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MES : le règlement de la crise de la dette vaut bien une perte de souveraineté
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La MES est-elle dite ?

L'Assemblée nationale a adopté mardi soir le texte de ratification du Mécanisme européen de stabilité. Il devrait pouvoir mobiliser 750 milliards d'euros pour financer la dette publique européenne qui représente environ 8500 milliards d'euros.

Jean-Marc Daniel

Jean-Marc Daniel

Jean-Marc Daniel est professeur à l'ESCP-Europe, et responsable de l’enseignement de l'économie aux élèves-ingénieurs du Corps des mines. Il est également directeur de la revue Sociétal, la revue de l’Institut de l’entreprise, et auteur de plusieurs ouvrages sur l'économie, en particulier américaine.

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L’Assemblée nationale a adopté  le texte de ratification du Mécanisme européen de stabilité et comme toujours dès qu’il s’agit d’Europe, le débat a vite tourné à l’aigre et au virulent. Habileté suprême de Nicolas Sarkozy, ces aigreurs furent surtout de gauche et ont rouvert les blessures du vote de la Constitution européenne.

Sur le fond le texte entérine un enchaînement de décisions et de sommets bruxellois dont l’objectif était de dépasser le simple problème de la dette grecque pour doter l’Europe d’un instrument de financement crédible des dettes publiques.

Le Mécanisme européen de stabilité qui se met en place – qu’il ne faut pas confondre avec le Mécanisme européen de stabilité financière (MESF), qui lui-même ne se résume pas au Fonds européen de stabilité financière (FESF) : Bruxelles compte parmi ses charmes et ses attributions la production de jargon…– devrait pouvoir mobiliser 750 milliards € si l’on y incorpore l’héritage du FESF. Si l’on ajoute à cela le SMP (Security markets program) de la Banque Centrale Européenne, on arrive une force de frappe de 1000 milliards €. Cela sera-t-il suffisant ? La dette publique européenne représente environ 8500 Mds € . Cela donne une sécurité d’environ 15% alors qu’à elle seule, la Banque d’Angleterre ( la BoE) détient 20% de la dette publique britannique (soit 250 Mds £). Le mécanisme adopté est donc utile mais reste probablement en deçà des besoins. La vraie réponse reste l’acceptation du rôle plein et entier de la BCE comme gestionnaire complet du refinancement de l’économie.

On lit souvent que la BCE et la la BoE n’ont pas le même statut et que la force de la BoE est de pouvoir financer directement l’Etat anglais. Il n’en est rien. La BoE, qui depuis la réforme de ses statuts en 1997, obéit aux mêmes règles que la BCE, rachète la dette anglaise sur les marchés secondaires. Le véritable enjeu du moment est donc moins la réforme des textes sur la Banque centrale que l’accord des pays européens sur l’utilisation que l’on doit en faire.

Pourtant, le débat politique français ne s’est pas concentré sur ce problème pour revenir aux clivages usuels entre partisans d’une nouvelle avancée européenne vers plus de fédéralisme et souverainistes poussant des cris d’orfraie au nom de la sauvegarde de notre indépendance nationale.

Et notre souveraineté serait menacée moins par le MES en tant que tel mais par ce qu’à Bruxelles on appelle le TSCG (le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance), texte lié au MES et qui précise les règles budgétaires du pacte de stabilité et de croissance.

Le TSCG est devenu le symbole d’une soi-disant capitulation française devant des exigences allemandes réclamant un artificiellement contraignant équilibre budgétaire. Les vieilles nostalgies keynésiennes se sont donc manifestées et l’on a vu réapparaître tous ceux qui croient que la dette permet la croissance, qu’un pays dont l’Etat dépense sans compter devient riche et que la forme ultime du pouvoir politique est de manier sans contrainte la planche à billets.

Pourtant, si l’on oublie les vieilles nostalgies inflationnistes, le TSCG représente une avancée considérable par rapport au Pacte de stabilité et de croissance. En effet, il définit des règles de fonctionnement des finances publiques selon le principe d’une dynamique cyclique de l’économie. Il accepte le principe du déficit dans les périodes de basses eaux économiques pour exiger que la croissance soit mise à profit pour rembourser la dette. Déjà la réforme de 2004/2005 du pacte de stabilité et de croissance avait prévu d’introduire la dimension cyclique de l’économie et de parler en termes de décomposition du déficit budgétaire en déficit structurel et déficit conjoncturel. Adopter cette approche n’est pas perdre sa souveraineté, c’est se rallier au bon sens et aux résultats de la théorie économique du cycle des affaires.

La souveraineté, l’affirmation des droits des peuples ne passent pas par la gabegie et par la fuite en avant financière. Si l’Europe en fin de compte mutualise le bon sens, pourquoi s’en plaindre ? 

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