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La destruction d'Alep par la Russie et par les forces du régime al-Assad ne laissera que des extrémistes sur le champ de ruines
©Reuters

Politique du pire en Syrie

En faisant une campagne de bombardements intensifs, y compris sur les hôpitaux, la Russie et le régime d’Assad s’assurent de la destruction d’Alep et de toutes les factions modérées appuyées par les Etats-Unis.

Nancy A. Youssef

Nancy A. Youssef

Nancy A. Youssef est une journaliste égypto-américaine. Elle est correspondante pour The Daily Beast.

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Nancy A. Youssef. The Daily Beast.

Les Etats-Unis sont à court de solutions pour arrêter le régime d’Assad et la Russie à Alep, dans l’est de la Syrie. Les officiels américains le concèdent et ils craignent que les rebelles soutenus puis abandonnés par les Américains ne se tournent de plus en plus vers les groupes djihadistes comme Al Qaida pour être sous leur protection.

De plus, deux officiels américains ont révélé au Daily Beast qu’ils craignent que la défaite des rebelles dans la plus grande ville de Syrie pourrait affaiblir la position des groupes rebelles pro-américains dans d’autres régions comme celles d’Idlib, Hama ou Latakia. La chute des régions à l’est d’Alep, tenues par les rebelles, se traduira non seulement par un renforcement des positions du régime d’Assad, mais aussi des groupes terroristes radicaux, car c’est la dernière force d’opposition encore debout. Le destin d’Alep pour être le tournant de cette guerre civile longue de 5 ans. « Les rebelles jouaient le jeu de la coalition jusqu’à présent. Mais combien de temps peuvent-ils tenir contre une attaque russe ? » se demandait un officiel américain un peu affolé. Si cela arrive, ça validera la thèse russe longtemps soutenue selon laquelle les rebelles syriens soutenus par les États-Unis ne sont pas modérés mais plutôt des extrémistes qui ne cherchent qu’à détruire la Syrie. Pousser ces groupes dans les bras d’autres groupes plus radicaux est peut-être même l’objectif derrière la sauvage attaque sur Alep de la semaine dernière. Celle-ci avait été lancée juste après la rupture du cessez-le-feu. Les Russes et le régime syrien utilisent «  des tactiques brutales pour radicaliser la partie adverse. Cela semble être fait exprès, et même pas juste une conséquence » analyse Daveed Garstenstein-Ross, de la Fondation de défense pour les démocraties, un think tank basé à Washington.

« C’est de la propagande russe qui s'auto-réalise » dit un officiel américain. Les officiels américains pensent que le régime Assad et les Russes vont utiliser des bombes perforantes dont le but est de transpercer des cibles comme les bunkers par exemple, mais aussi des bombes incendiaires et des armes chimiques, en ciblant des hôpitaux, les humanitaires et les stocks de vivres en eau et nourriture. D’après l’Observatoire Syrien des Droits de l’Homme, environ 10 000 civils ont été tués par les frappes aériennes russes faites pour le compte du régime d’Assad depuis le 30 septembre 2015. Une intervention qui a fondamentalement changé le cours de la guerre en faveur du régime syrien. D’après l’Organisation Mondiale de la Santé, au 30 septembre 2016, il y a eu 30 338 morts dans l’est d’Alep, y compris 106 enfants. « La situation est vraiment insondable » a déclaré Rick Bernnan, directeur de la gestion des risques à l’organisation Mondiale de la Santé, dans un communiqué publié depuis Genève vendredi dernier. Les autorités américaines pensent que des milliers de soldats du régime Assad sont entrés dans Alep et ont commencé un 'nettoyage' rue par rue des quartiers détruits de l’est d’Alep. Il y a des informations contradictoires sur les régions désormais tenues par le régime. Une source du gouvernement syrien a déclaré à Reuters que ses troupes avaient pris possession de plusieurs bâtiments gouvernementaux vendredi dernier, dans des quartiers d4Alep comme Suleiman Al Halabi. Les rebelles affirment que ces soldats sont partis depuis. Dimanche, l’armée syrienne a donné l’ordre à l’opposition de quitter les lieux en proposant de garantir la sécurité de ses soldats pendant qu'il quittent la ville. Les autorités américaines estiment qu’il y a des milliers de rebelles dans et aux environs d’Alep. Mais des armes dont disposent les rebelles, comme les missiles TOW et les AK-47, ne sont d’aucune utilité face à des frappes aériennes. Jeudi dernier, des officiels américains ont commencé à dire pour la première fois que la ville pourrait tomber dans les mains du régime d’ici quelques semaines. Ils ont invoqué les attaques sur les réserves de nourritures et d’eau et les frappes aériennes sur les deux plus grands hôpitaux d’Alep mercredi dernier. Frappes attribuées aux forces russes et / ou syriennes. « On peut vivre sans grand chose, mais on ne peut pas vivre sans eau » a déclaré un responsable de la défense américaine au Daily Beast.

