Les minorités ethniques ont désormais plus de chances que les "blancs" d'accéder aux postes à responsabilité au Royaume-Uni. Mais pas en France et ça n'est pas (non plus) une bonne nouvelle<!-- --> | Atlantico.fr
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Le Royaume Uni s’est affirmé comme une terre d’accueil et de formation pour les classes aisées et intellectuelles du Commonwealth. Depuis, cette immigration qualifiée ne s’est jamais tarie.
Le Royaume Uni s’est affirmé comme une terre d’accueil et de formation pour les classes aisées et intellectuelles du Commonwealth. Depuis, cette immigration qualifiée ne s’est jamais tarie.
©DANIEL LEAL-OLIVAS / AFP

Melting pot à Oxford

Un constat qui montre à quel point la nature de l'immigration britannique est différente de celle de l'immigration française.

Atlantico : D'après une récente étude britannique, les personnes issues de minorités ethniques auraient désormais plus de chances que les "blancs" d'accéder aux postes à responsabilité au Royaume-Uni. Un constat qui se base notamment sur le doublement de la part des étudiants issus de l'immigration dans les grandes universités (9% en 1996, 18% aujourd'hui). Comment expliquer ce constat d'une classe moyenne britannique de plus en plus diverse ? Pourquoi les immigrés et descendants d'immigrés réussissent-ils si bien outre-Manche ?

Laurent Chalard : Ce constat, qui peut, au premier abord, paraître surprenant pour l’observateur français, ne l’est pas tant que cela lorsque l’on connaît l’histoire de l’immigration en Grande-Bretagne. En effet, pendant les Trente Glorieuses, parallèlement à une immigration peu qualifiée pour répondre aux besoins de main d’œuvre dans certains secteurs industriels comme dans d’autres Etats d’Europe occidentale, le Royaume Uni a aussi accueilli une immigration de personnes qualifiées, entre autres, de nombreux médecins indiens pour répondre aux besoins du secteur médical, et s’est affirmé comme une terre d’accueil et de formation pour les classes aisées et intellectuelles du Commonwealth. Depuis, cette immigration qualifiée ne s’est jamais tarie, les universités anglaises parmi les plus réputées de la planète (Oxford, Cambridge, la London School of Economics…) exerçant un brain drain certain sur le reste du monde, conduisant à une diversification des origines ethniques, avec l’émergence par exemple des Chinois.

Parallèlement, la métropole londonienne est devenue une sorte d’eldorado pour tous les ambitieux de la planète, en particulier dans le domaine de la finance. En conséquence, il est assez logique que ces enfants descendants d’immigrés qualifiés réussissent mieux à l’université que les classes populaires autochtones. Cependant, il faut faire attention de ne pas généraliser ce constat à l’ensemble des populations issues des minorités ethniques, puisque les meilleurs taux de réussite semblent concerner essentiellement les populations originaires du continent asiatique (Indiens, Chinois), mais beaucoup moins les personnes originaires d’Afrique noire, aux qualifications moindres. Cette spécificité anglaise semble donc tenir essentiellement à une question d’origine sociale des populations immigrées.

Cette situation s'observe-t-elle également en France ? Peut-on "exporter" le modèle britannique ou les deux situations sont-elles vraiment incomparables ?

Tout d’abord, il convient de rappeler qu’il n’est pas possible de faire une comparaison identique avec le Royaume-Uni, pour la simple raison que le critère de l’ethnicité n’est que très rarement pris en compte dans les statistiques en France. La prudence est donc de rigueur. Cependant, toutes les études prenant en compte l’origine des populations, montrent que, dans leur globalité, les descendants d’immigrés réussissent sensiblement moins bien que les enfants autochtones, ce qui s’explique assez facilement par les caractéristiques de l’immigration en France depuis les Trente Glorieuses, en l’occurrence une immigration très peu qualifiée, originaire du Maghreb et d’Afrique noire. L’immigration qualifiée est restée relativement marginale par rapport au Royaume-Uni.

Le "modèle anglais", qui est tout simplement un modèle anglo-saxon privilégiant de plus en plus les immigrants qualifiés au détriment des autres (le Canada en constituant l’exemple-type), est potentiellement exportable en France, mais pour cela, il faudrait que les universités françaises soient beaucoup plus attractives car c’est l’endroit où tout se joue et que le marché de l’emploi soit plus dynamique. Or, ce n’est malheureusement pas le cas aujourd’hui, étant donné l’état de délitement du système universitaire français et le chômage endémique, qui touche aussi, à un degré moindre il est vrai, les diplômés. En conséquence, les meilleurs éléments des principaux Etats fournisseurs d’immigrés en France se tournent vers le monde anglo-saxon, ce qui sous-entend que la France est pénalisée par le profil migratoire des nouveaux arrivants. Si le niveau d’études de ces derniers a tendance à progresser au fur-et-à-mesure du temps, il demeure néanmoins moindre que celui des autochtones, en particulier pour les entrées relevant du regroupement familial.

Ces dernières années, les populations d'Europe de l'Est (Pologne essentiellement, mais aussi Lituanie, Roumanie et Lettonie) ont bouleversé le visage de l'immigration britannique. Est-ce qu'à l'avenir, la réussite du modèle d'intégration britannique peut être menacée ?

A priori non car les populations originaires d’Europe de l’Est bénéficient d’une relative bonne formation, héritage du système scolaire communiste. Il est d’ailleurs assez courant de voir des personnes très diplômées originaires d’Europe orientale exercer des emplois sous-qualifiés au Royaume-Uni par rapport à leur niveau de compétences. Il s’ensuit que leurs enfants qui viennent de naître (rappelons que c’est une immigration relativement récente, constituée essentiellement de jeunes adultes célibataires) ou qui naîtront dans le futur devraient avoir des taux de réussite scolaire tout à fait corrects, d’autant que les enseignements que l’on peut tirer d’autres pays d’Europe occidentale témoignent, en règle générale, d’une très bonne insertion scolaire des immigrants d’Europe de l’Est. On peut même penser que cette immigration risque d’augmenter le décalage de réussite scolaire entre enfants autochtones et enfants issus de l’immigration, en faveur de ces derniers.

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