés comme en témoigne la dérogation, arrachée par la Pologne, pour les pays non membres de la zone euro d’assister à certains Sommets de l’euro prévue par le TSCG.

Il serait, à tout le moins, nécessaire de discuter de ces bouleversements prévisibles ou simplement possibles au sein des parlements nationaux des Etats membres de l’UE !

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