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"L’entreprenalisme”, la nouvelle doctrine qui a conquis le Medef et qui pourrait revivifier l'économie française peine à intéresser les politiques
©Reuters

Plus fort que le libéralisme?

Dans son "Manifeste et chantiers de l'entreprenalisme" remis récemment à Pierre Gattaz, Léonidas Kalogeropoulos insiste sur l'engouement des Français pour l'entrepreneuriat et sur la nécessité, pour le rétablissement de l'économie française, de faire de l'initiative citoyenne le moteur du processus de création de richesse. Un enjeu majeur de la présidentielle de 2017 qu'aucune personnalité politique n'a encore érigé en axe structurant.

Leonidas Kalogeropoulos

Leonidas Kalogeropoulos

 

Léonidas Kalogeropoulos est Président du Cabinet de lobbying Médiation & Arguments qui défend la liberté d’entreprendre, l’innovation, le pluralisme et la concurrence dans les domaines de l’audiovisuel, des télécoms, du sport, d’Internet, de l’énergie, de la presse…
 
Il est le fondateur du site libertedentreprendre.com, qui milite pour l’inscription de liberté d’entreprendre dans la Constitution française et est Vice-Président du mouvement patronal Ethic. Il est également le porte-parole du collectif David contre Goliath, lanceur d'alertes concurrentielles

 

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Atlantico : Ce mardi, le président du Medef, Pierre Gattaz, a présenté un rapport que vous avez élaboré sur la notion d' "entreprenalisme". Quelle réalité cette notion recouvre-t-elle ? En quoi est-elle différente du libéralisme ? 

Léonidas KalogeropoulosEn février dernier effectivement, Pierre Gattaz m’a sollicité pour une mission visant à réfléchir sur la problématique suivante : en quoi le dynamisme entrepreneurial, qui a gagné notre pays, s’inscrit dans un renouveau de notre environnement républicain ? Ce travail intellectuel vise à rendre compte d’un phénomène, probablement très surprenant : depuis trois ans, lorsqu’on interroge les Français sur l’esprit d’entreprendre, on a pu constater, au cours d’un sondage réalisé par Opinion Way pour Médiation et Arguments, que 88% d’entre eux affirment qu’il s’agit d’une notion positive qu’il faut encourager. En revanche dès que l’on commence à les interroger sur leur attachement au libéralisme, on atteint 40% dans le meilleur des cas. On remarque donc que le mot "libéralisme" n’englobe pas le champ intégral des Français qui considèrent l’esprit d’entreprendre dans son acceptation positive. Ce mot reste clivant alors que l’adhésion à l’esprit d’entreprendre est en train de faire consensus. C’est la raison pour laquelle le travail intellectuel que j’ai pu accomplir ces derniers mois a eu recours à un nouveau principe, celui de l’entreprenalisme, pour rendre compte d’un engouement qui existe déjà et qui traverse les médias, la classe politique, toutes les tranches d’âges et les secteurs d’activités. Cet engouement – qui provient de l’initiative personnelle, de l’action que chacun peut avoir sur un problème pour continuer à avancer – doit être nommé, et il convient de l’amplifier sans se prendre les pieds dans le tapis d’un mot qui clive. Lorsqu’on parle avec des députés et des sénateurs de tous bords, on se rend compte que tout le monde est d’accord sur les objectifs visant à l’amplification de l’esprit d’entreprendre, à la création d’entreprise, à la levée des obstacles, à la simplification, etc. Mais dès que vous mettez dans le débat le mot de "libéralisme", les désaccords surgissent.

Il y a également un autre élément à prendre en compte, qui découle des évènements récents de notre économie : c’est que la liberté, sous-jacente au mot "libéralisme", n’est pas toujours la meilleure solution pour tous les problèmes. Il y a des circonstances pour lesquelles la liberté absolue correspond à la loi du plus fort. On peut penser notamment au secteur du numérique dans lequel un certain nombre d’acteurs surpuissants, s’ils ne sont pas un peu régulés, écrasent toute capacité d’innovation. Il y a des domaines, comme l’audiovisuel ou les télécoms, dans lesquels on a vu des monopoles installés qu’il était difficile de déloger sans un minimum de régulation. On voit donc bien que dans des situations empiriques, intervenir et réguler sont nécessaires. Je prendrai un dernier exemple pour appuyer mon propos : on a pu constater, récemment, que les délais de paiement s’étaient raccourcis à la suite d’un certain nombre d’initiatives prises par les pouvoirs publics pour dénoncer les comportements d’un certain nombre de grands donneurs d’ordres qui ne payaient pas leurs fournisseurs en temps et en heure. Ces abus, générés par cette liberté absolue, pénalisent les PME, les startups, qui peuvent couler parce qu’acculées à des délais de paiement qui ne sont pas viables. Voici donc pourquoi le libéralisme a fini par devenir un mot qui ne jouait pas son rôle de qualificatif pour expliquer un engouement déjà présent, et qui constitue probablement l’un des plus forts consensus qu’on ait vu en France depuis longtemps autour de l’esprit d’entreprendre perçu comme la principale source d’enrichissement de la nation. 

Quel serait le candidat à droite le plus susceptible d'incarner cette vision de l'économie ? 

