"Un président ne devrait pas dire ça"... et un président qui aurait pris la mesure de sa fonction n’aurait jamais dit ça<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
"Un président ne devrait pas dire ça"... et un président qui aurait pris la mesure de sa fonction n’aurait jamais dit ça
©Reuters

Moi Président

Alors que François Hollande reprocherait en privé à Nicolas Sarkozy sa vulgarité, sa grossièreté et son goût pour l'argent, l'inventaire de son propre quinquennat actuel pousse pourtant à croire qu'il a lui-même abaissé la fonction présidentielle à un niveau rarement constaté dans l'histoire de la Vème République.

André Bercoff

André Bercoff est journaliste et écrivain. Il est notamment connu pour ses ouvrages publiés sous les pseudonymes Philippe de Commines et Caton.

Il est l'auteur de La chasse au Sarko (Rocher, 2011), Qui choisir (First editions, 2012), de Moi, Président (First editions, 2013) et dernièrement Bernard Tapie, Marine Le Pen, la France et moi : Chronique d'une implosion (First editions, 2014).

Voir la bio »

Atlantico : Suite à une longue série d'entretiens, les journalistes Gérard Davet et Fabrice Lhomme révèlent que François Hollande reprocherait à Nicolas Sarkozy sa vulgarité, sa grossièreté et son goût pour l'argent. N'y a-t-il pas une certaine hypocrisie de la part d'un François Hollande reprochant à son prédécesseur d'abaisser la fonction présidentielle, quand on regarde le bilan de ce quinquennat ?

André Bercoff : Je crois que tout cela va même au-delà de l'hypocrisie. Il ne faut d'ailleurs pas s'arrêter aux confessions recueillies par Gérard Davet et Fabrice Lhomme. Ce livre à paraître n'est que le dernier épisode de conversations absolument marathoniennes avec des journalistes. Rappelez-vous déjà Karim Rissouli et Antonin André, ainsi que toutes les interviews données (encore ce mercredi, plus de 10 pages dans Le Nouvel Observateur…). Et d'autres livres vont bientôt sortir, sur la base d'entretiens spécifiques avec François Hollande.

En réalité, il reproche à Nicolas Sarkozy – qui a eu ses défauts et ses qualités – ce qu'il fait lui-même avec beaucoup de délice : être non pas un Président, mais le commentateur assidu de sa propre action et de sa propre inaction. On n'a jamais vu un président de la République être à ce point son propre chroniqueur. Quand je dis que cela va au-delà de l'hypocrisie, je souligne simplement qu'il s'est investi dans le commentaire beaucoup plus que dans l'action, et forcément cela se voit.

Quels sont les évènements marquants du quinquennat Hollande qui ont contribué, eux aussi, à abaisser quelque part la fonction présidentielle ?

Tout d'abord, il faut tout de même rappeler les éléments à mettre au crédit de François Hollande, et je pense notamment ici au Mali, où il fallait selon moi intervenir. Cette décision honore plutôt la présidence de la République française.

Mais pour moi, l'épisode Leonarda a vraiment montré qu'il n'habitait pas la fonction (c'est le moins que l'on puisse dire). Vous aviez à gauche François Hollande et à droite Leonarda, François Hollande affirmant que Leonarda pouvait rester en France mais sans sa famille, et Leonarda ne voulant être en France qu'en compagnie de sa famille. Cet épisode aurait dû être traité au mieux par le sous-préfet de la région, mais il a été traité par le président de la République avec Leonarda en chef de l'opposition. On a vu à cette occasion qu'il se passait quelque chose. Je ne comprends pas comment cet homme – loin d'être idiot au demeurant – n'a pas pris la mesure de cette espèce d'opérette. Cela a été un vrai tournant.

On pourrait ensuite évoquer les sans-dents, les sorties de l'Élysée en scooter, les interviews à Yann Barthès, ses femmes, etc., mais l'affaire Leonarda a vraiment été le plus spectaculaire aveu du niveau auquel il se mettait. Imaginez-vous une seule seconde Charles De Gaulle, François Mitterrand, Georges Pompidou ou même Jacques Chirac se mettre dans une telle position ?

Pour François Hollande, il faut se montrer, parler, et ce du matin au soir… Nicolas Sarkozy le faisait aussi, mais François Hollande a développé cela pour atteindre finalement une présidence qui n'est que communication, messages et flux continus. On ne voit plus la fonction présidentielle, on ne voit plus qu'un homme qui s'agite. C'est quand même un peu triste.

Le principe-même d'un Président qui se laisse aller à autant de confidences à des journalistes, parfois même à leur domicile, ne révèle-t-il pas également une approche un peu légère de la fonction de président de la République Française ?

Je vous renvoie ici à ce que disait formidablement Jacques Pilhan, conseiller de François Mitterrand puis de Jacques Chirac et inventeur avec Jacques Séguéla de "laforce tranquille". Il développait la théorie selon laquelle un chef ne parle qu'à bon escient et sait aussi utiliser le silence. Particulièrement dans cette période où nous vivons avec les réseaux sociaux, Internet, les chaînes d'info en continu et la surinformation, un chef doit pouvoir garder le silence et ne parler qu'à coup sûr, quand il faut parler.

Nous assistons aujourd'hui à une débauche de temps et d'images qui, accumulées de la sorte, ne veulent plus rien dire. Pour ce qui est de l'abaissement actuel de la fonction présidentielle, je me rappelle d'une phrase magnifique du général De Gaulle parlant d'Albert Lebrun. Il disait : "pour être un chef d'État, encore fallait-il qu'il y eût un chef et qu'il y eût un État". Nous en sommes là aujourd'hui.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !