Mais pourquoi François Fillon n'est-il ni juif, ni noir, ni borgne ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Se revendiquant catholique et n'ayant pas peur de parler de la France, le profil de François Fillon semble déplaire à une certaine partie du pays...
Se revendiquant catholique et n'ayant pas peur de parler de la France, le profil de François Fillon semble déplaire à une certaine partie du pays...
©Thomas SAMSON / POOL / AFP

Préférence immigrée

Le candidat des Républicains à la présidence de la République cumule, aux yeux de ses détracteurs, deux tares : il est catholique et français.

Benoît Rayski

Benoît Rayski

Benoît Rayski est historien, écrivain et journaliste. Il vient de publier Le gauchisme, maladie sénile du communisme avec Atlantico Editions et Eyrolles E-books.

Il est également l'auteur de Là où vont les cigognes (Ramsay), L'affiche rouge (Denoël), ou encore de L'homme que vous aimez haïr (Grasset) qui dénonce l' "anti-sarkozysme primaire" ambiant.

Il a travaillé comme journaliste pour France Soir, L'Événement du jeudi, Le Matin de Paris ou Globe.

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Tout le monde n'a pas la chance d'être juif. Tout le monde n'a pas la chance d'être noir. Tout le monde n'a pas la chance d'être borgne. Et personne n'a l'immense privilège d'être les trois à la fois. Sauf, il y a longtemps, un chanteur américain du nom de Sammy Davis Jr.

Il s'en vantait par défi. Car à cette époque être noir aux Etats-Unis vous confrontait à un racisme vivace. Etre juif signait, comme depuis toujours, l'appartenance à une race de persécutés. Et être borgne représentait un lourd handicap alors qu'aujourd'hui on est juste un malvoyant… Depuis, les temps ont changé et Sammy Davis Jr. est mort.

Aujourd'hui en France, un discours dominant et influent tend à disqualifier quiconque se dirait français, blanc, et catholique. Revendiquer ces qualités (oh j'ai osé dire "qualités" !) fait aussitôt de vous un réprouvé ou un maudit. A première vue, François Fillon n'en a cure. A la façon de Sammy Davis Jr. il s'en est fait un étendard. Pas un discours, pas une interview sans qu'il ne prononce plusieurs fois le mot France, sans qu'il ne souligne avec insistance qu'on peut et qu'on doit être fier d'être français.

Si on ajoute à ce descriptif accablant le fait que, selon toute apparence, François Fillon est du genre à aller à la messe en famille, on comprendra aussitôt l'animosité violente qu'il suscite dans cette partie de la France qui vibre pour la préférence immigrée. C'est ainsi que le candidat à la présidence de la République a été moqué, ridiculisé : un diplodocus, un dinosaure, un bigot, un pilier de sacristie…

En effet, et à l'évidence, les mots "France" et "Français" sont devenus des gros mots. Ils étaient à tous : on les a laissés au Front national. Toute velléité identitaire était à proscrire. Malheur à la xénophobie qu'elle était supposée véhiculer. En même temps – les deux étant liés – on a refusé de voir le seul véritable réveil identitaire qui se faisait jour. Des Noirs ont clamé haut et fort que "black is beautiful". Des Arabes ont montré avec passion leur volonté d'être arabes y compris en embrassant, frénétiquement parfois, une religion jeune et conquérante. Leurs cris ont été amplifiés jusqu'à faire taire les autres. Nous avions des comptes à leur rendre et leur colère était légitime…

Pour eux, on a instauré une sorte de suffrage censitaire. Leurs voix comptaient double, triple, quadruple. Les radios donnaient à entendre avec complaisance leurs "nique la France". Les télévisions montraient les feux allumés dans les banlieues en les parant de vertus purificatrices. C'était trop ! Ainsi sont venus les temps où les humiliés et les offensés ont redressé la tête. Français nous sommes, et alors ?

Cette insurrection des âmes a été portée et incarnée par François Fillon. C'est pour cela qu'il a été plébiscité. Et c'est pour cela qu'il a été insulté. On lui a forgé une image de Français traditionnaliste. Il y a quelques années, Fillon accéda à la demande de Paris Match de poser en famille. La photo fut prise devant sa demeure familiale qualifiée pour les circonstances de manoir ou de gentilhommière. Il était là, propre sur lui, avec une épouse plutôt bcbg et cinq enfants habillés comme il faut et non pas en jeans déchirés. A gauche, et en tout cas dans les journaux qui s'en réclamaient, l'indignation fut grande.

C'était "indécent", "grossier". Un outrage fait au peuple, aux couches populaires. Fillon en blouson de cuir avec des gamins en capuche, voilà qui aurait été conforme à l'imaginaire de tous ceux qui s'agenouillent devant Sainte Diversité. Mais non, le malheureux Fillon est français et, circonstance aggravante, il fait très français. Mais tout le monde peut, sans lui ressembler, être également français. Elle était française Assia Djebar, Arabe née en Algérie, et membre de l'Académie française. Il était français Goscinny, petit-fils d'un rabbin de Varsovie et père d'Astérix. Il est français Alain Finkielkraut, juif polonais, et académicien comme Assia Djebar. Et c'est en français que le grand poète noir Léopold Sédar Senghor écrivait ses vers. Tout le monde peut donc être français. Il suffit d'aimer et pas d'haïr.

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