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De l’air ! Et si l'Éducation nationale 
s'inspirait enfin 
de ce qui fonctionne à l'étranger ?
©Charles Platiau / Reuters

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Alors que François Hollande a ramené sur le devant de la scène la question de l'éducation en proposant plusieurs mesures, une comparaison avec l'étranger montre que ce n'est pas de moyens dont manque le système scolaire français, mais de vraies propositions pour assurer l'égalité des chances entre chaque élève.

Erwan Le Noan

Erwan Le Noan

Erwan Le Noan est consultant en stratégie et président d’une association qui prépare les lycéens de ZEP aux concours des grandes écoles et à l’entrée dans l’enseignement supérieur.

Avocat de formation, spécialisé en droit de la concurrence, il a été rapporteur de groupes de travail économiques et collabore à plusieurs think tanks. Il enseigne le droit et la macro-économie à Sciences Po (IEP Paris).

Il écrit sur www.toujourspluslibre.com

Twitter : @erwanlenoan

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Injuste, inefficace et coûteux. En trois adjectifs, voici décrites les caractéristiques du système éducatif Français. Bien sûr, celui-ci forme des millions de jeunes à de très bonnes études, mais ce bilan est trompeur et ne peut être satisfaisant au regard des résultats – meilleurs -  atteints par nos partenaires.

Une école trop coûteuse

La dépense d’éducation est un investissement sur l’avenir. Mais cela ne justifie pas qu’on ne puisse en discuter l’efficacité, surtout lorsque les dysfonctionnements et les inefficiences sont patents.  

La France dépense beaucoup en matière éducative : c’est le premier budget de l’Etat, la dépense d’éducation (public + privé) est largement dans la moyenne de l’OCDE (la Finlande et le Canada, qui ont de biens meilleurs résultats, dépensent un peu moins que la France) et si la France a un taux d’encadrement relativement faible, ce n’est pas tant par manque d’enseignants que parce que « la composante enseignante [y est] relativement importante et probablement notoirement supérieure à celle des autres pays de l’OCDE ».

Pourtant, les résultats ne sont absolument pas à la hauteur. Les études comparatives menées par l’OCDE (PISA) le montrent clairement, la France est un élève au mieux moyen, au pire médiocre. Les évaluations menées par ailleurs concluent toutes au même constat : à tous les âges, environ 15% des élèves sont totalement en deçà du niveau. En CM2, 300 000 élèves ont de graves lacunes (chaque année !) ; plus tard ils sont 140 000 à quitter le système scolaire sans diplôme ; et au moment de la journée d’appel (JAPD), ils sont 10% à ne pas savoir lire.

Ces mauvais résultats ont un coût. Si la France avait les mêmes performances que la Finlande (classée en tête de PISA), l’OCDE mesure que son PIB augmenterait de 461% en vingt ans.

Coût très importants, résultats insuffisants. Le bilan semble sans appel : le problème de l’école n’est pas une question de budget, mais de méthode. Au demeurant, la Cour des comptes l’a très explicitement écrit : « la solution aux difficultés du système scolaire ne se trouve pas (…) dans un accroissement des moyens financiers et humains qui lui sont consacrés ».

"Gosses de riches" et "fils de profs" : délit d’initié !

Toutes ces dépenses, toutes ces inefficiences seraient peut-être socialement acceptables si l’Ecole donnait sa chance à tous les enfants. Or, et c’est là que le bât blesse le plus sévèrement, ce n’est absolument pas le cas. En France, seuls s’en sortent les enfants qui ont les moyens de contourner le système : soit les « gosses de riches », dont les parents paient des cours du soir ou des écoles privées, soit les « fils de profs », dont les parents connaissent les « trucs et astuces » pour réussir.

Les chiffres abondent : par rapport à un enfant d’enseignant, un enfant d’inactif redouble treize fois plus son CP, arrive deux fois plus en retard en 4ème, abandonne trente fois plus avant la 3ème, a huit fois moins de chances d’obtenir un bac général, a dix fois moins de probabilité d’accéder à l’enseignement supérieur et a 30 fois plus de risque de sortir du système sans le moindre diplôme. Ce seul constat suffit à tirer la sonnette d’alarme. Au final, le milieu socio-économique surdétermine le succès scolaire dont, on le sait, découle par la suite la réussite professionnelle. 

Bref, l’Ecole en France coûte très cher, produit des résultats médiocres et ne donne sa chance qu’aux plus favorisés des élèves. Rien de très reluisant. 

Une nécessaire dimension comparatiste

Ces problèmes ne se sont pas posés qu’à la France. Nos partenaires ont eu à y répondre : l’Allemagne, le Royaume-Uni, la Finlande, la Corée du Sud, le Canada et les Etats-Unis ont eu à réformer leurs systèmes éducatifs. A ce titre, ces pays sont des sources d’inspiration. Ils poursuivent d’ailleurs des voies assez similaires. 

