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Arnaud Montebourg, proche d'Hervé Giaoui, le patron d’Habitat, ardent militant pro-israélien: où est le problème ?
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Bonnes feuilles

L’enquête qu’a menée Frédéric Charpier permet de dévoiler les zones d’ombre et les louvoiements de ce personnage insaisissable, et rétablit les faits. De la Convention pour la 6ème République devenue un simple instrument du pouvoir personnel de son créateur, à sa carrière de ministre du Redressement productif, il se dégage surtout le profil d’un homme girouette, politiquement versatile, capable de s’allier avec Martine Aubry aussi bien qu’avec DSK. Extrait de "Montebourg, l'homme girouette, de Frédéric Charpier, aux éditions La Découverte (2/2).

Frédéric Charpier

Frédéric Charpier

Frédéric Charpier, né en 1955, auteur de films documentaires, a écrit plusieurs ouvrages sur les affaires, les services de renseignement et l’extrême droite, notamment, au Seuil : Génération Occident. De l’extrême droite à la droite Madelin (2005) et La CIA en France (2008); et aux Presses de la Cité, Les Dessous de l’affaire Colonnaet Nicolas Sarkozy, enquête sur un homme de pouvoir (2007). Son livre, Arnaud Montebourg, l'homme girouette (2016) est publié chez La Découverte, juste avant la primaire du PS.

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Un patron plutôt à droite 

Si on en sait un peu plus maintenant sur le groupe Cafom, que sait-on de ses actionnaires et surtout de son président ? France 2, qui consacrait le 8 mai 2016 un reportage au retour d’Arnaud Montebourg sur la scène politique, excite à ce sujet la curiosité. La caméra « surprend » un instant l’ex-ministre dans ses nouvelles activités professionnelles. Montebourg pose aux côtés d’Hervé Giaoui, le patron d’Habitat. S’ensuit cet échange sur le mode « spontané » entre l’employeur peu connu (HG) et l’employé célèbre (AM) : 

HG : « On n’a pas forcément les mêmes opinions. » 

AM : « Ça, on avait remarqué » (rire bruyant).

HG : « Moi je suis plutôt de droite. Mais si c’est la gauche qui nous amène la réussite, je prends, aucun problème… On a un point commun, on voudrait réussir en France. » 

Ce « plutôt à droite » sent la « private joke » et le téléspectateur ignore ce qu’il faut en comprendre. Hervé Giaoui est en effet plutôt à droite, mais aussi un peu plus que cela. Ardent militant pro-israélien, le patron d’Habitat a présidé l’Union des patrons juifs de France, UPJF, créée en 1997, une association qui défend « l’image d’Israël en France » afin de lutter « contre la désinformation » mais aussi pour « développer les partenariats économiques avec Israël ». 

En 2004, alors qu’Hervé Giaoui la préside, l’UPJF relaie l’appel d’Ariel Sharon aux juifs français que le leader du Likoud, la droite dure israélienne, invite à rejoindre Israël. Les autres dirigeants de cette union patronale sont à cette époque Richard Portugais, Claude Barouch (qui en 2007 a appelé à voter Nicolas Sarkozy), Edward Amiach (qui a fait sa carrière dans la grande distribution) ou encore François Célier.

Lié à l’American Council for world jewry, Hervé Giaoui encourage alors « ouvertement les juifs de France à financer les candidats pro-israéliens » comme l’écrit le site Forword.com (1). 

1. http://forward.com, Marc Perelman, « Israeli envoy vexed by role of US jews in France », 27 août 2004. 

Ambassadeur d’Israël en France (jusqu’en septembre 2005), Nissim Zvili s’en offusque à l’époque. Dans une lettre qu’il adresse, en juin 2004, au ministre israélien des Affaires étrangères, il évoque l’accord que le Congrès juif américain a passé avec l’UPJF et qui prévoie la fourniture de « conseils », des possibilités de formation ainsi qu’un soutien financier pour lutter contre l’antisémitisme. L’aide matérielle dont a bénéficiée l’UPJF a été confirmée en 2004 par un haut responsable du Congrès juif américain, David Twersky, qui n’a toutefois pas précisé son montant. Le président de l’UJPF de l’époque, Hervé Giaoui ne se montre pas plus précis. 

Cet accord a suscité de nombreuses critiques jusqu’au sein du Conseil représentatif des institutions juives de France, le CRIF. Rassurant, Hervé Giaoui affirme alors qu’il s’agit simplement de « financer des campagnes de publicité pro-israéliennes ». Proche du Congrès juif américain dont le président Jack Rosen passe pour un chantre du néoconservatisme, Hervé Giaoui et l’UPJF se sont joints en avril 2005 à Jérusalem à une réunion de l’association des maires pro-­israéliens. Côté français, celle-ci est représentée par le député-maire de Levallois-Perret, Patrick Balkany, invité à Jérusalem par l’UPJF. Lors de sa visite, il dépose une gerbe de fleurs à Yad Vashem flanqué d’Hervé Giaoui, qui n’est plus désormais que le président d’honneur de l’UPJF (1) . 

Si l’UPJF a pour but de lutter contre l’antisémitisme, elle a noué aussi des liens privilégiés avec des composantes de la droite française et développe des partenariats économiques. En 2007, Hervé Novelli, alors député UMP, ancien homme d’affaires, militant d’extrême droite dans sa jeunesse annonce lors d’un séjour en Israël la mise à l’étude d’un fonds d’investissement franco-israélien. Celui-ci aura pour but de financer les jeunes PME innovantes présentes sur les sept pôles de compétitivité français et les vingt-quatre incubateurs israéliens. Hervé Novelli fait son annonce aux côtés de l’avocat Jean-Marc Fédida, vieil ami de Montebourg qui lui avait notamment, on s’en souvient, transmis en 1997 le dossier de l’affaire des HLM de la Ville de Paris quand il était devenu député. Les accointances d’Hervé Giaoui avec les néoconservateurs américains pro-israéliens et les liens du patron de Cafom avec la droite sarkozyste ne semblent pas embarrasser Arnaud Montebourg. Les affaires sont sans doute les affaires, et l’argent n’a pas d’odeur. Il ne semble guère préoccupé davantage par le caractère très mondialisé du groupe Cafom. Son sens du pragmatisme semble l’emporter.

1. Actualité juive, 21 avril 2005. 

Extrait de Montebourg, l'homme girouette, de Frédéric Charpier, publié aux éditions La Découverte, décembre 2016. Pour acheter ce livre, cliquez ici

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