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Joyeux Noël pour les candidats de la gauche : l'Insee ayant dit que la France est très riche, ils vont pouvoir multiplier les promesses sans rien réformer… quel programme !
©Reuters

Atlantico Business

La dernière étude de l’Insee sur la richesse des Français va nourrir les programmes des candidats de gauche.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Manuel valls, Arnaud Montebourg, Benoît Hamon, les candidats écologistes, sans parler de Jean-Luc Mélenchon, ont reçu la dernière étude de l’Insee sur la richesse de la France comme un cadeau de Noël. Un cadeau tombé du ciel de Bercy. Parce qu’en moins d’une semaine, ils ont tous compris qu'il y avait dans cette étude telle que l’Insee l’a présentée tout ce qu'il fallait pour ne pas avoir à proposer des réformes douloureuses. Ils s’en sont emparés pour justifier des plans de relance de l’activité dans la plus pure tradition keynésienne et s’affranchir des contraintes budgétaires.

Avec au passage des brouettes d’arguments pour critiquer le programme Fillon parce que c’est lui qu’ils visent. En bref, pas de rigueur nouvelle, des antidouleurs, la France a les moyens de se les payer. Démonstration de ce qui se prépare pour janvier dans les programmes de la primaire de gauche.

Les chiffres de l'Insee sur l’état de la richesse française ont créé une certaine émotion parce que, pour certains analystes, ils montrent que la France est beaucoup plus riche que la plupart des pays voisins. Par conséquent les hommes politiques n’ont pas tardé à utiliser ces chiffres pour expliquer que la situation n’était pas catastrophique, qu’on pouvait s’en sortir et ne pas s’inquiéter d’un risque de faillite comme le disait François Fillon.

Donc tout va bien, on va pouvoir s’en sortir sans casser la maison et ouvrir des chantiers qui briseraient l’ordre social, comme le prévoit le candidat de la droite, la meilleure preuve est qu’on peut continuer de s’endetter, que les banques nous prêtent de l’argent à des taux dérisoires.

Ces conclusions tiennent la route. Elles montrent seulement que lorsqu’on veut utiliser des statistiques à des fins politiques, on réussit à leur faire dite tout ce qu'on souhaite entendre, surtout que l’Insee ne détaille pas trop ses résultats.

Or, il y a une autre façon de lire les comptes patrimoniaux. Quand on les regarde à la loupe, on s’aperçoit que la France est très riche, c’est vrai, mais que ses dettes sont aussi importantes. D’autant que l’Insee ne calcule pas les engagements hors bilan (les retraites à verser par exemple).

Par ailleurs, si la France est riche, cette richesse est très inégalement répartie, et les Français sont en moyenne pauvres. Ajoutons à ce diagnostic, le fait que si l'équilibre macro économique tient, c’est parce que le pays a une forte contribution fiscale. Les Français ont cette caractéristique, ils paient l'impôt assez facilement jusqu’au moment où ils s’expatrient. Ce qu'ils font parfois depuis 20 ans.

Le détail de ce que dit l’Insee est simple : l’Insee a pris en compte l'ensemble des actifs et passifs du pays, entre les ménages, les entreprises et les administrations publiques. L’actif total est de 39 374 milliards d'euros, le passif est de 25 750 milliards d'euros, faites la différence, le patrimoine net est de 13 585 milliards d'euros. C’est effectivement considérable puisque ça représente 7,6 fois le PIB.

- Les ménages sont relativement riches, ils détiennent de l’immobilier et des actifs financiers pour un montant net de 10 692 milliards d’euros.

- Les entreprises représentent 2626 milliards d'euros (montant net de dettes).

- L'Etat et les administrations publiques possèdent un patrimoine net de 267 milliards d'euros. Alors que l’endettement public est considérable, la situation financière de l’Etat, en terme de bilan, reste positive. C’est incontestable d’où les conclusions très sereines qui sont parfois tirée dans les cabinets ministériels de Bercy.

Voilà ce que dit l'Insee.

Mais derrière ces chiffres, il y a ce que ne dit pas l’Insee. Et, ça tient en trois remarques qui changent tout.

La première est que les évaluations sont macro économiques. La France est riche oui, mais cette richesse est répartie de façon très inégalitaire. Les inégalités de patrimoine sont beaucoup plus importantes encore que l’inégalité de revenus. La seule moyenne des patrimoines des ménages est de 200 000 euros mais avec un écart très large puisque 20% des ménages détiennent plus de 60% des actifs. On peut dire aussi que 1% des ménages possèdent 25% de la fortune privée. Le nombre d'assujettis à l'impôt sur la fortune (c’est à dire disposant d’un patrimoine supérieur à 1,2 million d’euros), n’est que de 350 000 familles. Il y a des Français riches, mais il y en a assez peu.

La deuxième remarque tient au fait que la richesse mesurée par les actifs patrimoniaux dépend du mode d’évaluation. Les valeurs patrimoniales sont fonction des prix de marché. Par définition, ces valeurs sont assez peu liquides. La famille qui hérite du château familial sera considérée comme riche si on prend le prix du château au m2 habitable comme n’importe quel immobilier. Sauf que si on corrige cette évaluation du coût de l’entretien, l’actif est très rapidement un centre de pertes. C’est vrai pour le patrimoine immobilier d’habitation, c’est vrai pour les actifs financiers dont la valeur dépend de la bourse et de l’activité de l’entreprise où cet argent est investi.

La troisième remarque porte sur le calcul de l’endettement public. Le patrimoine net des administrations publiques a diminué fortement depuis 2007 pour atteindre 267Md€. Il a baissé de 21,2% en 2015 après déjà -41,2% en 2014. Le patrimoine financier net des administrations est de -1659Md€. La différence avec ces 267Md€ de solde net s’explique surtout par 1652Md€ de terrains et constructions qui appartiennent à l'Etat ou aux collectivités locales.

En bref, l'Etat français n’est donc pas en faillite. Pour deux raisons, d’abord parce que l'Etat peut lever l’impôt, et le contribuable français ne s’est jamais révolté contre l'impôt au point de refuser de le payer. Ensuite parce que si on appliquait la règlementation bancaire on voit bien que si l'Etat liquidait tout ce qu’il possède, il réussirait à rembourser ses créanciers à conditions de bien vendre ses biens.

Ce qu'on ne dit pas dans ce cas-là, c’est que l’Etat serait dans l’impossibilité de fonctionner.

En fait, le vrai problème n’est pas là. Les 1659Md€ de dettes nettes rappellent que l’Etat est très endetté en net et que la remontée des taux (sur le marché) va peser sur les comptes publics.

Surtout, ce bilan de l’Insee oublie les dettes sociales (engagements de retraite des fonctionnaires par exemple) et les autres engagements donnés par l’Etat (garanties sur les systèmes d'assurances vie et sur les retraites générales et complémentaires).

Quand François Fillon candidat des républicains construit un programme de redressement et de remise en route de ce pays, il s’appuie évidemment sur les comptes patrimoniaux de l’Insee sans oublier ce que les comptes ne disent pas.

La majorité des candidats de la gauche qui se présentent à la primaire se sont emparés de cette étude de l'Insee. Certains veulent défendre le bilan de François Hollande et démontrer que la situation n’était pas aussi dégradée. Pour les autres, Arnaud Montebourg et Benoît Hamon s’en sont emparés pour expliquer que la France n'avait pas besoin de mesures ou de réformes d’austérité. Que le pays avait largement les moyens de rebondir.

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