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Robert Menard : "Tout est ouvert pour 2017 car les mêmes qui se seront "débarrassés" de Nicolas Sarkozy à la primaire seront tentés de le faire ensuite avec Alain Juppé"
©Reuters

Entretien politique

Élection de Donald Trump aux États-Unis, espoir de changement en France, état de la droite actuellement en France, défi migratoire, élection présidentielle de 2017... Le maire de Béziers Robert Ménard, figure du Rassemblement Bleu Marine, se confie à Atlantico à l'occasion de la sortie de son nouveau livre.

Robert Ménard

Robert Ménard

Robert Ménard a été journaliste et fondateur de Reporters Sans Frontières (RSF).

Président de l'association de 1985 à 2008, il a dirigé un centre d'accueil pour les journalistes à Doha (Qatar) de 2008 à 2009.

Il a été élu en avril 2014 maire de la ville de Béziers

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Atlantico : Vous publiez ce lundi un Abécédaire de la France qui ne veut pas mourir. Mais qui est-elle, cette France qui ne veut pas mourir ? Si l'on suit votre raisonnement, il y aurait donc à l'inverse une France qui, elle, se laisserait mourir ?

Robert Ménard : La France qui ne veut pas mourir englobe tous les gens qui résistent, et c'est à eux que je m'adresse. Des paysans aux ouvriers, de l'habitant d'une petite ville moyenne à celui d'une zone rurale, c'est tous ceux qui sont attachés à la France, ses valeurs, ses traditions, ses mœurs, ses modes de vie, sa civilisation chrétienne, et qui n'entendent pas disparaître de la scène. Ce sont ceux qui, aux Etats-Unis, ont voté Donald Trump et qui, en France, espèrent que tout va changer dans six mois. Comme il y a urgence, je m'adresse à eux à travers ce livre qui est, au fond, un cri d'alarme.

L'histoire de notre pays est faite de chocs et de révolutions. En quoi y a-t-il plus de risques d'une disparition de la France aujourd'hui qu'en bien d'autres occasions de notre histoire ?

Tout simplement parce que nous sommes menacés de l'intérieur par une submersion démographique. Dans ce livre, je pars sans cesse de mon expérience de maire. Je ne suis pas un théoricien, je suis l’élu d'une ville de 75 000 habitants qui essaie de décrire le quotidien de sa gestion et d'en tirer des leçons qui vont au-delà de sa ville. Pourquoi la France est-elle plus menacée aujourd'hui ? Mais parce qu'elle est visée dans son essence même.

Quand les deux tiers des élèves des écoles publiques de Béziers sont d'origine immigrée, cela ne fait pas de Béziers une exception ou une ville en quelque sorte retardataire. Cela en fait, bien au contraire et  malheureusement, le visage prémonitoire de ce que pourrait être la France dans 20 ans. Et de cela, je ne veux pas, comme la majorité des habitants de ma ville.

Vous dites dans cet Abécédaire que l'immigration n'est plus une chance pour la France, comme au temps des Zola, Aznavour ou Platini. Que préconisez-vous face à la crise migratoire que nous vivons actuellement ?

Il faut diminuer de façon draconienne l'immigration, s'il n'est pas possible d'y mettre un terme. Nous ne pouvons plus intégrer de nouveaux arrivants. Nous avons dépassé les seuils de tolérance. C'est pour cela que j'ai pris position contre l'arrivée de migrants à Béziers. Nous disons "Stop, ça suffit, on n'intègre plus personne". Et je ne vous parle même pas d'assimilation... Il faut absolument s'arrêter là.

Et puis, il faut s'interroger sur la façon de gérer cette immigration qui est essentiellement musulmane. C’est la question de l'islam, qu'il faut prendre à bras-le-corps. Ce petit abécédaire est l'occasion de tracer des pistes - construites, encore une fois, à partir d’une expérience locale -  et de tirer la sonnette d'alarme en clamant qu'on ne peut plus continuer comme cela.

Je le dis sous cette forme-là car il y a une élite - ou prétendue telle - qui vit hors-sol et continue à faire sa loi. J'ai affaire en tant que maire à des responsables d'administrations centrales qui ne savent pas de quoi ils parlent. Prenons l'exemple de la politique de la ville, que je développe dans le livre. Elle a coûté des milliards d'euros depuis sa mise en place, or c'est un échec total ! On n'a jamais eu autant de ghettos qu'aujourd'hui. À Béziers, dans le quartier de la Devèze où j'ai passé mon adolescence, on a investi plus de 100 millions d'euros pour le réhabiliter. Or, on constate que ce quartier n'a jamais été aussi mono-ethnique. C'est un fiasco. Il faut repenser tout cela.

