Indignation sélective
La magistrature, offensée par François Hollande : l’incroyable bal des pleureuses et des tartuffes incapables de dénoncer les véritables atteintes à la démocratie
Alors que les magistrats se sont largement indignés des propos informels tenus par François Hollande sur l'institution judiciaire, il peut paraître étonnant de constater un tel écho médiatique à cette "affaire". D'autres violations de l'Etat de droit et non-respects des institutions sont, eux, bien plus graves.
Éric Verhaeghe
Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.
Atlantico : Les propos de François Hollande sur l'institution judiciaire ont suscité une grande levée de boucliers de la part de magistrats indignés de se voir traiter de la sorte par le président de la République. N'est-il pas curieux de voir des propos totalement informels et non-officiels prendre une telle ampleur, alors que d'autres situations de mépris des institutions sont, elles, tout aussi graves sans pour autant déclencher d'emballement médiatique ?
Eric Verhaeghe : Il est en effet assez impressionnant de voir l'emportement extrême des magistrats sur une phrase qui est aussi bénigne, et surtout, il est encore plus impressionnant de voir le Président de la République prendre sa plume pour présenter ses excuses officielles pour avoir tenu des propos informels. Cette affaire prend une tournure tout à fait hallucinante. D'abord, il est incompréhensible de lire chaque mois un nouveau livre de confidences de François Hollande sur son propre quinquennat. A croire que François Hollande a passé plus de temps à commenter son action qu'à agir. Ensuite, il est assez curieux que François Hollande, au lieu de produire une analyse politique en bonne et due forme, au lieu d'agir en cohérence avec ses propos, donne le sentiment de penser le contraire de qu'il dit publiquement, ou de penser le contraire de son action. On peut comprendre que l'autorité judiciaire surréagisse au positionnement de l'exécutif sur son fonctionnement. Ce n'est pas conforme à la séparation des pouvoirs. En même temps, si l'on peut reprocher à Hollande de n'avoir pas compris qu'un président doit s'abstenir de dire tout ce qui lui passe par la tête, la "colère" des magistrats en dit long sur la cécité de ceux-ci face aux dysfonctionnements de la justice française, à qui on peut régulièrement reprocher une faible préoccupation pour les apparences d'impartialité. Dans la tension entre pouvoir exécutif et autorité judiciaire, on croyait avoir tout vu avec Sarkozy, et Hollande prouve qu'on peut toujours aller plus loin.
Quels autres exemples peut-on citer ici de "réel" non-respect des institutions de la part de nos dirigeants politiques ? En quoi ces situations, finalement peu commentées, portent bien plus atteinte aux institutions que le cas précédemment cité ?
François Hollande a gouverné comme il a dirigé le PS, sans grand professionnalisme, et au gré de ses humeurs et de ses affinités électives. Cette espèce d'intimisme dans la prise de décision publique se retrouve aussi dans sa façon d'appréhender son rôle face au gouvernement. Les aveux d'Ayrault sur les relations directes qu'Hollande entretenait avec ses ministres en disent long sur la façon dont il a épuisé ses Premiers ministres et dont il n'a entendu respecter aucune règle de bon sens dans l'exercice du pouvoir. Dans la pratique, la présidentialisation et même l'hyperprésidentialisation du régime porte en germe ces dérives et François Hollande l'a poussée au moins aussi loin que Nicolas Sarkozy. Du coup, la vie institutionnelle est organisée autour de l'attraction exercée par un seul homme tout puissant sur le cours des décisions. Contrairement à ce qu'il avait promis avec sa petite phrase sur sa présidence normale, Hollande n'a donc pas changé les règles du jeu. Il en a profité et a fait un usage capricieux, personnel du pouvoir. L'exemple récemment donné par l'actualité des pressions qu'il exerce pour que la ligne TGV soit prolongée jusqu'à Limoges le prouve. Cette décision est une absurdité économique, la ligne ne sera jamais rentable. Mais par complaisance vis-à-vis de la Corrèze, il impose un choix à rebours de l'intérêt général. Cette attitude est absurde et illustre les dérives d'un régime où le président est élu au suffrage direct.
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