Journée mondiale de lutte contre le Sida : les jeunes désormais en première ligne<!-- --> | Atlantico.fr
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Beaucoup d'observateurs scientifiques pointent un risque réel d'augmentation des maladies sexuellement transmissibles en France, surtout chez les jeunes.
Beaucoup d'observateurs scientifiques pointent un risque réel d'augmentation des maladies sexuellement transmissibles en France, surtout chez les jeunes.
©Reuters

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Ce jeudi 1er décembre a lieu la journée mondiale de lutte contre le Sida. L'occasion de faire un point sur l'état de la prévention du VIH, notamment envers des jeunes qui connaissent une recrudescence de cas d'infections sexuellement transmissibles.

Jean Spiri

Jean Spiri

Jean Spiri est Conseiller régional d’Île-de-France. A ce titre, il est président du CRIPS, le centre régional d’information et de prévention en matière de santé, de lutte contre le VIH, les IST et les addictions.

Il est également élu à Courbevoie, adjoint au Maire délégué à l’éducation, à la jeunesse et aux relations avec l’enseignement supérieur.

Ancien collaborateur auprès de plusieurs cabinets ministériels, il poursuit aujourd'hui une carrière dans le secteur privé, comme directeur du développement stratégique d’une entreprise du secteur du numérique.

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Atlantico : Ce jeudi 1er décembre a lieu la journée mondiale de lutte contre le Sida. En tant que président du Crips Île-de-France (Centre Régional d'Information et de Prévention du Sida), quel état des lieux faites-vous de la prévention du Sida, notamment auprès des jeunes ? Quelles sont les actions mises en place ?

Jean Spiri : La journée mondiale de lutte contre le sida est toujours l'occasion de sortir les chiffres des nouvelles contaminations de l'année d'avant. Les chiffres de 2015 sont en légère baisse, mais assez stables par rapport à l'année d'avant. En revanche, une catégorie augmente beaucoup : les jeunes, et plus particulièrement les jeunes homosexuels. Il y a donc ici un effort de prévention évident à réaliser. La prévention du VIH passe par l'éducation à la vie affective et sexuelle en général dans les lycées. Le Crips intervient donc dans les lycées de la région Île-de-France pour sensibiliser ces jeunes. C'est l'occasion de parler des moyens de protection et du VIH, mais il faut aussi une prévention particulière pour les populations les plus vulnérables au virus. En Île-de-France, ce sont les jeunes, les jeunes homosexuels, les migrants et particulièrement les femmes d'Afrique subsaharienne. Ce sont des populations où l'on constate une recrudescence de l'épidémie, alors qu'elle reste stable ou en baisse chez d'autres catégories.

Beaucoup d'observateurs scientifiques pointent un risque réel d'augmentation des maladies sexuellement transmissibles en France, surtout chez les jeunes. Doit-on en conclure que les jeunes d'aujourd'hui se protègent moins souvent, ou moins bien ? Quelles sont les lacunes que vous constatez au quotidien dans ce domaine ?

On constate en effet dans toute la France une augmentation des IST (Infections Sexuellement Transmissibles), avec notamment des cas de syphilis et de chlamydiose chez des jeunes filles. C'est une infection dont on parle moins mais qui peut aller jusqu'à l'infertilité... On constate que le taux d'usage des préservatifs n'est pas très élevé chez les lycéens et étudiants, des études sont faites régulièrement là-dessus. Il n'y a pas de "réflexe préservatif" chez les jeunes, les lycéens et même les étudiants. Il y avait eu pourtant des politiques menées : les préservatifs à 20 centimes, les distributeurs dans les lycées... La question est de savoir aujourd'hui où l'on en est. Les distributeurs sont-ils toujours alimentés ? On a besoin de se poser les mêmes questions qu'en 2006 quand Xavier Bertrand avait mis en place tout ça. Sous l'impulsion de Valérie Pécresse et Roselyne Bachelot, ces distributeurs avaient ensuite été installés dans les facs. Il y avait donc un mouvement important, mais malheureusement quand on n'en parle pas, le taux d'usage du préservatif n'augmente plus. Or, le préservatif est le seul moyen de se protéger contre le VIH mais aussi contre toutes les autres IST.