Dans votre ouvrage, vous pointez par ailleurs le décalage entre les attentes du peuple et l'attitude des élites au pouvoir, et l'intimidation morale pratiquée à l'encontre de ceux qui ne respectent pas un certain politiquement correct. Mais si l'on fait abstraction de ces "censeurs", le racisme, les discriminations ou les atteintes réelles à la démocratie ou au droit des minorités commencent où selon vous ?

Bien sûr que cela existe. Personne ne peut dire sérieusement qu'il n'y a pas des gens qui sont racistes. Mais ce racisme n'est pas que dans un sens. Ce n'est pas une invention de l'extrême-droite que de parler de racisme anti-blanc. Dans le cadre des "rappels à l'ordre" (lorsqu'un jeune citoyen fait une bêtise, mais pas suffisamment importante pour passer devant la justice), je reçois régulièrement des enfants à la mairie. Or, certains de ces gosses parlent de leurs copains en disant "sale Français", alors qu'ils sont eux-mêmes français ! C'est vous dire à quel point ce ne  sont que des Français de papier, pas des Français de cœur. Nous devons regarder les choses en face : le réel est peut-être terrible, mais il faut "faire avec".

Peut-on et doit-on tout dire ? Quand on voit les propos xénophobes de Donald Trump sur les Mexicains ou ses propositions très dures pour les musulmans, de quel côté de la barrière de l'acceptable tombent-ils pour vous ?

Je l'interprète comme le refus – certes caricatural – du politiquement correct. Il y a une telle overdose du bien-penser et des mots châtrés qu'évidemment, lorsque vous êtes un Donald Trump, vous en rajoutez dans la dénonciation de cela et donc vous utilisez des formules qui peuvent choquer. En même temps, je vous garantis (et je ne m'en suis jamais caché) qu'entre Hillary Clinton, l'icône de la corruption institutionnalisée, du mépris de classe et de la morgue affichée, et Donald Trump, mon cœur n'a jamais hésité. Dans ma ville, je constate tous les jours le décalage énorme entre ce que me disent mes administrés et une presse qui m'insulte à longueur d'articles, d'émissions de télé et de radios. Toutes proportions gardées bien sûr, c'est un peu le même phénomène qu'aux États-Unis. On n'en peut plus de cet establishment arrogant et de cette petite caste médiatico-politique.

Pensez-vous que l'élection de Donald Trump et sa forte portée symbolique vous permette d'espérer exporter au niveau national ce que vous appelez le modèle biterrois, cette manière de gouverner que vous développez à la tête de la mairie de Béziers et que certains qualifient de laboratoire d'extrême-droite, là où vous y voyez surtout une manière de reconnecter les électeurs et leurs élus ?

Oui, j'y vois un moyen de retisser des liens entre les élus et ceux qui les élisent. Le peuple n'y croit plus. Avant même de critiquer les uns et les autres, ils mettent tous les hommes politiques dans le même sac, même si les maires sont encore considérés comme leurs élus les plus proches. La victoire de Donald Trump ouvre une sorte d'espérance. Tout un tas de choses qu'on pensait impossibles (un vrai changement, l'élection de personnalités radicalement différentes) deviennent tout à coup possibles. Le Brexit et la victoire de Donald Trump sont le signe que cela ne fait que commencer, et j'espère que ce petit manuel de survie pour ceux qui ne veulent pas baisser les bras apportera sa modeste contribution.

La justice vous a souvent entravé dans vos projets à Béziers. Avec le recul, y a-t-il des initiatives dont vous comprenez qu'elles étaient trop dures ?

Elles ne sont pas trop dures. Je suis toujours à la limite de ce qu’il est permis de faire. Je suis un défenseur acharné du pouvoir communal. À Béziers, il est en place depuis 1238. Je m’inscris dans cette tradition et j’essaie d'exercer à plein mes responsabilités et mes pouvoirs. De temps en temps, je tombe sur les limites que l’État impose aux maires. Je note quand même que nous gagnons plus souvent les procès que nous ne les perdons. Et quand c’est le cas, l’actualité finit par nous donner raison. La garde municipale que nous voulions instaurer en est la preuve éclatante. Je ne veux pas être un maire gestionnaire. J'essaie de sortir  ma ville de la situation de pauvreté où elle a été plongée. La chose qui m'importe le plus, c'est de rendre leur fierté aux Biterrois.