L’entreprenalisme est une doctrine qui met au centre de la richesse de la nation l’initiative des citoyens. Ces derniers peuvent être entrepreneurs ou non : il y a notamment des fonctionnaires très entreprenants ; on peut aussi penser aux catastrophes naturelles au cours desquelles on voit nos agents publics intervenir avec héroïsme nuit et jour pour éteindre des feux ou intervenir en cas d’inondation. Ce n’est donc pas le statut qui définit l’initiative d’entreprendre mais ce qui anime chaque individu. Stimuler l’esprit d’entreprendre est bien plus efficace que tous les effets de relance par la dépense ou par la dette. Cette vision est partagée aussi bien à droite qu’à gauche : il y a des candidats qui sont tout à fait légitimes à porter, amplifier et véhiculer cette doctrine.A côté, il y a d’autres candidats dans les deux camps qui considèrent que l’Etat est la solution de tout, qu’une nouvelle loi règle tous les problèmes – j’entends parler des 32 heures, du revenu universel sans conditions, d’un pouvoir exécutif fort et interventionniste dans tous les domaines, etc. Je ne pense donc pas que les clivages traditionnels puissent rendre compte de ce nouveau paysage idéologique. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous avons choisi le recours à un mot nouveau qui reprend dans sa racine les mots "entreprendre" et "entrepreneur" : nous pensons qu’en utilisant ce dénominateur commun, des personnalités qui étaient de part et d’autre du Rubicon d’un clivage traditionnel droite/gauche parviendront à dialoguer ensemble plus facilement. 

Comment jugez-vous actuellement le niveau de l'entreprenalisme en France ? Pourrait-il constituer l'un des enjeux de la présidentielle de 2017 ? 

Je pense que l’entreprenalisme constitue déjà un enjeu essentiel de 2017. Il convient de rappeler d’ailleurs qu’au début de son quinquennat, François Hollande avait reconnu que stimuler l’esprit d’entreprendre dans tous les domaines était un devoir pour l’Etat. Ensuite, la difficulté réside dans le fait de savoir si ce type de déclaration constitue l’axe structurant d’une politique ou si ce n’est qu’un saupoudrage parmi d’autres. Dans le premier cas, on remarque qu’un certain nombre d’éléments apparaissent comme des obstacles à cette dynamique, à l’instar des 3 600 pages de notre Code du travail. Celles-ci constituent aujourd’hui un obstacle pour ceux qui souhaitent s’émanciper par l’entrepreneuriat.

Il est nécessaire de reconnaître aujourd’hui qu’il n’y pas que d’un côté les entreprises et les patrons de toujours, et de l’autre les salariés de tous temps, mais qu’il existe beaucoup de passerelles que franchissent un certain nombre de citoyens – 500 000 Français chaque année, le nombre le plus élevé d’Europe. En l’état, la difficulté réside dans le fait qu’ils ne passent généralement pas la rampe des 2-3 ans d’ancienneté à cause de la complexité administrative, de la fiscalité, et des charges dans notre pays.

Qu'aurait à gagner concrètement la France à développer son entreprenalisme ? Quels sont les pays qui, à l'heure actuelle, ont saisi les enjeux et mis en application les principes que recouvrent cette notion ? 

En faisant de l’entreprenalisme un axe structurant de politique, le nombre d’entreprises françaises pourrait potentiellement doublé, nous pourrions revenir au plein-emploi, etc. Il n’y a pas meilleure garantie sociale que le plein-emploi ; c’est infiniment plus puissant que le Code du travail et toutes les milliers de pages que l’on pourrait encore y ajouter. En faisant le choix de l’entreprenalisme, il y aurait alors une multitude de réformes que l’on pourrait mettre en œuvre avec un consensus de droite comme de gauche. Malheureusement, ce cap doit être inscrit comme étant prioritaire, ce qui n’est pas encore le cas : à l’heure actuelle, aussi bien parmi les candidats de droite comme de gauche, il y a encore du chemin à faire. Notre objectif est d’espérer que tous les candidats, quelle que soit leur couleur politique, reprennent ces thématiques et en fassent le centre de leurs programmes. Notre volonté n’est pas d’avoir un seul candidat mais une élection présidentielle qui mette en exergue l’extraordinaire richesse qui existe au sein de notre nation grâce à l’esprit d’entreprendre de nos citoyens.

Il y a des exemples formidables à trouver, notamment au Canada. En France, l’administration se comporte face aux entreprises comme un contrôleur permanent. Les échos d’entrepreneurs installés au Canada que nous avons pu recueillir montrent, au contraire, quand dans ce pays, les administrations constituent des partenaires permanents pour les entreprises en vue de les aider, de les développer, de les accompagner à l’international, etc. L’une des principales singularités de la France réside dans le fait que notre pays a beaucoup de mal à s’engager dans une voie sans l’avoir théorisée et globalement comprise. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous avons accompli ce travail intellectuel. Dans d’autres pays, lorsqu’une solution fonctionne, celle-ci est directement reprise et transposée. Néanmoins, ce qui me rassure dans les capacités de la France à rentrer dans cette voie, c’est qu’il y a une cohérence parfaite entre l’émancipation entrepreneuriale que nous appelons de nos vœux et l’histoire révolutionnaire de la France. L’abolition des privilèges, la société du mérite, et l’attachement à l’émancipation font que nous avons une parfaite capacité à inscrire ces réformes dans l’histoire de notre pays. Il y a eu une méritocratie scolaire ; il faut qu’il y ait désormais une méritocratie entrepreneuriale. 

Propos recueillis par Thomas Sila

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