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"Les imams qui font de la politique portent préjudice à l'image des musulmans"
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Imam Hammami expulsé

Le dossier de l''imam Hammami, l'un des piliers du mouvement tabligh est examiné par la commission d'expulsion ce mardi. Le ministère de l'intérieur lui reproche des propos à caractère antisémite et des encouragements à «fouetter à mort» les femmes adultères. La réaction du Président de la mosquée de Tours.

Salah  Merabti

Salah Merabti

Salah Merabti est le président de la communauté islamique d'Indre-et-Loire et de la mosquée de Tours. 

 

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Atlantico : L’imam tunisien Mohammed Hammami, âgé de 76 ans, a reçu un avis d’expulsion qui arrive à terme. Présenté comme l’un des piliers du mouvement Tabligh, il lui est reproché d’avoir prononcé des prêches antisémites. Êtes-vous surpris par les faits qui sont reprochés à cet imam de la mosquée du XIe arrondissement de Paris ?

Salah Merabti : Je ne connais pas cette mosquée. Quand je viens à Paris, je vais à la Grande Mosquée de Paris. Mais il faut savoir que le Tabligh est un mouvement très fermé. Cependant on peut interpréter ce qui a été dit à l’intérieur de la mosquée de différentes façons. D’une part, il faut savoir que souvent les imams ne sont pas bilingues ; ils ont des interprètes qui traduisent les prêches. Et tout ce qui est traduit est trahi. On parle de sources (qui ont renseigné la police, NDLR). Mais qui a rapporté ? Et comment ? Si le prêche a été prononcé dans le cadre coranique, il a peut-être été mal interprété ? Cela peut arriver. Or il y a différentes façons d’interpréter le Coran, il ne faut pas lire le Coran au premier degré. Il est donc possible qu’il y ait eu un problème d’interprétation.

En revanche, s’il s’agit d’un discours politique, je ne comprendrais pas - c’est inadmissible. Il est interdit aux imams de faire de politique à l’intérieur de la mosquée. En tout cas, nous qui faisons partie de la Grande Mosquée de Paris, il nous est interdit de faire de la politique à l’intérieur ! Je ne suis pas imam, mais en tant que président de la mosquée (de Tours, NDLR), j’ai quand même des responsabilités… Ils doivent faire des prêches coraniques ou de la sunna -la tradition du Prophète- et n’ont pas à aller faire de la politique ou à s’attaquer aux Juifs. Evidemment, dans les textes coraniques,  il y a des passages qui parlent des Juifs ou abordent la relation du Prophète avec le peuple juif. Peut-être y-a-t-il eu des moments où cela s’est mal passé. Mais il y a des choses qu’il faut interpréter. Le Coran, Il faut d’abord savoir le lire entre les lignes et non au premier degré. Il faut donc être prudent lorsqu’on s’adresse à une population qui généralement ne comprend pas l’arabe (comme beaucoup de jeunes). Il faut trouver des interprètes capables de traduire mot pour mot ce qui a été dit.  Il ne faut pas aller vers les excès. L'imam est normalement tenu d’appeler à la paix. L’islam est une religion du « juste milieu » qui doit appeler les gens à vivre ensemble dans la sérénité. On n’est pas là pour allumer le feu.

N’oublions pas qu’en période d’élections les musulmans sont montrés du doigt, on ne peut pas le cacher… Les autorités doivent normalement apaiser le climat, mais comme on a pu le voir avec les récents propos de notre ministre de tutelle, Claude Guéant, qui parle de « civilisations supérieures à d’autres», ce n’est pas le cas. C’est grave.

Vous rappelez que les prêches ne doivent pas être politiques. Existe-t-il des sanctions  contre les imams qui désobéiraient à cette règle ?

Je n’ai, pour ma part,  jamais eu à me plaindre des imams que j’ai employés à la mosquée de Tours, qui venaient de la Mosquée de Paris. Les imams savent en signant leur contrat qu’ils doivent s’en tenir uniquement à la religion et –si possible – appeler à la fraternité. Ce n’est pas le rôle de l’imam de critiquer telle ou telle politique ou les comportements d’une autre confession. Ici, c’est Coran ou sunna. Si un imam déroge à ces règles, je contacte son responsable de la Mosquée de Paris. Il le renverra ou le sanctionnera le cas échéant. Mais sincèrement, ça n’est jamais arrivé depuis 18 ans. Nous avons des imams responsables.

La fédération de la Mosquée de Paris est bien organisée car les présidents se rencontrent et les imams suivent des séminaires. Mais le problème c’est que toutes les mosquées sont indépendantes les unes des autres. Mise à part la Mosquée de Paris qui est plus ou moins organisée, l’islam en France ne forme donc pas un bloc compact. Il existe plusieurs courants : le Tabligh, l’Union des organisations islamiques de France (UOIF), la Grande mosquée de Paris, l’Association des Marocains de France (AMF), les Turcs, les Africains du sud du Sahara, etc.

Et quelle serait votre définition du Tabligh ?

J’ai déjà écouté Mohamed Achamlane (le porte-parole du groupuscule islamiste Forsane Alizza récemment dissout). J’ai vu à la télévision cet homme qui porte préjudice aux musulmans. Il montre un mauvais visage des musulmans. Il ne prônait pas un discours de paix. Je l’ai trouvé pitoyable. Je lui ai d’ailleurs envoyé un courrier pour lui dire qu’il était manipulé. Il n’était pas là pour prêcher la paix mais plutôt pour semer la zizanie.

Manipulé par qui ?

Je ne sais pas. On ne sait plus qui fait quoi. Avec la globalisation, on ne sait plus qui influence qui… Plus on est moderne et plus on est dispersé...

Propos recueillis par Antoine de Tournemire

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