Ceux qui défendent les rebelles disent que si ceux-ci avaient voulu rejoindre Al Qaida à Alep, ils l’auraient fait il y a longtemps et qu’il ya donc peu de risques qu’ils le fassent maintenant. Mais Jennifer Cafarella, une experte auprès de l’Institut de l’étude des guerres à Washington note que les rebelles pourraient se tourner vers d’autres groupes tout aussi radicaux qu’Al Qaida pour du soutien. Des groupes comme Ahrar Al Sham, un groupe salafiste djihadiste. « Il y désormais un éventail très large de factions en Syrie » explique Jennifer Cafarella au Daily Beast. Cela étant dit, la défaite des forces modérées à Alep aurait pour effet « de changer radicalement le visage de toute l’opposition dorénavant » dit-elle. Les Russes affirment qu’il n’y a pas vraiment d’opposition modérée, mais que les Etats-Unis s’appuient sur des éléments djihadistes pour soutenir un petit groupe de modérés. Des groupes comme Jabhat Fateh Al-Sham, auparavant connu sous le nom de Jabhat Al Nusra la fameuse filière d’Al Qaida dans la région. Durant les négociations de cessez-le-feu il y a deux semaines, les Etats-Unis avaient « solennellement promis de considérer comme prioritaire la séparation entre Al Nusra et le reste de l’opposition » a déclaré le ministre des Affaire étrangère Serguey Lavrov à la BBC, vendredi dernier. « Malgré des promesses répétées, ils ne veulent pas ou ne peuvent pas le faire et nous avons de plus en plus de raisons de croire que le plan initial était de protéger Al Nusra et le garder au chaud au cas où, ou bien dans un second temps, lorsque sera venu le moment de changer de régime » a déclaré Lavrov à la BBC.

Les autorités américaines étudient désormais des scénarios pour l’est d’Alep, au vu des bombardements en cours et de la rupture des négociations de cessez-le-feu entre les Russes et le Département d’Etat américain. Mais ces discussion ont lieu pour l’instant à des échelons hiérarchiques assez bas, et avec chaque jour davantage de bombardements russes, les options s’amenuisent, admet un officiel américain. Il reste au moins encore une option sur la table. Ash Carter, le Secrétaire d’Etat à la Défense et le général de Marine Joseph Dunford, président du commandement unifié des forces armées américaines, ont résisté à la tentation de l’escalade militaire, précisant que la campagne américaine devrait se concentrer sur la défaite de Daech. L’administration américaine est d’accord sur cette analyse. «  Au bout du compte, il y aura toujours des crises dans le monde mais qui ne toucheront pas directement notre sécurité. Là où nous aurons besoin d’aider, nous aiderons, mais envoyer plus de troupes ne sera pas la solution »a déclaré Barack Obama à Jake Trapper de CNN lors d’une cérémonie avec des militaires américains et leurs familles, mercredi dernier. Le résultat est que les différentes agences gouvernementales américaines sont très divisées sur les choix américains dans l’est d’Alep. La CIA surtout, car elle a beaucoup travaillé pour identifier, former et armer des groupes d’oppositions pro-américains. « Si l’est d’Alep tombe, ça sera un revers majeur pour dire les choses pudiquement » a conclu un autre officiel américain.

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