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Et Alain Juppé envoya un petit tacle à Bruno Le Maire… Mais au fait, pour quel candidat de droite le chantre du "renouveau" représente-t-il le plus grand danger ?
©Reuters

Caillou dans la chaussure

Alors que les petites phrases se succèdent à droite en cette période de campagne pour la primaire, c'est au tour d'Alain Juppé de cibler subtilement... Bruno Le Maire. En souhaitant incarner le renouveau chez Les Républicains, ce dernier compte bien jouer sa carte jusqu'au bout, lui qui pourrait bien prendre des voix à tous ses principaux concurrents.

Bruno Jeudy

Bruno Jeudy

Bruno Jeudy est rédacteur en chef Politique et Économie chez Paris Match. Spécialiste de la droite, il est notamment le co-auteur du livre Le Coup monté, avec Carole Barjon.

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Atlantico : Alors qu'Alain Juppé a adressé ce mardi une petite pique à Bruno Le Maire et sa proposition de supprimer l'ENA, estimant que cela "revenait àfaire du neuf avec du très vieux", pour quel candidat à la primaire de la droite le député de l'Eure représente-t-il le plus grand danger ?

Bruno Jeudy : Bruno Le Maire est potentiellement un danger pour tous les candidats de la primaire de la droite et du centre, en tous cas pour ce qui est des favoris présumés (Alain Juppé et Nicolas Sarkozy). Premièrement parce que c'est un quadragénaire, et ensuite parce que c'est un nouveau venu dans la catégorie des présidentiables. Enfin, il a déjà réalisé une belle percée à l'occasion de l'élection pour la présidence de l'UMP en 2014, où il a montré en flirtant avec les 30% des qualités de détermination, une capacité à ne pas "avoir peur" de Nicolas Sarkozy et une aptitude à venir troubler l'ordre établi à droite.

Avec son discours qui embrasse un peu toutes les tendances de la droite, il est capable de ratisser assez large.

Il peut prendre des voix à Alain Juppé avec son côté villepino-chiraquien et son parcours d'énarque, et haut fonctionnaire pondéré.

Il peut aussi en prendre à Nicolas Sarkozy car il a plutôt durci son discours depuis le début de la campagne sur les questions régaliennes et son côté anti-mai 68 (discours sur l'éducation, etc.).

Enfin, en matière économique, il concurrence François Fillon même s'il va moins loin que lui dans ses options libérales. Il a un discours un peu plus en rupture avec la doxa classique de l'étatisme économique de droite.

Il représente donc un caillou dans la chaussure d'un peu tout le monde à droite.

Depuis le début de la campagne, Bruno Le Maire prend soin de ne pas s'impliquer dans la lutte que se livrent les deux favoris, Alain Juppé et Nicolas Sarkozy. Alors que son soutien sera sans doute très convoité pour le deuxième tour de la primaire, de quoi dépendra selon vous l'obtention de ce soutien (scores des uns et des autres, positionnements politiques, promesses d'une place de choix en 2017…) ?

Bruno Le Maire axe toute sa campagne sur le thème "j'incarne le renouveau alors que mes concurrents sont des hommes du passé". Il met donc dans le même sac Nicolas Sarkozy (ancien Président), Alain Juppé et François Fillon (anciens Premiers ministres). Il tente de jouer l'homme neuf. Peut-être surjoue-t-il un peu le renouveau, mais cela le conduit à aller assez loin dans la rupture avec ses aînés. Il y a effectivement un petit côté bravache chez lui : il répète qu'il va gagner, il refuse de donner le moindre signe pouvant être interprété comme une inclinaison envers Alain Juppé ou Nicolas Sarkozy, il répète qu'il ne veut pas de poste, etc.

En même temps, Nicolas Sarkozy a déjà plus ou moins "vendu" Matignon à François Baroin, la présidence de l'Assemblée nationale à Christian Jacob et la présidence du parti à Laurent Wauquiez. Il n'a donc plus beaucoup de cartes dans sa manche. Quant à Alain Juppé, il refuse de rentrer dans ce jeu-là et de désigner un Premier ministre, ce qui est peut-être une stratégie plus prudente.

Je pense sincèrement que Bruno Le Maire ne veut aucun poste pour l'instant, pas même celui de Premier ministre. S'il joue quelque chose, c'est plutôt la présidentielle de 2022. Mais forcément, il pèsera lourd dans l'entre-deux-tours, et la logique – on l'a vu avec la primaire socialiste de 2011 – sera d'aller vers celui qui sera le mieux placé pour la victoire. Restera à ce moment-là à trouver un discours compatible avec le futur vainqueur.

Quels sont les principaux écueils que doit désormais éviter Bruno Le Maire dans cette campagne ?

Bruno Le Maire, qui a baissé dans les sondages depuis la rentrée, pense qu'il a sans doute un peu surjoué le coup du renouveau. C'est un bon concept pour démarrer une campagne, mais il nécessite maintenant d'être alimenté par du contenu. Il doit donc moins parler de renouveau et montrer davantage ce qu'il pourrait vraiment faire. C'est la condition sine qua non pour relancer sa campagne à moins de deux mois du scrutin.

Il doit par ailleurs faire attention à ce que le renouveau qu'il met tant en avant ne soit pas finalement incarné par Emmanuel Macron. Même si ce dernier n'est pas candidat à la primaire de la droite, on constate que dans l'opinion c'est peut-être plus l'ancien ministre de l'Économie qui incarne ce renouveau que Bruno Le Maire. Et ce, même si les deux se sont donnés rendez-vous au deuxième tour de la présidentielle lors de leur rencontre impromptue au salon de la coiffure.

Alors qu'ils sont tous deux au coude à coude pour la troisième place de cette primaire dans le dernier sondage Ifop-Fiducial, François Fillon n'est-il pas celui qui aurait le plus à craindre de Bruno Le Maire ? S'il perd sa place de troisième homme, la carrière politique de François Fillon ne subirait-elle pas un grand coup d'arrêt ?

Il est vrai qu'il y a actuellement une âpre bataille pour la troisième place. Bruno Le Maire a pâti d'une rentrée en demi-teinte, sans doute va-t-il donc jouer gros le week-end prochain en réunissant ses amis à Sète. Il recule dans les sondages, il était plutôt 3-4 points au-dessus avant l'été. François Fillon stagne lui aussi aux alentours des 10% et joue sans doute plus gros que son ancien ministre.

Pour lui, c'est la présidentielle ou rien du tout. La carrière d'un homme politique n'est jamais terminée tant qu'il n'a pas lui-même annoncé son retrait, mais un revers au premier tour de la primaire marquerait assurément un échec cuisant pour François Fillon. Il vise la présidentielle, ce n'est un secret pour personne. Il a déjà été à Matignon et a occupé à peu près tous les postes de la République, on ne voit donc pas trop ce qui pourrait encore le motiver à part ça. Il n'est pas dans la même situation que Bruno Le Maire, qui peut attendre le coup suivant ou même celui d'après.

Propos recueillis par Benjamin Jeanjean.

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