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Alstom, une fatalité ? 56% des Français pensent, eux, qu'il est possible de conserver une activité industrielle productive en France
©Reuters

Info Atlantico

Selon un sondage exclusif Ifop pour Atlantico, 56% des Français pensent qu'il est possible de conserver une activité industrielle compétitive en France. Pour ce qui est de l'attitude que devrait adopter le gouvernement face au cas Alstom, les Français sont en revanche très divisés.

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

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Atlantico : Quel est selon vous le principal enseignement de ce sondage ?

Jérôme Fourquet : L'affaire d'Alstom fait beaucoup de bruit, elle qui renvoie à des symboles lourds (précédent de Florange, histoire industrielle de Belfort et statut particulier d'Alstom qui est une grande entreprise démantelée en partie en 2014 et possédée à 20% par l'État). Il y a donc des implications politiques évidentes à ce dossier, qui a une résonnance particulière.

A lire également sur notre site : Mondialisation, marchés financiers, politique industrielle : mais que peut véritablement faire un État face à l’économie du XXIe siècle ?

On constate que l'opinion publique est très partagée concernant l'attitude à adopter, comme cela avait déjà été le cas pour d'autres affaires de ce type qui figurent dans cette enquête. L'idée que le gouvernement doive obliger la direction d'Alstom à revenir sur sa décision de fermer le site rassemble 30% des Français, ce qui est un résultat non négligeable mais encore loin de la barre des 50%. À l'inverse, la réponse qui rallie le plus grand nombre de suffrages, c'est celle qui consiste à demander au gouvernement de s'assurer que toutes les solutions du dialogue social ont été explorées ("quitte à fermer, autant le faire dans de bonnes conditions"). Il y a donc une attitude assez résignée de la part de ces Français qui n'attendent pas forcément une solution ferme et autoritaire.

On remarque également que ceux qui prônent le laisser-faire sont très nettement minoritaires (17%), alors qu'une autre frange se prononce pour un accompagnement social des salariés concernés. 15% des Français prônent par ailleurs une aide financière de l'État pour éviter la fermeture du site. L'opinion est donc très fortement divisée et ne réagit pas de manière automatique et massive en faveur d'une reprise en main du gouvernement. Si l'on additionne les deux positions les plus volontaristes (aider financièrement le groupe et obliger la direction à revenir sur la fermeture du site), on obtient 45%. Ce n'est pas loin de la moitié, mais on n'y est quand même pas.

On observe que parmi les Français, les sympathisants du Front national semblent plus pessimistes que les autres sur l'avenir industriel de la France. Cela peut-il confirmer selon vous la thèse selon laquelle le FN serait devenu le parti majoritaire chez les ouvriers ?

Sur cette question, les Français sont divisés mais majoritairement optimistes : 56% pensent qu'il est encore possible de conserver une activité industrielle compétitive dans notre pays. Cette question de la poursuite d'une activité industrielle en France est de nouveau pleinement posée par cette affaire de Belfort-Alstom. 56% de nos concitoyens continuent d'avoir envie d'y croire mais une forte minorité (44%) estiment qu'avec l'accélération de la mondialisation, la France a vocation à voir ses usines filer les unes après les autres vers des pays où le coût de la main-d'œuvre est nettement plus faible.

Pour revenir à votre question, si l'on regarde les résultats en termes de CSP, on remarque que 52% des ouvriers pensent que l'on peut maintenir une activité industrielle en France. C'est moins que les cadres, mais c'est quand même assez parlant. Le prisme sociologique n'est donc pas forcément le plus déterminant sur cette question. Les écarts sont un peu plus marqués en termes de proximité électorale. L'électorat légitimiste du Parti socialiste se dit que tout est encore possible, qu'on peut encore y croire avec le pacte de compétitivité du gouvernement et les autres mesures mises en place. Le Front de Gauche partage cette opinion dans des proportions assez similaires. Cela se complique un peu dans l'électorat de droite. Une partie est décliniste et pessimiste, une autre est également très sceptique sur François Hollande et sa politique. Enfin, ceux chez qui le pessimisme est majoritaire sont à chercher du côté de l'électorat frontiste (44% seulement d'entre eux sont optimistes). En revanche, lier ça à la représentation des ouvriers n'est pas forcément pertinent dans la mesure où les ouvriers eux-mêmes sont 52% à penser qu'il est possible de conserver nos usines en France. Cela renvoie toutefois à la lecture très pessimiste de la situation du pays de la part des électeurs FN et leur inquiétude très sourde face à l'avenir.

La dispersion des Français quant à la priorité qui devrait être celle du gouvernement dans l'affaire Alstom n'illustre-t-elle pas quelque part la complexité de cette situation, et l'absence de solution facile à trouver ?

Tout à fait. Deux grilles de lecture sont possibles : soit les Français sont très divisés, soit il s'agit de sujets très complexes où la formule idéale ne vient pas spontanément. Il est par ailleurs intéressant de constater que la variété des réponses attendues de la part du public ne date pas d'aujourd'hui. Déjà au moment de l'affaire Vilvorde (1997), nous avions des prises de position très différentes. On remarque en revanche que l'idée d'obliger la direction à revenir sur la décision de fermer le site a gagné petit à petit en popularité (21% pour Vilvorde, 23-22% pour Michelin et Danone-Lu, 28% pour PSA et 30% aujourd'hui pour Alstom). L'attente d'une réponse des pouvoirs publics est en progression.

Le cas Alstom nous indique aussi qu'il y a un effet d'accumulation en ce qui concerne les très grands groupes. Les années passant, les Français se disent qu'ils ont déjà vu ce genre de scénarios et qu'il faut peut-être à un moment donné arrêter la série noire et faire quelque chose si l'on veut garder nos usines. Avec la situation des grandes entreprises qui ont défrayé la chronique, plus celles plus petites au niveau plus local, les Français ont le sentiment que la substance industrielle de la France est en train de se perdre ou de s'étioler progressivement. C'est cela qui peut expliquer la plus forte demande d'implication directe, même si – encore une fois – ce n'est pas un sentiment majoritaire.

Un autre élément intéressant est de constater que sur la longue période, nous avons une hausse de la volonté d'une plus grande implication des pouvoirs publics, mais ce n'est pas forcément le cas pour la demande d'aide financière de l'État. Peut-être que les Français ont intériorisé le fait que nous n'avons plus forcément les moyens aujourd'hui pour renflouer ou aider significativement un groupe industriel.

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