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Sécurité nationale : Donald Trump et Hillary Clinton autodétruisent leur crédibilité respective sur les questions militaires
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THE DAILY BEAST

Mercredi soir, les candidats devaient faire la preuve de leurs compétences pour être commandant en chef des armées. Ils ont adopté des approches très différentes et ont, tous deux, échoué misérablement.

Tim Mak

Tim Mak

Tim Mak est journaliste pour The Daily Beast.

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Nancy A. Youssef

Nancy A. Youssef

Nancy A. Youssef est une journaliste égypto-américaine. Elle est correspondante pour The Daily Beast.

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Copyright The Daily Beast, auteurs Tim Mark, Nancy A.Youssef

Le premier débat sur les questions de sécurité nationale entre Hillary Clinton et Donald Trump a pris la forme d'une autodestruction indéniable.

Les deux candidats sont arrivés sur le plateau de télévision, séparément, avant d'exposer les raisons pour lesquelles ils s'estiment qualifiés pour devenir commandant en chef. Mais les deux se sont montrés des candidats au niveau totalement insuffisant.

Hillary Clinton était tour à tour sur la défensive avec des arguments juridiques et techniques aussi vagues qu’inutiles, là où des détails précis étaient nécessaires. Ou bien elle avait tout simplement tout faux. Trump, quant à lui, a assumé le rôle d'un bonimenteur qui a fait l'éloge de Vladimir Poutine en insultant les femmes engagées dans les unités de combat,  il a repris sur un chiffre une femme ancienne combattante avec un chiffre faux sur le taux de suicide dans l’armée, avant de menacer de purger l'armée de ses généraux et amiraux.

Ce candidat à la présidence n’a proposé ni stratégie convaincante pour vaincre Daech, ni vision cohérente de la stratégie de sécurité nationale des Etats-Unis, en particulier au Moyen-Orient, une région du monde en pleine mutation.

Le débat, animé par Matt Lauer, diffusé sur NBC et MSNBC, a été une regrettable occasion manquée dans une campagne qui a rarement évoqué la sécurité nationale et le type de forces armées nécessaires pour défendre les Etats-Unis. Comment les Etats-Unis pourraient-ils vaincre Daech ? Comment pourraient-ils mieux aider leurs anciens combattants ? Quelles sont les principales menaces envers notre sécurité nationale ? La soirée n’a offert aucune réponse.

Une partie du problème était le format de l’émission : chaque candidat était pressé de répondre à un tourbillon de questions lors d'une session éclair de 30 minutes. Hillary Clinton, attaquée sur les erreurs commises au cours de sa longue carrière politique, a été contrainte de se défendre à plusieurs reprises, et ses réponses sentaient l’improvisation. Les réponses de Trump, pleines de mots creux, sentaient la langue de bois.

Hillary Clinton a été matraquée par ceux qui lui ont posé des questions, qu’il s’agisse de Lauer ou des spectateurs, sur son choix d'utiliser un serveur personnel de messagerie lorsqu’elle était secrétaire d'Etat, puis sur son vote pour la guerre en Irak, et enfin sur son soutien à l'intervention en Libye.

Elle était sur la défensive face à son bilan et a répondu à un ancien combattant qui l’interrogeait sur sa manière de gérer des informations confidentielles : "J’ai fait exactement ce qu’il fallait faire et j’ai toujours pris cela très au sérieux, toujours, et je le ferai toujours".

Hillary a également souligné à plusieurs reprises les faux pas de Trump sur les affaires de sécurité nationale, brisant la promesse que les deux candidats avaient faite au début de l'émission de ne pas parler de leur adversaire.

Parfois, ses réponses se sont embourbées dans des détails techniques. Par exemple, elle a raconté qu'elle avait parlé sous une tente lors d’un voyage outre-mer, pour empêcher les ennemis de l'Amérique de voir des informations classifiées qu'elle examinait. A d'autres moments, elle était vague, comme lorsqu’elle a promis de vaincre Daech sans expliquer comment.

