Pour le Medef, la crise financière n'existe pas (ah oui?)<!-- --> | Atlantico.fr
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L'organisation patronale a publié son programme pour la présidentielle ce mardi.
L'organisation patronale a publié son programme pour la présidentielle ce mardi.
©Reuters

Silence radio

L'organisation patronale a publié son programme pour la présidentielle ce mardi. Pas la peine d'y chercher des références au "made in France" ou à l'industrie de notre pays : vous n'en trouverez pas...

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Ce mardi, Laurence Parisot a présenté Besoin d’Aire. Initialement, ce devait être un livre programmatique publié en janvier. Finalement, c’est un livre électronique présenté mi-février. Dureté des temps oblige, à un moment où les cotisations rentrent difficilement, le e-book, comme on dit, est une solution rentable.

J’en recommande la lecture. Dans un monde où tout change de jour en jour, où la vérité de la veille est une erreur du lendemain, Besoin d’Aire nous prouve que certains ne changent pas et restent ancrés sur leurs certitudes inébranlables et leurs méthodes traditionnelles. Notamment sur leurs silences.

Crise financière: avec un impressionnant sens du déni, le MEDEF fait complètement l’impasse sur la crise financière qui nous étrangle depuis 2008. Certes, il y a bien l’idée qu’il faut remettre de l’ordre dans les finances publiques, comme on demanderait à un cancéreux de se lever plus tôt le matin pour être plus en forme. Mais à la diagnostication d’une tumeur, point d’allusion.

En page 7 de la synthèse, au chapitre «Pour une gouvernance mondiale», il est fait allusion à la finance : "Lutter contre les abus du monde de la finance comme beaucoup le demandent nécessite un travail à l’échelle mondiale." Admirez l’astuce rhétorique : lutter contre la finance ? Beaucoup le demandent. Mais visiblement pas le MEDEF (on n’en sera guère surpris), qui, dans sa proposition de gouvernance mondiale, s’abstient sagement de proposer la moindre mesure susceptible de régler structurellement les désordres financiers, en dehors de la convertibilité du yuan.

Avec un peu d’ironie, le lecteur remarquera que les propositions du MEDEF au niveau mondial consistent quand même à accroître le rôle des institutions existantes (FMI, FESF, OIT) ou à en créer de nouvelles (B20 pour la représentation des entreprises, OME pour l’environnement, Agence Mondiale des Matières premières,...) On a beau déplorer les déficits publics et l’excès de réglementation, on n’en reste pas moins français: à chaque problème, son agence ou son institution.

Dans tous les cas, nous aurons tous bien compris que le désordre financier ne peut être combattu dans un seul pays, ni sur un seul continent, ce qui a le mérite de renvoyer aux calendes grecques le règlement du véritable problème qui frappe les entreprises et le marché mondial aujourd’hui: l’instabilité financière et son corollaire, l’instabilité de l’activité.

Industrie: là, je dis «chapeau!». Parce que prétendre représenter les entreprises françaises sans prendre une seule fois position sur la place de l’industrie dans notre économie, fallait oser. Pas un mot sur le contenu de notre production. Pas une allusion au sujet. Une très belle leçon de déni.

Du coup, on reste perplexe sur la signification de ce silence. Car le programme du MEDEF parle bien de quelques sujets économiques: la révolution digitale, les marchés du futur, à savoir les écosystèmes d’innovation, la biodiversité, "une richesse inappréciable". Mais... l’industrie dans tout ça ? Nous faut-il plus d’usines ? Moins d’usines ? Plus ou moins de services ?

Les seules réponses à ces questions pourtant basiques sont en creux. Il faut de nouveaux marchés, notamment numériques, ce qui est bien, ce qui est compréhensible. On en déduit que l’industrie est dépassée et que le MEDEF ne se bat plus pour elle?

Made in France:  Là encore, silence radio. Comme si ce sujet n’intéressait pas le MEDEF, et avait déjà fait l’objet d’une prise de position définitive, de l’ordre du «démerdez-vous!». En dehors de la convergence franco-allemande, le lecteur ne trouvera donc pas grand chose sur ce sujet. Aucune vision particulière, si ce n’est le flot commun des positions archi-connues du MEDEF: le pacte fiscal et social consistant à transférer dans l’impôt le coût de la protection sociale, le report de l’âge de la retraite, le développement de la négociation d’entreprise.

De grande ambition pour la relocalisation des activités en France, point.

Action: on ne me pardonnera peut-être pas d’être désagréable, mais il manque quand même quelque chose de majeur dans le programme du MEDEF, c’est l’action. Car l’article 1 du Code du Travail confie aux partenaires sociaux, parmi lesquels le MEDEF est de fait le seul investi d’un droit d’initiative, le pouvoir de négocier à peu près tous les sujets qui concernent la vie des entreprises. La moitié des propositions du MEDEF pourrait directement être négociée par le MEDEF lui-même, avec une intervention purement accessoire de l’État.

En Allemagne, ils font comme ça.

Alors il y a quelque chose d’agaçant, à lire ce livre de gros chat sur son radiateur, à écouter cette conversation de joueur de pétanque sous le soleil, qui donne de grandes leçons à tout le monde (il y a trop d’État, trop de fonctionnaires, trop de règles, pas assez de négociations, il faut faire comme en Allemagne, etc.), mais qui se garde bien de les mettre en application chaque fois qu’il le peut.

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