Il y a quelques mois, dans une interview à Atlantico, vous nous aviez déclaré que vous n'excluiez pas totalement l'idée d'une candidature à la présidentielle. Depuis, vous avez lancé Oz ta droite, un mouvement dont l'objectif était de faire reprendre ses propositions par d'autres candidats. Finalement, ces autres candidats, qu'ils soient candidats à la primaire de la droite ou qu'ils soient au Front national, ne s'en sont pas vraiment saisis jusqu'à présent. Qu'en est-il aujourd'hui ?

Ce sont les limites de la politique des partis. Ce n'est pas pour rien que je ne suis pas dans un parti. Je rappelle d'ailleurs dans ce livre les propositions qui étaient sortis de la rencontre d'Oz ta droite à Béziers. Oui, nous avons des difficultés à faire incarner toutes nos idées dans un seul visage. Mais, en même temps, aujourd'hui, la seule personnalité crédible pour aller dans le sens où je souhaite aller, est évidemment Marine Le Pen. Oz ta droite est une tentative pour dire qu'il y a plus de choses à droite qui nous unissent que de choses qui nous différencient (je parle ici de la vraie droite, pas de ceux qui ont honte tous les matins d'être de droite).

Je pense qu'aujourd'hui, après la victoire de Donald Trump, jamais l'espoir d'un vrai changement n'a été aussi fort en France. Je suis encore plus optimiste que je ne l'étais lorsque j'ai terminé ce livre.

>>>> Lire aussi : Robert Ménard, la "droite Béziers" et la droite tout court : l'interview qui risque de faire grincer les dents au FN comme dans les chaumières des écuries de la primaire

Voir Donald Trump, un novice en matière politique qui s'inscrit contre les appareils politiciens, ne vous donne-t-il pas des idées pour 2017 ?

Non, l'idée que cela me donne, c'est que tout est désormais possible...

Selon un sondage Ifop pour Atlantico, 60% des Français estiment qu'il y aura une surprise en mai 2017 et 64% que ce sera une bonne surprise. Selon un autre sondage, 57% des français de droite sont prêts à voter pour un candidat qui ne se serait pas présenté à la primaire et 64% pour un candidat qui se serait présenté mais qui aurait perdu la primaire. Qu'est-ce que tout cela vous inspire sur les attentes des électeurs français de droite ?

Ce que tous ces chiffres traduisent, c'est l'envie d'un renouveau. Pour toute une partie de la droite qui affirme qu'elle votera Alain Juppé à la primaire, c'est une manière de dire qu'elle ne veut plus de Nicolas Sarkozy, qui incarne un repoussoir absolu. D'un autre côté, je suis convaincu que le lendemain de la primaire, les mêmes qui se seront "débarrassés" de Nicolas Sarkozy se diront qu'ils ne vont tout de même pas recommencer avec un politicien qui a été Premier ministre il y a 20 ans ! Tout est ouvert et tous les espoirs sont permis. Le courant que j'essaie de défendre dans ce livre (un courant patriotique, national, identitaire) est majoritaire parmi le peuple, je le constate tous les jours.

>>>> Lire aussi : Coup de blues sur la primaire : 64% des sympathisants de droite et du centre se disent prêts à voter à la présidentielle pour un candidat battu à la primaire

Vous indiquez également dans ce livre que "les Français sont majoritairement de droite, mais beaucoup de ses leaders sont plus proches de la gauche que de leurs électeurs". Selon vous, ce décalage entre les leaders de la droite et la base de leur électorat ouvre-t-il un espace pour la droite dite "hors les murs", que vous avez essayé de rassembler fin mai à Béziers ?

Mais ce n'est pas un décalage, c'est un gouffre ! Un gouffre entre ce que pensent le peuple de droite et ce que ses leaders incarnent... Expliquez-moi en quoi Nathalie Kosciusko-Morizet est de droite ! Cela veut dire quoi ? Cela veut dire que oui, les gens aspirent à une droite qui ne s'auto-flagelle pas tous les matins, qui n'ait pas envie de ressembler à la gauche, qui ne passe pas son temps à s'excuser d'être ce qu'elle est. Non, nous n’avons pas à cacher ce que nous sommes et de ce que nous pensons. Or, depuis 40 ans, la droite n'a à sa tête que des politiciens qui ont honte d'être ce qu'ils sont. C'est la révolution que nous devons faire : nous débarrasser d’eux.

Marine Le Pen élue après l'élection de Donald Trump, cela vous paraît possible ?

Cela me semble aujourd'hui non seulement souhaitable mais tout à fait possible. Il existe enfin une fenêtre de tir…

Propos recueillis par Benjamin Jeanjean.

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