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En France, les enseignants coûtent 
plus cher qu'en Allemagne... 
et sont moins bien payés
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Mammouth et tour de Rhin

L'Education nationale offre d'importantes opportunités pour réduire les dépenses publiques. En comparant les situations française et allemande, on se rend compte que les dépenses sont moins bien réparties en France. L'exemple allemand propose ainsi de nombreuses pistes d'économies.

Jakob Höber et Caroline Popovici

Jakob Höber et Caroline Popovici

Cette note a été réalisée pour l'Institut Thomas More par Jakob HÖBER, rapporteur Comparaison France-Allemagne au sein du
programme 2012 : changeons de modèle, et Caroline POPOVICI, chargée de mission Finances publiques.
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Si la France ramenait sa dépense publique par élève au niveau allemand, cela représenterait une économie de 11,1 milliards d’euros par an

En valeur absolue, la France et l'Allemagne consacrent à peu près les mêmes montants à leur système éducatif, un peu plus de 70 milliards d'euros par an. Mais la France compte 1,65 millions d'élèves de moins que l'Allemagne (14,05%). Il s'ensuit que, rapporté à chaque élève, la France dépense 1103 euros de plus que l'Allemagne (7 084 euros contre 5 981). Cela représente au total un surcoût de 11,1 milliards d'euros.

C'est dans le secondaire que l'écart est le plus important : la France dépense 3 370 euros de plus par élève (+63,68%). Rapporté au PIB par habitant, un élève du secondaire en « consomme » à lui seul près d'un tiers en France contre 16% en Allemagne. 

Dans le primaire, la dépense publique par élève est de 5 223 euros en France contre 4 577 euros en Allemagne (soit 646 euros). Ce qui représente une économie potentielle de 2,92 milliards d'euros.

Avec des salaires inférieurs de 34,3% à l'Allemagne en moyenne, ce n'est pas la rémunération des enseignants français qui coûte cher

Constatant un tel écart dans les dépenses, on pourrait s'attendre à que les enseignants français perçoivent un meilleur salaire que leurs voisins d'outre-Rhin... Ce n'est pas le cas, loin de là ! S'il convient de rappeler qu'un enseignant français travaille 11,55% en moyenne de moins que son collègue allemand, force est de constater que le salaire moyen en France, primaire et secondaire confondus, est de 31 021 euros par an contre 47 214 euros en Allemagne (-34,3%).

Il faut ajouter que le salaire moyen de l'enseignant tutoie péniblement le niveau du PIB par tête en France (97% pour le primaire, 105% pour le secondaire) – avec pourtant une formation supérieure de 5 ans et un investissement en temps et capital correspondant –, alors qu'en Allemagne, il représente 155% pour le primaire et 175% pour le secondaire – avec des avantages sociaux comparables à ceux des enseignants français.

Dans le primaire, le salaire annuel moyen est de 29 461 euros en France, contre 42 178 en Alllemagne – soit 12 717 euros de moins (-30,15%).

Mais avec le même nombre d'enseignants par élèves, la France économiserait 1,75 milliards d'euro par an

Ce n'est donc pas, on vient de le voir, dans la rémunération des enseignants qu'il y a des excès de dépenses...

Il faut chercher d'autres causes. Et d'abord peut-être leur nombre. En moyenne, la France compte 14,25 élèves par enseignant, l'Allemagne, 15,48. Si la France appliquait le même ratio, elle économiserait un peu plus de 56 300 postes – soit 1,748 milliard d'euros de rémunérations par an.

L'un des signes du sous-investissement français dans le primaire est marqué par le chiffre suivant : il manque près de 22 000 postes d'enseignants dans le primaire pour atteindre le même nombre d'élèves par enseignant qu'en Allemagne (18 contre 19,9).

L'essentiel des dépenses est ailleurs : les coûts de structure et d'administration représentent 19,9 milliards d'euros de plus par an qu'en Allemagne

Mais ce qui gonfle sérieusement la facture, ce sont les dépenses hors masse salariale enseignante. En effet, seuls 30,7% des dépenses publiques françaises d'éducation sont consacrées aux salaires des enseignants, contre 51% en Allemagne. Les « autres » dépenses représentent 4 907 euros  par  élève  en  France  contre 2 932 en Allemagne – soit 1 975 euros de plus. Rapporté aux 10 millions d'élèves français, cela représente une dépense de 19,9 milliards d'euros par an.

