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"Notre premier partenaire commercial, à l’exportation comme à l’importation est l’Allemagne". Ici une usine de métallurgie en Allemagne.
"Notre premier partenaire commercial, à l’exportation comme à l’importation est l’Allemagne". Ici une usine de métallurgie en Allemagne.
©Reuters

La compétitivité racontée autrement

Après la question du tourisme abordée lundi dans ces colonnes, place aux mauvais chiffres du commerce extérieur français. Comment redresser la barre ? Épisode (2/5) de notre feuilleton sur la compétitivité racontée autrement.

Emmanuel Combe

Emmanuel Combe

Emmanuel Combe est vice-président de l'Autorité de la concurrence et professeur affilié à ESCP-Europe. Il est également professeur des universités.

Spécialiste des questions de concurrence et de stratégie d’entreprise, il a publié de nombreux articles et ouvrages, notamment sur le modèle low cost (Le low cost, éditions La Découverte 2011). Il tient à jour un site Internet sur la concurrence.

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Feuilleton : "La compétitivité racontée autrement"
Episode 1 : Le tourisme, ce grand oublié du discours des candidats

Les mauvais chiffres de notre commerce extérieur ne datent pas d ’aujourd’hui : ils s’inscrivent en réalité dans une tendance lourdement négative depuis le début des années 2000. Le dernier excédent commercial de la France remonte… à 2002. Le cas de l’industrie automobile est à cet égard révélateur : alors que ce secteur constituait un atout majeur de notre balance commerciale, le solde automobile a décliné de manière continue tout au long de la décennie 2000, pour devenir structurellement déficitaire à partir de 2008. En 2010, sur le seul segment des voitures neuves, le déficit commercial atteint plus de 7 milliards d’euros et n’est plus compensé par le solde positif sur les « pièces et moteurs ». Un déclin aussi progressif et régulier invite à se pencher sur des causes plus structurelles que conjoncturelles.

Alors que  les discours convenus ont tendance à pointer du doigt la concurrence des pays à bas salaires, rappelons une nouvelle fois que la France commerce essentiellement avec … l’Europe : notre premier partenaire commercial, à l’exportation comme à l’importation est l’Allemagne. Certes, la France affiche un déficit commercial bilatéral avec la Chine de 23 milliards d’euros, mais ce montant équivaut à la somme de notre déficit commercial avec … la Belgique et l’Allemagne réunis. Lorsque l’on raisonne sur dix ans, nous remarquons que la France a perdu plusieurs excédents commerciaux avec des pays européens comme l’Espagne, le Portugal ou la Belgique. Si l’on reprend l’exemple de l’automobile, notre déficit (voitures et pièces détachés) en 2010 provient pour l’essentiel de nos partenaires européens : Allemagne (- 6,7 milliards) puis  Espagne (- 1,98 milliards) et Japon (- 1,5 milliards). Attention donc à ne pas faire porter à la Chine et aux pays émergents plus de responsabilités qu’ils n’en ont ! La cause de nos déboires est aussi à rechercher dans le déclin de notre compétitivité vis-à-vis de nos partenaires européens, au premier rang desquels figure l’Allemagne.

Venons en justement à notre déficit de compétitivité avec l’Allemagne. Dans la lignée des débats sur la TVA sociale, les projecteurs se sont surtout focalisé sur la dérive de nos coûts de production durant les années 2000. Tout cela est certes juste économiquement mais largement insuffisant pour expliquer un  décrochage de compétitivité aussi important. Bref, la « compétitivité coût » n’explique pas tout. En réalité, lorsque l’on prend la peine de lire les études statistiques, on s’aperçoit que la France a surtout décroché sur un autre volet de la compétitivité, plus subtil et dont on parle beaucoup moins : la qualité des produits, c’est-à-dire la compétitivité  « hors prix ».  

Plusieurs études nous donnent des indications assez claires à ce sujet :

  • Les enquêtes Coe Rexecode, réalisées auprès d’un panel de chefs d’entreprise montre que les produits français sont toujours perçus comme ayant un rapport qualité/prix inférieur à celui des produits allemands, sur l’ensemble de la période 1993-2009 ;
  • La part de marché de l’Allemagne est le triple de celle de la France sur le haut de gamme, selon les estimations du Cepii. Si l’on raisonne en dynamique, l’Allemagne a même gagné des parts de marché sur le haut de gamme en Europe au cours de la période 1999-2005, lorsque la France régressait .
  • Une récente étude de l’OCDE (2011) fait froid dans le dos : elle conclut que la part de marché de la France dans les exportations mondiales de produits dits de « haute qualité » serait de 5,1%, contre 13,4% pour l’Allemagne !
  • Les études sur les réactions des exportateurs à une appréciation de l’euro montre que les allemands compriment moins leurs marges que les français, ce qui est le signe d’une moindre sensibilité de leurs exportations au prix.

Bref, l’industrie française n’a pas seulement perdu la bataille des coûts de production. Elle a aussi et surtout perdu celle de la qualité des produits, si l’on excepte quelques fleurons comme le luxe, l’aéronautique ou l’agroalimentaire qui parviennent encore à tirer leur épingle du jeu et qui constituent d’ailleurs nos trois principaux moteurs à l’exportation.

Face à ce déficit de compétitivité hors prix, nous devons bien sûr continuer à miser sur la R&D et l’enseignement supérieur, sur la « société de la connaissance », à l’image des réformes engagées depuis 2007 (Crédit Impôt Recherche, pôles de compétitivité, autonomie des universités, grand emprunt, etc). Mais il nous semble périlleux de réduire le rétablissement de la compétitivité qualité à ce type de mesures. La qualité est une notion qui va bien au-delà de l’innovation technologique, du monde de la recherche et des ingénieurs : elle concerne aussi la créativité, le design, l’excellence de la main, la qualité de la production, le service après vente, etc. Nous devons mettre de la qualité et de l’inventivité dans tous nos produits !

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