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Petites réflexions sur l'offre idéologique nouvelle qu'incarne Benoît Hamon
©Reuters

Fin de la primaire

victoire de Benoît Hamon contre Manuel Valls illustre un vieux conflit entre deux gauches, communautariste et individualiste.

Nathalie Krikorian-Duronsoy

Nathalie Krikorian-Duronsoy

Nathalie Krikorian-Duronsoy est philosophe, analyste du discours politique et des idéologies.
 
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La victoire de Benoît Hamon contre Manuel Valls illustre un vieux conflit entre deux gauches, communautariste et individualiste. Mais l’éclatement du Parti Socialiste, auquel on doit l’ex-unité de la gauche, profite d’abord aux mouvements populaires lancés respectivement par Marine le Pen à droite, et Emmanuel Macron, à gauche.

Pour comprendre, partons d’abord de quelques constats. La victoire de Benoît Hamon contre Manuel Valls au deuxième tour des primaires socialistes signifie au moins trois choses :

1.         L’échec politique du quinquennat Hollande, fossoyeur d’une espérance réformiste dont le PS tirait son identité depuis1973. Et qui, enterrant du même coup l’union de la gauche, fait éclater, façon puzzle, ce vieux parti de gouvernement.

2.         Le triomphe de l’ancestral idéal gaucho-révolutionnaire auquel Benoit Hamon tente de redonner un avenir. Alors qu’au fond il ne fait qu’actualiser de vielles recettes. C’est en effet sur l’idée de la fin du travail, défendue par Laurent Fabius alors Président du PS que sont nées les 35 heures, puis le RMI porté par Michel Rocard, à la fin du XXème siècle. Et c’est aussi sur l’abandon des idéaux républicains, au profit d’une politique diversitaire basée sur le relativisme culturel, et conceptualisée à la même époque par ses amis de SOS-racisme, que repose la doctrine politique d’Hamon.

3.         L’apparition de mouvements populaires nouveaux s’opposant aux deux vieux partis qui avaient jusqu’alors structuré la vie politique. Avec, à gauche Emmanuel Macron et à droite, Marine Le Pen. Ces mouvements doivent leur élan de popularité à leur violente critique des partis et des élites politiques, autant qu’à leurs discours anti-système. Ils mettent par conséquent en question le fonctionnement de la Cinquième République, mais l’invention des primaires, imposées à la gauche par Arnaud Montebourg en 2012, avait déjà pour objectif de l’enterrer.

Sur ces trois constats seul le second, portant sur les conséquences du résultat d’hier à la Primaire du PS demande à être analysé en urgence. Les deux autres aux contraire, si l’on ne veut pas raconter n’importe quoi, nécessitent d’attendre le joli mois de mai.

On peut d’ores et déjà observer que, loin de stopper la dislocation du Parti Socialiste, les candidatures à la primaire de 2017 l’ont approfondie. De même,  les discours opposant Manuel Valls et Benoît Hamon ont éclairé l’éclatement, dévoilant des facteurs idéologiques d’oppositions qui me paraissent essentiels. Je m’étonne à ce propos qu’on entende à peu près tout et n’importe quoi sur les définitions antagonistes des deux candidats au sujet de la laïcité. Laïcité n’est pas synonyme de liberté comme voudrait nous le faire croire Benoît Hamon soutenu en cela par ses amis communautaristes et autres défenseurs d’une société multiculturelle jusques aux croyants radicaux de l’islam qui souhaitent imposer des préceptes religieux au droit républicain.

La laïcité c’est, outre la séparation du religieux et du politique au nom de la raison, qui a permis d’abolir la théocratie ou profit de la démocratie, la distinction du domaine privé de l’ordre public, rendant possible le respect de trois principes indissociables inscrits dans la Loi, et sur lesquels ont été fondées la République, ses coutumes et ses moeurs : 1.Liberté de conscience 2.Liberté de penser et 3.Liberté d’expression. D’où il convient de noter que le blasphème fait partie des Droits de l’Homme.

