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8 ans de coma suite à une erreur médicale : quand l’hôpital Bichat refuse d’assumer ses responsabilités
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Bonnes feuilles

Le 14 mars 2008, Carole, 35 ans, est prise de violents maux de tête, une semaine après avoir donné naissance à son quatrième enfant. Admise aux urgences de l'hôpital Bichat à Paris, les céphalées s'intensifient. Après une IRM, le neurologue donne une autorisation de sortie. Elle sera rappelée deux jours plus tard. Le temps de l'admission, Carole est terrassée par une hémorragie cérébrale d'une violence inouïe. Elle sombre dans le coma, état dans lequel Carole vit depuis plus de huit ans. Que faire quand médecine et justice sont solidaires au mépris des faits ? Extrait de "La vérité pour ma fille", de Bernard Elhaik, aux éditions Michalon 2/2

Bernard Elhaik

Bernard Elhaik

Bernard Elhaik, 68 ans, est docteur en chirurgie dentaire à Pierrefitte-sur-Seine. Il est le père de Carole, dans le coma depuis huit ans.

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« Ça va saigner ! Ça va saigner ! »

– Bernard, Bernard, viens vite voir ce que je viens de recevoir !

Thierry Salabi, avec qui je partage mon cabinet médical, fonce vers moi en agitant nerveusement plusieurs fax ; les documents portent le sceau de l’hôpital Bichat. Mon gendre Daniel avait entamé une procédure de perte de chance(5) et avait donc demandé des documents concernant la maladie de Carole. Thierry tient entre les mains les comptes-rendus d’hospitalisation, ainsi que ceux des analyses sanguines, des scanners et de la ponction lombaire du 14 mars, et des IRM du samedi 15 et du lundi 17 mars. Toutes les questions que je me posais depuis des mois trouvent en partie leurs réponses dans ces quelques feuilles ! 

Recevoir par hasard ces documents est une chance inespérée de comprendre ce qui s’est passé.

Nous sommes le 11  février 2009 et onze mois après l’accident cérébral de Carole, je découvre avec stupeur que les médecins ont laissé sortir Carole avec une hémorragie méningée, puis que dans la nuit de vendredi à samedi, alors que le risque hémorragique n’était pas écarté, du Profénid, totalement contreindiqué en cas d’hémorragie cérébrale avérée ou supposée, lui a été administré en perfusion !

A lire aussi sur notre site : Comment Carole, 35 ans, tout juste maman, s'est retrouvée dans le coma et y est toujours depuis huit ans, suite à une erreur médicale

Ma vie bascule encore, c’est comme si Carole tombait une nouvelle fois dans le coma.

Thierry se précipite sur le téléphone pour contacter le service de Marie-Germaine Bousser, à Lariboisière, neurologue spécialiste des accidents vasculaires cérébraux, un ponte en neurologie. J’ai d’ailleurs souvent lu son nom lors de mes recherches. Il joint une de ses assistantes.

– Bonjour, je suis le Dr Salabi, médecin interniste et j’ai une patiente qui fait une angiopathie du postpartum à qui l’on a prescrit du Profenid…

– C’est très grave, il faut nous l’amener vite, car ça va saigner, ça va saigner !

Le compte-rendu d’examen IRM pratiqué le samedi 15  mars 2008 et signé le même jour par le  Dr  Isabelle Klein, révèle l’existence d’anomalies vasculaires correspondant à une angiopathie du postpartum, mais aussi sur les séquences FLAIR (Fluid Attenuated Inversion Recovery, qui améliore dans l’imagerie cérébrale la détection des lésions cérébrales) des images compatibles avec une hémorragie méningée.

Le même jour, le Dr Slaoui attestait exactement le contraire et laissait Carole sortir avec une pathologie neuro-vasculaire, une hémorragie méningée et une prescription de Profenid.

Ce qui faisait d’elle une véritable bombe à retardement !

Je suis sans voix. Alors que j’étais sur le point d’intégrer l’idée que ma fille avait eu une maladie rare, à accepter la fatalité d’un père dont l’enfant aurait pris l’avion qu’il ne devait pas prendre, la vérité se révèle sous son plus mauvais jour.

Le lendemain, le 12 février 2009, je téléphone au service radiologie de Bichat. – Bonjour, je suis le Dr Elhaik, je souhaite parler au Dr Isabelle Klein.

– Un instant, je vous la passe.

– Dr Klein, je suis Bernard Elhaik, le père de Carole Darmon qui est passée dans votre service il y a presque un an…

– Oui, que puis-je faire pour vous ?

– Je tiens d’abord à vous féliciter pour votre diagnostic d’une maladie rare que vous avez parfaitement décrite mais je m’étonne que le Dr Slaoui ne vous ait pas suivie dans votre diagnostic.

– Je me souviens très bien du cas de votre fille et, oui, j’ai effectivement réalisé cet examen, mais je n’avais pas de secrétaire pour rédiger le compte-rendu donc j’ai transmis les clichés au médecin neurologue sans interprétation. L’interprétation a été faite le lundi matin. D’où le coup de téléphone du Dr Slaoui qui venait sans doute de prendre connaissance du compte-rendu.

– Et votre responsabilité alors ?

– …

– Et vous n’avez pas été émue lorsque vous avez vu ma fille le lundi dans le coma ?

– …

– Je vais porter plainte, je vais vous attaquer !

– Bon courage !

Nous raccrochons. Cette phrase provoque un électrochoc en moi, elle sonne comme une déclaration de guerre !

Je change de posture, je suis prêt à me lancer dans une enquête, je ne suis plus seulement que le dentiste scientifique qui cherche à comprendre la maladie de sa fille, ni le père en souffrance, mais un homme déterminé à faire éclater au grand jour la vérité afin que justice soit rendue.

(5) En cas de préjudice, un patient peut saisir le juge dans le but de reconnaître la responsabilité de son praticien et d’obtenir une indemnisation

Extrait de "La vérité pour ma fille", de Bernard Elhaik, publié aux éditions Michalon, octobre 2016. Pour acheter ce livre, cliquez ici

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