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La baisse d’impôt est beaucoup moins urgente que la baisse des dépenses publiques
©Reuters

Front de bagarre

Tous les candidats à la primaire de la droite promettent des baisses d’impôts. Or, ce dont l’économie a besoin en urgence c’est d'une baisse massive des dépenses publiques.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Le débat sur le montant de la dépense publique restera très marginal. Les candidats à la présidentielle préfèrent offrir des baisses d’impôts, plutôt que de se livrer à une refonte globale des dépenses publiques et sociales qui sont pourtant au centre du problème français.

Politiquement, les candidats qui cherchent à être élus ont sans doute raison. La promesse de baisse d’impôts est sans doute plus payante, même si la majorité des contribuables ne paient pas, ou très peu, d’impôts sur le revenu et très peu d’entre eux paient l’impôt sur la fortune.

La moitié des contribuables ne paie pas l'impôt sur le revenu et 80 % de l’impôt est payé par moins de 20% des contribuables.  

Baisser les impôts pour un homme politique c’est faire croire qu’il peut offrir un cadeau à tous les électeurs. Les contribuables très faiblement imposés eux-mêmes sont content de savoir que les impôts vont baisser. Alors que dans la réalité, ils n’en profitent guère... !

La baisse d’impôt sera d’autant plus symbolique que les hommes politiques ne toucheront pas à la TVA, pas à la CSG, et personne ne pourra modifier très rapidement les fiscalités locales que tout le monde paie puisque ça dépend aussi des élus locaux.

En fait, s’ils préfèrent braquer les discours politiques sur la baisse des impôts, c’est bien parce que la baisse des dépenses publiques serait très mal vécue et très mal perçue par la plus grande partie des électeurs.

Toucher aux dépenses publiques, c’est ouvrir un front de bagarre avec les syndicats de l’Education nationale, avec tous les syndicats qui cogèrent les systèmes sociaux, avec tous les militants qui ont sacralisé la fonction publique et les entreprises publiques dans notre pays.

La baisse des dépenses publiques nécessiterait une réforme globale de l'organisation de l'Etat, une redéfinition de ses fonctions et de son périmètre d’action.

Sans ramener l’Etat aux fonctions régaliennes (faut pas rêver), toute réforme de la dépense publique entrainerait un débat sur le système de santé, et même tout le système de protection sociale, sans parler des transports avec la SNCF, de l’aéronautique etc.

Dans la mesure où 95 % des dépenses publiques sont des dépenses de fonctionnement, et principalement des salaires, prévoir de baisser les dépenses publiques, c’est prévoir de toucher aux salaires de la fonction publique, et de toucher aux statuts des personnels.

Aucun homme politique n‘aura la légitimité pour ouvrir un tel chantier. Les risques de blocage (au mieux) ou de guerre civile (au pire) sont évidents.

Jusqu’alors, tous les changements ont été tentés à la marge, et n'ont finalement rien bougé des équilibres macro-économiques et rien engendrer comme bénéfice à moyen terme pour le système.

Or la clef de la reprise est pourtant dans le reflux de la dépense publique. Pas pour des raisons bassement comptables. La maitrise des déficits est importante certes, mais la capacité à investir dans des entreprises de marché de façon à créer de la valeur et de l’activité l’est beaucoup plus.

Tout euro dépensé en moins dans le public le sera mécaniquement en plus dans le privé. D’un côté, on évite une dépense de fonctionnement, de l’autre on gagne une dépense d’investissement correspondant à un besoin de marché.

Cette semaine par exemple, l’Etat a pris la décision la plus aberrante qu’il pouvait prendre pour sauver Alsthom. L’Etat a engagé 500 millions de fonds publics pour acheter des rames de TGV et des locomotives qui resteront dans un parking car le pays n’en a pas l’utilité. 

Ces 500 millions sont perdus. Il aurait mieux valu les distribuer directement aux salariés ou les investir dans des startups avec par exemple une forte incitation à s’installer à Belfort, pour que le site de Belfort en profite. Mais, c’était sans doute trop compliqué intellectuellement à concevoir.

Fermer les robinets de l’argent public revient à obliger les agents de l’économie de marché à s’activer et à investir.

Mais là où c’est difficile pour un politique, c’est qu’il ne doit pas seulement gérer les conséquences sociales de la baisse des dépenses publiques, il doit aussi préparer tout un écosystème favorable pour susciter l’émergence des initiatives privés.

Il ne s’agit pas seulement pour le pouvoir politique d’organiser des baisses de charges, de multiplier par deux ou par trois les CICE dont on voit bien qu'ils n’ont que des effets limités. Il ne s’agit pas seulement de gagner en compétitivité par la baisse des coûts, il s’agit aussi de gagner des marchés, de l’activité, des richesses avec tous les outils de la compétitivité hors coût.

L'erreur qui a hypothéqué la performance du CICE, c’est qu'il a été mal ciblé. On ne pouvait pas à la fois viser l’investissement et l’emploi. On a raté les deux cibles. Mais ce n’est pas tout, il aurait fallu accompagner le CICE de vraies réformes de structure.  

Si on a pendant longtemps acheté des voitures allemandes plutôt que des voitures françaises, ça n’est certainement pas parce qu’elles étaient moins chères. On a acheté des voitures allemandes parce qu'elle étaient de meilleure qualité.

Les choses sont en train de changer parce que les constructeurs ont fait un effort sur les coûts (accord de compétitivité) mais aussi des efforts sur la qualité du produit. Ces efforts ont nécessité beaucoup d’investissement.

Notre écosystème n’est pas formaté ni construit pour entrainer des offres produits compétitives hors coût.

Le hors coût commande des efforts de formulation importants. L'offre hors coût a besoin de célébrer le talent, l'imagination, les idées. Ça n’est pas le créneau privilégié par le système français aujourd'hui.

La Californie ou la City à Londres protègent beaucoup mieux les talents, l’imagination, les ambitions individuelles que la France.

Cette compétitivité-là est importante. La France découvre actuellement que les secteurs les plus puissants de l’économie française ne sont plus l’aéronautique avec Airbus, l’armement avec Dassault, ou l’automobile ... les deux secteurs les plus créateurs de richesses, d’emplois et de devises, sont le tourisme et l’industrie du luxe avec pour navire amiral, la mode.

Ces deux secteurs fonctionnent sans aucune subvention, ni baisses d’impôts ou assistance quelconque... ils fonctionnent grâce à l’énergie et au dynamisme de quelques entrepreneurs. Ils rapportent plus à l'économie française et plus d'emplois très bien rémunérés, que les deux grands constructeurs automobile et les industries aéronautiques réunis. Ils pèsent aussi plus lourds que l'agriculture.

Or ce sont des secteurs où l’Etat ne rentre pas, et même dont l’Etat s’est toujours tenu très à l'écart. D’ailleurs, les hommes politiques formés à l'ENA n’ont jamais pris au sérieux les industriels du tourisme, de la mode ou du luxe. Les industriels du luxe ou du tourisme se sont parfois plaints d’être ignorés du pouvoir politique.

Compte tenu de ce qui se passe quand l’Etat intervient, cette indifférence un peu arrogante du pouvoir politique a peut-être été pour ces deux secteurs une aubaine.

Les baisses d’impôts obsèdent les hommes politiques, la forme et la solidité de la baisse des dépenses publique et le retrait de l’Etat devraient les préoccuper davantage. 

Parions que les Français, s’il en avaient le choix, préfèreraient travailler chez Dior parfum, dans un hôtel Sofitel ou au club Med, plutôt qu'à la SNCF ou a l'hôpital.

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