Si Valls soutient à peu près cette définition, qui entraine de lutter contre certaines offensives islamistes actuelles, Hamon, au contraire, affirme que la laïcité se réduit en gros à la liberté d’imposer tout ce à quoi on croit, au nom de la liberté précisément, et peut-être au mépris de la raison. La question laïque oppose donc clairement et pour longtemps les deux candidats, au même titre que l’idée fumeuse, lancée par Benoit Hamon, d’un « revenu universel », qu’il propose comme moyen pour gérer « la fin du travail » prétendument annoncée par sa « raréfaction ».

Jamais tour de passe passe idéologique exécuté sous les yeux ébahis de 58,8% de près d'un million et demi de Français ayant voté pour lui au deuxième tour des Primaires n’aura été aussi caricatural. Quoi! Enrober les vieilles lunes marxistes de la lutte contre les inégalités économiques en faisant du revenu universel une solution à « la raréfaction du travail » qui n’est autre qu’une pompeuse périphrase pour désigner ce qu’Hollande hier, Mitterrand et toute la gauche depuis le milieu du XXème siècle, appelaient le chômage? Il fallait oser.

Car sous la rhétorique pseudo-révolutionnaire, la manipulation discursive est au service d’une idéologie rien moins que réactionnaire. De sorte que contrairement à ce que prétend Benoît Hamon les socialistes sont entrainés vers le passé.L’allocation universelle c’est le retour du vieux rêve des lendemains qui chantent repeints en rose, où la destruction du travail remplacera l’abolition du prolétariat.

Farniente, ne rien faire, tel est le bel idéal consumériste du trotskiste Benoit Hamon qui poursuit du même coup le projet doctrinal de Terra Nova en 2012. Il s’agit de capter les voix des jeunes générations issues de l’immigration devenue « musulmane » par l’opération de la sainte manne socialiste qui leur promet aussi de libéraliser le marché du cannabis.La dialectique est rusée, qui s’appuie, comme celle de Marine Le Pen sur une prise en compte sérieuse du réel : la crise économique mondiale conduit nos  désespérés à vouloir le retour de l’Etat Providence.

Benoit Hamon et Marine Le Pen partagent donc, cela n’échappe à personne, une semblable vision étatiste de l’économie mais seraient aux antipodes sur les questions sociales et culturelles. Le communautarisme défendu par Hamon, au nom de la liberté des croyances et du respect de la diversité s’affirme, en effet, contre les valeurs républicaines investies par Marine Le Pen, pour une intégration sociale et culturelle des immigrés, jusqu'à leur assimilation.

Mais le nationalisme du Front National se réfère aussi à un communautarisme, certes plus vaste car de type national. Les positions de Benoît et Marine, on le voit, ne sont donc philosophiquement pas si éloignées qu’il y parait à première vue. On comprend ainsi, en quoi le socialisme communautariste de Benoit Hamon s’oppose à l’individualisme laïc soutenu par Manuel Valls. Mais l’origine de la division qu’ils portent est lointaine. Dès sa naissance, le socialisme français s’est construit sur un combat entre Holisme et Individualisme, entre deux visions du monde qui invoquaient deux  projets de société, que seule une unité politique pouvait dépasser.

Cette opposition traverse la gauche depuis la IIIème République, mais à l’époque, la lutte contre la religion catholique, sous le nom d’anticléricalisme, avait rendu possible un consensus entre les deux familles qui s’étaient réunies, pour gouverner, autour du radicalisme.  A l’inverse on voit mal aujourd’hui quel projet commun pourrait faire renaître une unité de la gauche. Et encore moins, après les clarifications portées par Valls et l’élection d’Hamon, ce qui pourrait à nouveau produire les conditions de possibilité idéologiques d’une gauche socialiste de gouvernement. 

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