La principale est celle de la liberté, de la responsabilité et de l’autonomie. Les free schools sont au  cœur de la politique de David Cameron comme les charter schools le sont pour Barack Obama (qui poursuit ce que faisait son prédécesseur). Aux Pays-Bas, il n’existe pas de programme national, et les enseignants sont libres de choisir leur pédagogie et leurs manuels. En Suède, la carte scolaire n’existe plus.

En termes de budget, les niveaux et les structures divergent. La dépense d’éducation a baissé depuis 1995 au Canada, en Allemagne, en Finlande mais augmenté en Corée, aux Etats-Unis et au Royaume-Uni. La Corée obtient d’ailleurs d’excellents résultats avec une dépense forte, alors que les Etats-Unis qui dépensent presque autant ont des performances plus faibles et que le Canada et la Finlande qui dépensent sensiblement moins sont aussi bons. Enfin, au Canada ou en Corée du Sud la part du privé est importante, alors qu’elle est très faible en Finlande. Une nouvelle fois, plus que la quantité, c’est la qualité de la dépense qui importe. 

Au-delà des différences nationales, des pistes communes se dessinent,  dont on voit mal pourquoi la France s’en tiendrait écartée.

La Révolution de l’autonomie

Face à constat, il ne s’agit plus de mettre quelques rustines sur un système qui ne fonctionne pas. Ce qu’il faut, c’est changer de "modèle". C’est faire la révolution. Pour se libérer de ce système épuisé, il faut accorder aux acteurs les marges nécessaires pour agir : dans un cadre global et général, qui fixe des objectifs nationalement, il faut laisser chacun choisir les moyens d’y parvenir. Cela suppose de faire confiance à tous les niveaux,  à toutes les personnes.

Le premier axe prioritaire,  c’est l’introduction de la liberté, qui passe par la suppression de la carte scolaire, la création de « chèque éducation » et l’autonomie complète des établissements, à la fois en termes de gestion et de pédagogie. Les parents doivent choisir librement l’école de leur enfant : le financement suivra chaque élève. Les professeurs doivent choisir librement leurs méthodes pédagogiques et les directeurs leurs équipes. L’évaluation sera nécessaire, pour vérifier que les élèves acquièrent un niveau requis. Au-delà de cette exigence, la liberté devrait être totale : les parents sont assez responsables pour juger.

Le deuxième axe à privilégier, c’est la valorisation de la transmission. Les élèves doivent apprendre ce que la Nation estime être indispensable à tout citoyen, ce qui passe certainement par les connaissances académiques mais aussi par l’apprentissage des règles de vie commune et le sens de l’autorité qu’il suppose. L’Ecole doit mettre tout en œuvre autour du triptyque : lire, écrire et compter. Les évaluations des résultats devront être publiées : l’accès à l’information par tous est indispensable. Les établissements défaillants seront fermés. 

Le troisième chantier est celui de l’adaptation des rythmes scolaires. Les journées, les semaines et les années doivent changer pour s’adapter aux besoins des élèves : moins d’heures de cours, plus étalées dans le temps. Cela devrait permettre un apprentissage plus efficace, notamment en prévoyant des temps d’étude et en encourageant les internats.

Le quatrième pilier de la réforme éducative doit être concentré sur la personnalisation de la prise en charge. La révolution de l’autonomie doit aussi être celle de la qualité, ce qui suppose que les enseignants soient formés à répondre aux besoins particuliers de chaque élève. Les parcours doivent répondre à cette individualisation, en supprimant notamment le collège unique. Dans cet esprit de mobilisation, la communauté éducative doit prendre de nouvelles responsabilités, à la fois dans l’accompagnement des élèves (les parents doivent y participer plus) et dans la gestion des établissements.

Enfin, le dernier pilier est celui de la revalorisation et de la dynamisation du métier d’enseignant. Les professeurs doivent être mieux formés, notamment par des stages plus appuyés, et être recrutés en fonction de leurs talents et de leurs capacités, par les chefs d’établissements. Au demeurant, les nouveaux recrutements devraient se faire par contrat. Plus présents dans les établissements, où ils pourront bénéficier de lieux de travail décents – financés notamment par le secteur privé -, les enseignants doivent être mieux payés en contrepartie de ces efforts.

La révolution de l’autonomie, c’est un grand saut dans le qualitatif. Toutes ces réformes doivent se faire dans l’esprit de l’autonomie et de la responsabilité : il ne s’agit plus d’appliquer des méthodes de manière uniforme. Il faut laisser les acteurs libres de choisir : l’évaluation sanctionnera les pratiques bonnes ou mauvaises. La France a démocratisé son système éducatif. Assurer la réussite de chacun : voilà la seule priorité qui devrait guider l’Education nationale, au-delà de tous les discours électoralistes et tous les corporatismes ou les réactions stériles.


NB : Cet article d'Erwan Le Noan est un condensé de la note qu'il a rédigé pourl’Institut Thomas More qui vient d’élaborer 29 propositions pour mettre en œuvre la Révolution de l’autonomie.

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