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La classe moyenne, cette grande perdante de la financiarisation du monde
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Enjeu social de la crise

Depuis la crise de 2007-2008, la classe moyenne apparaît comme la grande perdante sans qu'aucun débat de société n'ait eu lieu. S'appauvrissant peu à peu, elle est seule à payer les errements de la financiarisation du monde. Extraits de "Tondus comme des moutons" d'Alain Germain et Edmond-Henri Supernak (1/2).

Alain Germain et Edmond-Henri Supernak

Alain Germain et Edmond-Henri Supernak

Diplômé de l'EDHEC et de la University of Western Ontario,  Alain Germain a été gestionnaire d'entreprises (président de  Burger King Canada), enseignant universitaire (université Laval), conseil en stratégie d'entreprise et conférencier.

Issu de la même promotion de l'EDHEC et diplômé en Sciences Economiques, Edmond-Henri Supernak a été dirigeant de midcaps internationales. Il est conférencier et coach dans diverses écoles de commerce.

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Dès qu’une firme de notation financière cible un pays, le même processus se met invariablement en marche : programme d’austérité, coupes budgétaires, augmentations d’impôts, etc.

Si l’on examine les pays directement visés par ces firmes de notation financière tels que la Grèce, l’Irlande et le Portugal, et si l’on y ajoute même un pays hors zone Euro tel que l’Islande par exemple, que constate-t-on ?

Le politique change ; le financier reste

Portugal. 23 mars 2011. Démission du gouvernement du socialiste José Socrates. Élections en juin 2011. Irlande. 25 février 2011. Défaite cuisante du Premier ministre Brian Cowen, remplacé par le chef du principal parti d’opposition, le Fine Gael, élu sur la base de nouvelles renégociations des conditions du plan de sauvetage. Dans les deux cas, les bases de négociations en cours demeurent les mêmes que celles qui ont fait tomber les gouvernements précédents. Preuve si nécessaire que le politique change alors que le financier reste. Il est probable que certains amendements seront ajoutés pour que chacun sauve la face, mais l’essentiel des conditions imposées demeurera en place.

Faire payer le public pour rembourser les banques

Islande. 9 avril 2011. Pour la seconde fois, par voie de référendum, les Islandais ont dit « non » au remboursement de 3,8 milliards d’euros aux gouvernements britannique et néerlandais, qui avaient décidé de rembourser les dépôts de leurs citoyens dans la banque islandaise Landsbanki, mise en faillite en 2008.

Menaces de toutes sortes, incluant menaces de poursuites devant l’Association européenne de libre-échange. Pour la première fois, cependant, un peuple a pu se prononcer démocratiquement sur la question existentielle suivante : qui doit payer pour les erreurs des banques ? La réponse étant censée être évidente : le peuple. Après tout, « Dieu a créé les moutons… pour qu’ils soient tondus ! » (…)

Un débat de société qui n’a jamais eu lieu

À aucun moment depuis la crise de 2007-2008, la question de qui doit payer la note des excès spéculatifs du système financier ne s’est posée et ne se posera.

En fait, depuis l’abolition aux États-Unis du Glass Steagall Act et la capitulation du politique devant le financier, la réponse est toujours la même : les fonds publics, c’est-à-dire en fait la classe moyenne.

La classe moyenne n’a pas encore assimilé complètement les conséquences sociales à moyen terme de la crise de 2007-2008. En réalité, elle ne fait qu’entrevoir actuellement qu’elle s’est fait avoir à l’issue de ce non-débat.

Dans une entrevue parue dans Le Monde du 21 avril 2011, intitulée « Les milieux populaires pensent s’être fait avoir », le sociologue Alain Mergier indique ceci : « Ils [les milieux populaires] pensent que, pour s’enrichir, les représentants de l’oligarchie financière, qui sont les acteurs de la mondialisation, doivent délibérément les précariser et les appauvrir. Cette relation de cause à effet entre mondialisation et fragilisation est au cœur du discours de Marine Le Pen. Voilà pourquoi sa voix porte tant. »

La classe moyenne est en train de prendre conscience que l’utilisation des fonds publics pour renflouer les pertes du privé se traduit inévitablement par un accroissement de l’endettement, lequel se traduit à son tour par des mesures de restriction à caractère social de plus en plus sévères. Ces restrictions se traduisent à leur tour par des gels ou baisses de salaires, des bénéfices sociaux, des retraites, etc.

La classe moyenne prend peu à peu conscience que le non-débat se traduit par un monde à deux vitesses. Privatisation des profits et nationalisation des pertes. Bonus somptueux pour les uns et restrictions, sinon coupes, pour les autres. Cette fracture sociale sera au cœur même des débats politiques des prochaines années.

Qui doit payer ? Pour l’instant, le véritable débat de société n’a pas eu lieu. L’idée elle-même ne s’est pas encore véritablement posée de façon structurée. Cette idée cependant fleurira au cours des tensions sociales futures qui ne manqueront pas de s’intensifier. Dans les années à venir, cette idée fera nécessairement son chemin, jusqu’à ce qu’elle trouve le moment propice pour éclore, telle une idée à la recherche de son temps.

Une longue mutation est amorcée. Elle marquera non pas les deux ou trois prochaines années, mais les dix à vingt années qui viennent. Peut-on prévoir le futur et en particulier les dix prochaines années ? La réponse bien entendu est « non ». Peut-on cerner dès aujourd’hui certaines caractéristiques de cette longue mutation ? La réponse est « oui ». Il suffit d’anticiper l’évolution probable des fissures structurelles apparues en 2011.

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Extraits deTondus comme des moutons : La paupérisation des classes moyennes, Buchet-Chastel (2 février 2012)

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