D'où provient un tel surcoût, alors qu'on constate qu'au global l'enseignant allemand encadre un élève de plus que son collègue français, travaille davantage (+11,55%) et est nettement mieux payé ? Des coûts de structures et d'administration – les coûts du « modèle » – qui se caractérisent par des dépenses considérables.

Dans le primaire, seuls 27,57% des dépenses publiques françaises d'éducation sont consacrées aux salaires des enseignants, contre 50,25% en Allemagne. Les « autres » dépenses représentent 3 890 euros par élève en France contre 2 320 en Allemagne – soit 1 570 euros de plus.

Rapporté aux 4,14 millions d'élèves français dans le primaire, cela représente une dépense de 6,5 milliards d'euros par an.

Trop d'établissements, trop peu d'élèves par établissement : une économie potentielle de 13,6 milliards par an

Il faut en premier lieu faire un constat simple : la France a beaucoup plus d'établissements scolaires que l'Allemagne : 49 160 contre 28 181 – soit 74% d'établissements en plus... mais n'a que 14% d'élèves de moins ! De même, la France compte beaucoup moins d'élèves par établissement : 205 contre 417 en Allemagne en moyenne – soit -50,73%... Pour chaque établissement, cela signifie des coûts d'entretien et de maintenance des bâtiments, des coûts de structures, de personnel, de gardiennage, etc.

Or, si la densité de la population est moins élevée en France, sa répartition est assez comparable à celle de l'Allemagne : près de la moitié de la population vit dans des zones à haute densité (+ de 500 hab/km²), 35% dans des zones à densité moyenne (entre 100 et 499 habitant/km²) et moins de 20% dans les deux pays dans des zones faiblement peuplées (- de 100 hab/km²). Ce n'est pas, par conséquent, la densité totale plus faible en France qui peut justifier le nombre beaucoup plus élevé d'établissements. Cette réalité est soulignée par le fait que les coûts du transport scolaire sont comparables dans les deux pays sont comparables : 2,3 milliards d'euros en France contre 1,9 en Allemagne.

On peut donc affirmer qu'avec le même nombre d'élèves et le même niveau de dépenses publiques par établissement qu'en Allemagne, la France dépenserait 13,6 milliards d'euros en moins.

Dans le primaire, l’écart dans le nombre d’établissements est particulièrement grand : 2,3 fois de plus en France qu'en Allemagne, pour seulement 28% d’élèves en plus. Les économies potentielles se chiffrent à 2,88 milliards d’euros.

Une dépense administrative presque trois fois supérieure qu'en Allemagne : 2,74 milliards d'euros d'économies par an à réaliser

Une autre source de dépense majeure est constituée par les dépenses administratives. Pour le primaire et le secondaire, elles représentent 3,55 milliards en France contre 941 millions en Allemagne. Ce qui signifie une dépense de 351,33 euros par élève et par an en France et 80,11 euros en Allemagne – soit 271,23 euros de plus. Rapporté aux 10 millions d'élèves français, cela représente une dépense de 2,74 milliards d'euros par an.

Une dépense publique 3 fois moins décentralisée qu'en Allemagne

Si le système éducatif allemand n'est le meilleur modèle en terme de performances, il l'est sans doute davantage en terme d'organisation... et il en tout cas moins dispendieux. Sa recette ? La décentralisation et le respect de la subsidiarité. C'est au plus près du terrain et de la connaissance des besoins, au niveau de la commune, que se concentre l'essentiel de la dépense (plus de 80%) – les Länder assurant les 20% restant.

En France, moins d'un tiers de la dépense est assuré par les communes, les départements et les régions (31,1%). La dépense est 3 fois moins décentralisée qu'en Allemagne.

Dans le primaire, seuls 40,8% de la dépense publique sont décentralisés, soit 2,45 fois moins qu'en Allemagne.

On le voit, au regard de la comparaison avec l'Allemagne, le système éducatif français produit des surcoûts considérables – qui ne sont pas justifiables par une meilleure performance. Les réformes envisagées, qui ne manqueront pas d'être discutées à l'occasion de l'élection présidentielle, doivent tenir compte de cette réalité : l'école française ne manque pas de moyens, mais doit apprendre au contraire à les économiser et à les redéployer, en un mot à les dépenser mieux.Elle ne le fera que par une refonte profonde de son architecture et de son organisation, dont autonomie et subsidiarité devront être les maîtres-mots.

Pour lire l'intégralité du rapport de Jakob Höber, lire sa note sur le site de l'Institut Thomas More.

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