Trump, Berlusconi et cie : ce qui se joue quand les électeurs s'identifient à des puissants en pleine victimisation<!-- --> | Atlantico.fr
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Donald Trump a parlé au total pendant une minute de plus qu’Hillary Clinton. Cela ne suffit pas à le satisfaire, ni à changer l'impression répandue parmi ses supporteurs selon laquelle il serait un outsider opprimé.
Donald Trump a parlé au total pendant une minute de plus qu’Hillary Clinton. Cela ne suffit pas à le satisfaire, ni à changer l'impression répandue parmi ses supporteurs selon laquelle il serait un outsider opprimé.
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THE DAILY BEAST

Donald Trump jouera éternellement la victime. Comme nombre de dangereux personnages avant lui, il utilise cette posture pour attirer à lui des sympathisants qui craignent de se voir dépossédés de leurs privilèges.

Maajid Nawaz

Maajid Nawaz

Maajid Nawaz est notamment président et cofondateur de Quilliam, un think tank à caractère global s'intéressant aux questions d'intégration, de citoyenneté et d'identité, de liberté religieuse, d'extrémisme et d'immigration. 

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Copyright The Daily Beast - Maajid Nawaz

Londres – Lors du second débat de la campagne présidentielle américaine, Donald Trump s’est à nouveau plaint d’être une victime. A un certain moment, il s’est même plaint d’être seul contre trois, suggérant que les deux animateurs et Hillary Clinton s’étaient ligués contre lui et ne le laissaient pas parler.

Mais en réalité, avec 40 minutes 10 contre 39 minutes 05, Donald Trump a parlé au total pendant une minute de plus qu’Hillary Clinton. Mais cela ne suffit pas à le satisfaire, ni à changer l'impression répandue parmi ses supporteurs selon laquelle il serait un outsider opprimé tandis que Hillary Clinton et son équipe de campagne seraient les "oppresseurs".

Et bien qu’il fasse partie des hommes les plus riches des Etats-Unis, né avec une cuillère en argent dans la bouche dans le pays le plus puissant au monde, le message victimaire de Donald Trump résonne dans l’opinion publique.

Dans ces circonstances, personne ne pourrait vous reprocher de vous demander tout haut… "WTF ?" Et… "Est-ce qu’il y croit vraiment lui-même ?"

Je pense qu’il y croit.

Le pouvoir est une des drogues les plus addictives, et l’on doit prendre en compte les symptômes de sevrage de ce toxique parmi les partisans de Donald Trump.

Lorsque les puissants sont rattrapés par le commun des mortels, ils prennent peur. Pétrifiés à l’idée de perdre la déférence qu’ils pensent mériter, ils se font passer pour les opprimés. Habitués à jouir d’un traitement de faveur, ils se sentent soudain discriminés.

Voilà pourquoi, lors des périodes de grands bouleversements sociaux, chaque fois dans l’histoire qu’un groupe de puissants a vu le reste de la société s’élever à son niveau, ses membres se sont fait passer pour des victimes.

Ils se sentent menacés, puis discriminés ; et ils peuvent devenir dangereux. Dans les années suivant la Grande guerre, les Allemands et les Italiens pleuraient la perte de leur statut, ce qui a mené à la Seconde Guerre mondiale. Lorsqu’Abraham Lincoln a aboli l’esclavage, beaucoup au Sud des Etats-Unis se sont sentis victimisés et probablement effrayés. Certains ont répondu avec le Ku Klux Klan, puis avec les lois Jim Crow.

Les misogynes se sont sentis menacés lorsque les femmes ont demandé le droit de vote. Et l’islamisme a émergé après la chute de l’Empire ottoman, alors qu’Arabes et musulmans étaient frappés par une crise d’identité postcoloniale, devenus incapables de suivre le cours du monde tel qu’ils le connaissaient.

Comment est-il possible que Donald Trump, un des hommes les plus puissants des Etats-Unis, puisse se voir comme une victime ? C’est facile. Voilà un homme habitué à agir en toute impunité, au point que, même après que les Central Park Five (les cinq adolescents de Harlem injustement accusés d’avoir violé une jeune femme dans Central Park en 1989, ndlr.) ont été innocentés, il a écrit une tribune pour les attaquer, et a refusé de s’excuser d’en avoir appelé à leur exécution.

Voilà un homme si accoutumé à ne jamais devoir rendre de comptes qu’il s’est senti autorisé à se vanter des agressions sexuelles qu’il a commises auprès de personnes qu’il venait de rencontrer.

Voilà un reliquat du pouvoir si habitué à obtenir ce qu’il veut qu’il ne laisse même pas les faits lui barrer la route (Note : les faits sont réservés aux Mexicains). Ainsi, quand il doit finalement rendre compte de ses actes, justifier ses assertions et défendre ses positions, il se plaint d’être victimisé.

Donald Trum est le cry-bully (ou "tyran pleurnicheur") typique, tellement habitué à ce que tout tourne autour de lui que lui seul mériterait le statut de victime. La douleur de personne d’autre n’importe, à moins bien sûr qu’elle puisse être utilisée pour leur apprendre à quel point il a souffert, lui aussi.

Originaire du 16ème siècle, le mot "bully" était un terme affectueux désignant l’amoureux, ou boel en néerlandais, et le frère, ou broeder."Bully" a ensuite évolué pour devenir une formule de salutation adressée à un ami de sexe masculin aimable et galant. Vers le milieu du 17ème siècle, une signification alternative, celle d’"intimidateur des faibles", a commencé à émerger. Les liens entre les origines positives de "bully" et ses connotations aujourd’hui presque universellement péjoratives de "persécuteur des faibles" ne sont pas difficiles à imaginer. Cet "ami homme" fougueux s’est probablement laissé aller à des discussions un peu trop "aimables" dans les vestiaires.

Tout comme l’étymologie de ce mot, les "bullies" ont bouclé la boucle, accomplissant une révolution complète, et passant de la posture du fort martyrisant le faible à celle du fort se plaignant d’être martyrisé ; en d’autres termes, se plaignant d’être tenu responsable.

Le désir compréhensible d’abandonner notre culture péremptoire du politiquement correct n’est pas une excuse. Comme "Le Donald" le démontre trop souvent, il est possible d’être politiquement incorrect tout en ayant faux sur toute la ligne, dans les faits.

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