Y a-t-il également chez les jeunes d'aujourd'hui plus de pratiques sexuelles à risque selon vous ?

C'est une questions un peu compliquée. On parle beaucoup de l'influence de la pornographie par exemple, mais l'âge moyen du premier rapport sexuel est toujours de 17 ans, il est stable depuis dix ans. Il n'y a pas tellement d'études permettant d'avoir une réponse définitive. Ce qui est clair, c'est qu'il y a de plus en plus de pratiques sexuelles liées à la consommation d'alcool voire de drogue, même si – Dieu merci – cela ne touche pas tous les jeunes. Or, on sait très bien que ce genre de contexte n'incite pas à la protection...

La prévention d'aujourd'hui est-elle la même que celle des années 1980-1990 ?

On a eu dans le passé de grandes campagnes pour l'usage du préservatif : on se souvient notamment de l'obélisque revêtu de son préservatif. Aujourd'hui, il faut qu'on trouve d'autres moyens de parler aux jeunes, qui sont saturés d'informations. Il faut parvenir à leur parler avec un langage qui leur parle, et il faut aussi qu'on aille leur parler là où ils sont : sur leurs smartphones. Développer des applications ou des petites vidéos de prévention, c'est important pour atteindre les jeunes là où ils sont le plus présents.

Par rapport aux années 1990, je dirais qu'on parle plutôt moins du Sida. On en a beaucoup parlé à partir de la fin des années 1980, avec une grande mobilisation autour de la question du VIH. Il faut quand même saluer le travail des associations aujourd'hui (quelle serait la situation si elles n'étaient pas là... ?). Mais le vrai enjeu aujourd'hui est de pouvoir adapter son message avec des moyens plus modernes pour toucher les jeunes. Par ailleurs, l'éducation à la vie affective et sexuelle doit être faite au lycée, c'est pourquoi l’Éducation nationale doit y mettre les moyens et surtout s'assurer que ce soit fait dans tous les établissements.

Si le Sida fait des ravages dans d'autres régions du monde, notamment en Afrique, il semble de moins en moins médiatisé en France. Selon vous, un effort doit-il être fait par les pouvoirs publics sur cette question ?

Il faut des campagnes de communication, il faut en parler à l'ensemble de la population, mais aussi des campagnes plus ciblées sur les plus vulnérables. Il serait bon également de communiquer sur les (nombreuses) innovations dans ce domaine, car il n'y a pas que des mauvaises nouvelles. Ainsi, en complément du préservatif, il y a un médicament de prévention (la Prep) autorisé en France depuis un an. Il s'adresse à des publics spécifiques, mais c'est quand même un espoir. On a aujourd'hui des traitements anti-rétroviraux qui font qu'une personne séropositive prenant assidûment son traitement n'est plus contaminante. C'est un message important car la lutte contre la sérophobie est un enjeu de santé publique. Il y a aussi des innovations en termes d'outils de dépistage. Les autotests sont vendus en pharmacie depuis maintenant un peu plus d'un an. Il y a de plus en plus de tests rapides pratiqués par des associations extérieures. C'est pour ça que le Crips a réalisé un petit film présentant ces nouvelles méthodes de dépistage, diffusé dans tous les trains et RER de la région, et à partir de ce week-end sur certaines chaînes de télévision.

L'un des grands problèmes du Sida en France, c'est qu'aujourd'hui 20% des personnes séropositives ignorent qu'elles le sont, et ne savent pas qu'elles peuvent transmettre le VIH. Réduire la durée entre la contamination et le dépistage est donc un véritable enjeu si l'on veut réduire l'épidémie. 

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