Martinez la menace : pourquoi la position maximaliste de la CGT face au programme Fillon se retournera immanquablement contre les intérêts des salariés français<!-- --> | Atlantico.fr
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Comme tous les corps intermédiaires, les organisations syndicales sont touchées par le virus de la désaffiliation et de la méfiance. Dans le cas particulier de la CGT, on a de surcroît affaire à un comité directeur déconnecté du monde salarial réel.
Comme tous les corps intermédiaires, les organisations syndicales sont touchées par le virus de la désaffiliation et de la méfiance. Dans le cas particulier de la CGT, on a de surcroît affaire à un comité directeur déconnecté du monde salarial réel.
©François NASCIMBENI / AFP

Contre-productif

Le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, l'a annoncé : en cas de victoire de François Fillon en 2017, il mobilisera la CGT autant que faire se peut pour initier un "troisième tour social".

Bertrand Martinot

Bertrand Martinot

Bertrand Martinot est économiste et expert du marché du travail à l'institut Montaigne, ancien délégué général à l'emploi et à la formation professionnelle. Co-auteur notamment, avec Franck Morel, de "Un autre droit du travail est possible" (Fayard, mai 2016). 

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Atlantico : Philippe Martinez a récemment menacé de mobiliser la CGT en cas de victoire de la droite en 2017, promettant un "troisième tour social". Quels problèmes, d'ordre démocratique notamment, une telle déclaration peut-elle poser ?

Bertrand Martinot : Il est pour le moins étrange que le leader du premier syndicat de France annonce par avance qu’il contestera dans la rue les résultats d’élections démocratiques majeures (la présidentielle, puis, par hypothèse, les législatives). Certes, son comportement jusqu’au-boutiste au moment des débats sur la loi El Khomri pouvait déjà susciter de sérieuses inquiétudes. Mais encore s’agissait-il d’une loi qui ne procédait pas directement d’un programme politique.

Là, on est évidemment monté d’un cran dans la provocation puisqu’il s’agirait de contester la mise en œuvre d’un programme de réformes qui viendrait d’être validé par une majorité de citoyens. Cela laisse songeur.

Par ailleurs, de plus en plus de salariés ne se sentent plus correctement représentés par les syndicats traditionnels. Une telle déclaration, qu'entendent également des salariés adhérant aux positions de la droite, pourrait-elle faire apparaître les syndicats comme toujours plus déconnectés de ceux qu'ils sont censés défendre ? 

Comme tous les corps intermédiaires, les organisations syndicales sont touchées par le virus de la désaffiliation et de la méfiance. Dans le cas particulier de la CGT, on a de surcroît affaire à un comité directeur déconnecté du monde salarial réel : sur-représentation des fonctionnaires et salariés des grandes entreprises publiques…

Son engagement politique explicite et virulent contre Nicolas Sarkozy en 2012 avait déjà été une belle entaille dans les grands principes du syndicalisme français (ceux de la charte d’Amiens de 1906) qui prônaient l’apolitisme et la focalisation sur la défense des intérêts des salariés (et même la lutte pour l’abolition du salariat : autres temps autres mœurs…). Mais depuis, cette CGT, travaillée par le Front de gauche, voire Lutte Ouvrière, confond de plus en plus action politique et action syndicale.

Ce n’est sans doute pas une bonne nouvelle pour la défense des salariés, au-delà du noyau dur que constituent les agents publics. Ceux-ci auraient plutôt besoin de leaders pragmatiques, s’engageant sur le terrain pour tirer le meilleur parti des marges de manœuvres que le droit du travail – hier la loi El Khomri et peut-être demain une réforme de bien plus grande ampleur – ménage au dialogue social dans l’entreprise.

Les élections professionnelles représentent un enjeu primordial pour la CGT. Faut-il voir dans la déclaration de Philippe Martinez une tentative d'exister davantage sur le plan médiatique en vue de ces élections ?

Disons-le tout net : la CGT a considérablement perdu du terrain par rapport à la CFDT en termes d’influence, de capacité à peser vraiment sur la décision publique. On l’a vu récemment avec la loi El Khomri. Elle a également perdu de nombreux bastions dans de grandes entreprises. Il est assez probable que les élections professionnelles qui sont actuellement compilées par le ministère du Travail pour mesurer la représentativité aboutiront en 2017 à ce que la CFDT soit le premier syndicat de France en termes d’audience. C’est d’ailleurs déjà le cas si l’on considère le nombre d’adhérents.

Une CGT n°2 serait une première dans l’histoire sociale française et il faut sans doute y voir la raison de cette fuite en avant un peu désespérée. On peut aussi y lire en miroir l’échec idéologique de la gauche française de gouvernement, incapable d’avoir un discours sur la mondialisation et sur ce que seraient de nouvelles protections pour les travailleurs. La fuite en avant politique de la CGT, qui est parallèle à celle d’un Mélenchon, c’est aussi la conséquence de l’incapacité des socialistes à incarner un tant soit peu une espérance populaire.

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