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Après l'illettrisme, comment détecter et soigner l'illectronisme
©Reuters

Cours de geek

De trop nombreuses personnes en France se retrouvent démunies par rapport aux outils numériques et à leur place toujours plus grandissante dans nos vies. L'illectronisme (le manque de connaissance ou d'accès aux outils numériques) toucherait près de 10 millions de personnes en France, ce qui a des conséquences sur l'accès à des infrastructures de plus en plus dématérialisées.

Julien Coclet

Julien Coclet

Julien Coclet est psychologue, spécialisé en communication homme-machine, et directeur de l'association Urban Prod, à Marseille. Cette dernière porte des actions de médiation numérique à destination de tous les publics et en particulier des plus exclus. Urban Prod a récemment ouvert un lieu en plein coeur de Marseille, le MarsMédialab, véritable lieu d'expérimentation, d'animation et de productions autour des humanités numériques, rassemblant plus de 50 professionnels, issus des métiers du numérique, du social et des arts. Il est vice-président de l'association A.R.S.E.N.I.C. PACA qui fédère un maximum d'acteurs de la médiation numérique en France.

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Atlantico : Selon le ministère de la Recherche et de l’Economie numérique, 15% de la population française serait touchée par "l'illectronisme". En quoi consiste "l'illectronisme" exactement ?

Julien Coclet : Je définirais l'illectronisme comme le fait de ne pas être suffisamment outillé pour comprendre ou avoir accès aux ressources numériques et à toutes les possibilités qui sont offertes par le développement du Web et du numérique. On peut comparer cela au phénomène de l'illettrisme. L'illectronisme est au numérique ce que l'illettrisme est au savoir de base, notamment en français et en mathématiques. Il se traduit par un manque d'accès identique aux usages des ressources d'Internet.

Y a-t-il des catégories de personnes plus frappées que d'autres par "l'illectronisme" ? En quoi l'illectronisme peut-il s'avérer handicapant pour les personnes qui en sont sujettes ?

Si l'on cible les publics qui sont dans une difficulté sociale, comme les bénéficiaires du RMI ou d'autres catégories de personnes, on constate qu'il y a des difficultés pour s'équiper ou avoir accès à l'outil. Cela reste un frein chez certaines personnes. Il existe une vraie disparité sur comment utiliser l'outil et comment accéder à ces démarches personnelles qui sont de plus en plus dématérialisées. On pense notamment aux demandeurs d'emplois et aux premières inscriptions qui se font via les sites Internet et qui existent de moins en moins de façon physique. On pense également à des procédures de la caisse d'allocation familiale qui nécessitent d'avoir un accès à Internet et de comprendre comment fonctionne le site pour savoir comment on se renseigne pour pouvoir bénéficier des prestations. Sur ces points-là, il y a des enjeux cruciaux.

On constate également une forte disparité chez les personnes âgées par rapport aux plus jeunes qui ont pu développer leurs connaissances dans leur parcours scolaire et qui s'en servent dans leur vie de tous les jours. C'est handicapant dans la mesure où nous n'avons pas un accès égal à l'information par exemple. Il y a un travail d'éducation aux médias qui n'est pas le même avec l'avènement des outils numériques et d'Internet. Il est devenu très facile d'accéder à l'information, mais pour les personnes qui n'ont pas ces compétences numériques de base, elles vont se retrouver plus handicapées que les autres qui manipulent ces outils-là.

Comment et par quels moyens, selon vous, est-il possible de repérer et de lutter contre l'illectronisme ?

Nous sommes convaincus qu'il y a un besoin de lieux de médiations numériques – autrement dit des espaces physiques  dans lesquels on va pouvoir fournir des accompagnements individuels ou collectifs sur les cultures et les usages du numérique. Pour nous, il est important qu'il y ait toujours une politique publique de soutien à ces lieux de médiations numériques qui se fédèrent peu à peu à l'échelle nationale pour reconnaître un besoin d'acculturer le plus grand nombre sur cette transition numérique. Celle-ci implique que le numérique vient bousculer tous les aspects de notre vie, que ce soit au niveau professionnel ou personnel. L'anthropologue des usages Pascal Plantard n'hésite pas à dire que le numérique est un fait social total et qu'il est nécessaire d'accompagner le plus possible le public dans cette transition, voir cette révolution.

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