Elizabeth II ou le génie du mutisme politique (mais qui voterait Bayrou en France)<!-- --> | Atlantico.fr
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La Reine d'Angleterre a célébré lundi 6 février son jubilé de diamant.
La Reine d'Angleterre a célébré lundi 6 février son jubilé de diamant.
©Reuters

Royal Motus

La Reine d'Angleterre a célébré lundi 6 février son jubilé de diamant. Après 60 ans de règne, les Britanniques tiennent à leur figure unificatrice. Mais que représente-t-elle vraiment politiquement ?

Marc Roche

Marc Roche

Marc Roche a été journaliste au Soir, au Quotidien de Paris et au Point, avant de rejoindre l'équipe du Monde. Il publie également dans des journaux britanniques (The Independant, The Guardian) et participe à l'émission Dateline London de la BBC News. Ses écrits concernent principalement les institutions financières (Goldman Sachs) et la monarchie britannique.

Il est notamment l'auteur de Elizabeth II : Une vie, un règne et Elizabeth II : La dernière reine aux éditions La table ronde.

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Atlantico : Comment les 85 ans de vie et 60 de règne de la Reine sont-ils perçus par les britanniques ?

Marc Roche : Les britanniques sont très contents d’avoir ce jubilé de diamant. Cela renforce l’année de l’Angleterre, 2012, avec les Jeux olympiques. L’Angleterre et le Royaume-Uni vont être à l’affiche partout. Par ailleurs, le Royaume-Uni se rend compte que la monarchie est un point fixe dans la tourmente. Alors que le pays traverse une grave crise économique, voire une crise d’austérité, la monarchie apporte un peu de glamour et de paillettes. La Reine y joue un rôle particulier.

La Reine est donc une figure rassurante, de stabilité ?

En ce temps où le pays est divisé par la politique gouvernementale, par la situation internationale, l’Europe, la zone euro, la crise au Proche-Orient, la Reine apparait comme une personnalité rassurante. Cet aspect est renforcé par le fait qu’elle n’est jamais intervenue dans le champ politique. Elle s’attache à rassembler au moment où le pays est fragilisé.

Il n'y a aucun débat sur son âge, ses capacités à représenter son pays ?

Non car son serment de couronnement de 1953 est un serment religieux. Même si on oublie souvent cet aspect en France, la Reine est non seulement une femme croyante,  mais surtout le chef de l’Eglise anglicane. Elle considère sa mission comme divine, c’est pourquoi elle ira donc jusqu’au bout. Elle refuse d’autant plus l’abdication qu’elle considère que celle d’Edouard VII –justifié par son souhait d’épouser Mme Wallis – a indirectement causé la mort de son père adoré (et précipité son accession au trône alors qu’elle était alors non préparée à l’exercice de cette fonction).

L’Etat de santé, de fatigue de la Reine n’est donc pas du tout un enjeu de communication pour Buckingham ? Ce n’est pas un sujet de préoccupation pour les Britanniques ?

Ce n’est pas un enjeu en tant que tel mais il est vrai que le programme de la Reine et de son époux a été allégé depuis quelque temps. C’est le Prince Charles, héritier du Royaume, qui reprend désormais, les fonctions de représentation les plus fatigantes. La Reine Elizabeth demeure néanmoins le chef de l’Etat et personne ne conteste qu’à 85 ans, elle dispose encore de toutes ses capacités. Il est toutefois clair qu’au dur et à mesure des années, elle laissera de plus en plus de prérogatives à Charles, qui n’accèdera au pouvoir qu’à la mort de sa mère.

Quelles sont les attentes des Britanniques vis-à-vis du jubilé ? Est-ce un moment d’unité nationale ?

C’est un moment beaucoup plus important que le mariage de Kate et William qui  était un mariage, d’un épiphénomène. Il s’agit ici d’une date historique. Les jubilés ont  toujours suscité un véritable intérêt populaire, c’est un moment de fête. Et les Britanniques ont besoin d’un tel moment pour se changer des problèmes économiques que connait le royaume. Le défilé naval, le parcours en carrosse, l’allumage de  2212 flambeaux rappelant l’invincible armada seront une grande fête.

Le rôle de la Reine est davantage un rôle d’unité plus que de représentant de son pays, de chef d’Etat ?

La Reine fait de plus en plus figure de dernier rempart, d’unité du pays. Il y a des forces centrifuges au sein du royaume, des velléités d’indépendance : on pense à l’Irlande du Nord où la poussée démographique catholique poussera probablement à une réunification. Face à ces poussées qui inquiètent les Anglais, la Reine est figure d’unité nationale et ce d’autant plus qu’elle ne s’est jamais mêlée de politique. On lui prête des idées de centre droit : disons que si elle votait en France, elle voterait pour François Bayrou.

Par ailleurs, cette image d’unité dépasse la simple Angleterre : les Gallois reconnaissent toujours la Reine comme leur chef d’Etat. Sans doute en Irlande, en cas de réunification, il y a aura un chef d’Etat dual : un président de la république et la Reine. Elle est également reconnue ainsi par les pays du Commonwealth, notamment les « gros morceaux » que sont le Canada, l’Australie ou la Nouvelle Zélande, des îles des Antilles. C’est donc une  figure d’unité nationale mais aussi internationale : grâce au la Reine et au Commonwealth le Royaume Uni est placé  dans une catégorie supérieure à son poids.

Propos recueillis par Camille Rivière

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