Le pari Internet : Sarkozy réussira-t-il à court-circuiter le système médiatique ?

Atlantico : A l’occasion de son premier déplacement à Annecy, Nicolas Sarkozy a rencontré une trentaine de Français avec la présence d’un seul journaliste de la presse locale. Il compte renouveler l’exercice à l'occasion de chacun de ses déplacements. S’agit-il d’une initiative de communication inédite ?

Fabienne Greffet : Il existe une tendance sur Internet à développer des initiatives directes. C’est un média qui le permet. Produire ses propres vidéos devient donc la norme. David Cameron l’a fait, par exemple, au Royaume-Uni, en se mettant en scène dans sa vie quotidienne.

Mais il ne s’agissait pas de rencontre directe avec les électeurs. En fait, je ne connais pas d’autres exemples du procédé lancé par Nicolas Sarkozy. Toutefois, en agissant ainsi, il s’inscrit tout à fait dans la logique de sa campagne précédente de 2007,  où toutes les images de lui diffusées par les chaînes de télévision étaient tournées par son agence interne. Il contrôle ainsi entièrement son image.

En quoi cette initiative du candidat Sarkozy s'inscrit-elle dans l’usage actuel que les hommes politiques font d’Internet ?

Désormais, les hommes politiques utilisent Internet de moins en moins dans une optique programmatique : l’objectif de Nicolas Sarkozy à travers ces rencontres avec des citoyens ne consiste ainsi pas à élaborer le contenu de son programme. Le but est plutôt de se mettre en scène. En ce sens, cette initiative s’inscrit dans la logique du marketing politique classique. Il préfère simplement au bain de foule une rencontre plus intime avec un nombre limité de personnes. Et, bien sûr, la principale différence tient aussi à l’exclusion des journalistes du processus.

Les journalistes ont-ils du souci à se faire ?

Disons qu’avec Internet, les journalistes sont de plus en plus mis en concurrence avec des agences de communication et des citoyens « lambdas ». Ils demeurent toutefois pertinents pour analyser les événements en prenant du recul.

Malgré tout, le citoyen est désormais parfois préféré aux journalistes. On l’a vu en 2007, lorsque des blogueurs furents invités à rendre compte de l’activité de certains candidats. L’idée tient à ce que les citoyens présentent un point de vue différent de celui des journalistes. La participation politique se renouvelle. Regardez par exemple ce que fait Jean-Luc Mélenchon avec son site « Place du peuple » qui encourage les partisans du candidat à proposer des contenus et afficher leur soutien.

Par ailleurs, Nicolas Sarkozy a changé récemment de stratégie numérique. C’est désormais l’agence Emakina dirigée par Manuel Diaz qui s’occupe de lui. Ils ont insisté sur le fait qu’il fallait essayer pour la campagne web de sortir des lieux institutionnels (c’est-à-dire du site du parti, du matériel officiel, etc) pour aller vers des lieux où l’on ne parle pas uniquement de politique. Le choix d’une brasserie correspond tout à fait à cette logique. L’initiative de Nicolas Sarkozy ne fonctionnera que si elle est reprise sur le web ou ailleurs. 

Propos recueillis par Aymeric Goetschy