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Plus grave que les polémiques sur l'immigration, la question de l'émigration des Français
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Les grenouilles sautent la Manche

Le nombre de Français partis vivre à l'étranger est en hausse vertigineuse. Lettre ouverte de Gaspard Koenig, lui-même installé à Londres et candidat aux législatives dans une circonscription des Français de l’étranger.

Gaspard Koenig

Gaspard Koenig

Gaspard Koenig a fondé en 2013 le think-tank libéral GenerationLibre. Il enseigne la philosophie à Sciences Po Paris. Il a travaillé précédemment au cabinet de Christine Lagarde à Bercy, et à la BERD à Londres. Il est l’auteur de romans et d’essais, et apparaît régulièrement dans les médias, notamment à travers ses chroniques dans Les Echos et l’Opinion. 

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Une révolution silencieuse est en cours. A l’heure où l’on s’intéresse tant aux électeurs, j’aimerais vous parler de ceux qui ont déjà voté – avec leurs pieds. A l’heure où l’on parle beaucoup des dangers de l’immigration, j’aimerais vous parler d’un symptôme bien plus grave : l’émigration.

Le nombre de Français partis vivre à l’étranger est en hausse vertigineuse. En dix ans, il a augmenté de 50 % ; en 2011 seulement, de 6 % - un record. Officiellement, 1,6 million de Français résident hors de France, chiffre qu’il faut au moins multiplier par deux pour prendre en compte tous les Français non-inscrits sur les registres des consulats.

Parmi ces émigrés, les Londoniens, estimés à plus de 300 000, occupent de loin la première place. Ils sont accueillis à bras ouverts. Boris Johnson, le fougueux maire de Londres, s’est ainsi immédiatement saisi du débat sur la taxe Tobin pour inviter les banquiers français à émigrer (encore davantage) de l’autre côté de la Manche. « Si votre propre Président ne veut pas des emplois des opportunités et de la croissance économique que vous créez, nous, nous les prenons », a-t-il déclaré la semaine dernière.

Moi-même, je suis arrivé à Londres il y a près de trois ans. La plupart des compatriotes que je croise pensaient vivre une expérience de quelques mois, et sont finalement restés cinq, dix, vingt ans.Le

Pourquoi cet exil, qui est en train de prendre les proportions de pays en développement où les jeunes les plus dynamiques, les professionnels les plus brillants ne voient de salut que dans la fuite ?

Cessons d’abord de croire que les émigrés sont mus par la seule obsession d’échapper à l’impôt. Contrairement à la rengaine encore lue dans Le Monde daté de ce mardi, « l’exil fiscal » ne touche qu’une poignée d’ultrariches dotés de coûteux avocats fiscalites, qui ne valent guère la peine qu’on s’intéresse à eux. Au Royaume-Uni, pour les 99% de Français qui travaillent, l’imposition est, bon an, mal an, la même qu’en France - voire encore plus sévère, car la tranche supérieure d’imposition y est aujourd’hui plus élevée. 

Tous ces débats sur l’exil fiscal ne servent qu’à masquer une réalité bien plus embarrassante pour notre pays. Car ce que les Français, de tous les milieux et de tous les secteurs viennent chercher à Londres, c’est la liberté. La liberté d’entreprendre, la liberté de tenter sa chance. L’Angleterre, malgré tous ses défauts, est un pays où les entrepreneurs ne croulent pas sous la paperasse, où les business angels sont encouragés, où la concurrence est libre (les minicabs rigolent bien du monopole des taxis parisiens !). Un pays où le marché du travail, flexible, permet à chacun de se lancer quel que soit son diplôme ou son accent, où les serveurs peuvent rapidement devenir managers et les agrégés d’histoire travailler dans la finance. Un pays ouvert sur le monde, où les étudiants étrangers ne sont pas renvoyés dans leur pays, où la « démondialisation » ferait sourire.

Nicolas Sarkozy avait compris, en 2007, cet état d’esprit conquérant, cette envie de prendre des risques, de créer des opportunités nouvelles. En venant prononcer un mémorable discours de campagne à Londres, il avait su trouver les mots pour décrire la « société bloquée » à laquelle nous, Français de Londres, cherchons à échapper. « Revenez ! » nous avait-il lancé.

Nous ne sommes pas revenus. Et il n’osera sans doute pas revenir non plus, car il nous a trahi. Après quelques tentatives de libéralisation vite avortées (comme la Commission Attali), il a rendu la France à sa tradition de dépense publique, de gabegie administrative, de repli sur soi. Il a rendu la politique aux politiciens.

Aujourd’hui, les Français de Londres ont une voix à faire entendre que ni la gauche ni la droite ne sont en mesure de porter. C’est pourquoi j’ai décidé de me lancer dans la campagne législative de la troisième circonscription des Français de l’étranger (Europe du Nord). Je souhaite que dans le concert de réformettes sociales-démocrates que la campagne présidentielle nous promet, l’on entende l’indignation et les regrets de ceux qui sont partis, parce qu’ils n’acceptent pas un système sclérosé, parce qu’ils voudraient tant que notre pays, riche de son histoire, de ses ressources, de ses hommes exceptionnels, puisse retrouver la place qui n’aurait jamais dû cesser d’être la sienne.

NB :  le site de campagne de Gaspard Koenig : cliquer sur ce lien.

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