"Nous devons vaincre Daech. C’est mon objectif le plus important en matière de lutte contre le terrorisme. Et nous devons le faire avec des frappes aériennes", a déclaré  Hillary Clinton. "Nous devons le faire aussi en apportant plus de soutien aux Arabes et aux Kurdes qui vont sur le terrain se battre contre Daech".

Trump, quant à lui, a peiné pour expliquer son point de vue sur l'Irak, une guerre à laquelle, au début, il ne s’était pas opposé, bien qu'il s'obstine actuellement à prétendre le contraire.

Ses explications sur des phénomènes complexes comme Daech sonnaient comme un devoir d’école primaire: "[Obama] est arrivé, il a dit que nous devions partir et il a retiré tout le monde. Alors que Daech était là. Ce fut une terrible décision. Et franchement, nous n’avons même pas tiré un coup de feu", a déclaré Trump. "Je l'ai toujours dit, on ne devait pas y être, mais si nous devions partir, il fallait emporter le pétrole. Si nous avions pris le pétrole, Daech n’existerait pas".

Ce sont quelques-unes des erreurs factuelles de Trump, même s’il en a fait beaucoup d’autres.

Hillary Clinton a dit qu'elle n’aurait "jamais" envoyé de troupes en Irak et en Syrie. Mais il y a actuellement près de 6 000 soldats américains en Irak, certains se trouvent à moins de 80km de Mossoul, une ville contrôlée par Daech. De plus, le ministère américain de la Défense a reconnu l'envoi d'au moins 500 membres des forces spéciales en Syrie, dont certains ont suivi les soldats locaux à 30km de Raqqa, elle aussi contrôlée par l'EI.

Trump, cependant, a été le roi du mensonge au cours de ce débat : il a laissé entendre qu'il n'existait pas de système de justice en place dans l'armée pour poursuivre les personnes accusées de crimes tels que le viol. Alors que, bien sûr, l'armée a son propre système judiciaire, et l'article 120 du Code de justice militaire qualifie explicitement le viol de crime.

Trump a également repris sur un chiffre une femme ancienne combattante qui soulignait que, en moyenne, 20 anciens combattants américains se suicident chaque jour. Trump a affirmé que c’était 22, mais c’est une vieille statistique.

Trump a dit que Daech a pu prospérer parce qu'il avait volé le pétrole que les États-Unis auraient dû "emporter" comme prise de guerre en Irak. Mais en fait, à son apogée, les sources de revenus de Daech étaient diversifiées, et la majorité de ses revenus provenaient du pillage des banques dans les villes qu’il contrôlait tout en taxant leurs habitants.

Trump a également évoqué un tas d'idées déroutantes. La plus étonnante : les agressions sexuelles dans l'armée seraient dues, au moins en partie, à l'intégration d’hommes et de femmes, plutôt qu’aux violeurs eux-mêmes. C’est un commentaire qui pouvait être facilement interprété comme un affront direct fait aux femmes qui se sont portées volontaires pour des missions de combat dans l'armée américaine.

"Il y a beaucoup de gens qui pensent que c'est tout à fait vrai", a déclaré Trump mercredi soir, en défendant sa position selon laquelle l'intégration de femmes dans l’armée a provoqué des taux élevés d'agressions sexuelles.

Plus tard, le candidat du GOP (le parti républicain) a reconnu apprécier le "compliment" de Poutine qui l’avait qualifié de "brillant", même si on ignore si Poutine a jamais fait ce jugement sur lui. Trump a également affirmé que les militaires américains les plus gradés avaient été "démolis" et que les méfaits du président Obama pouvaient être comparés à ceux de Poutine.

"Quand il me qualifie de brillant, j’accepte le compliment, OK ?", a déclaré Trump à propos de l'homme fort de la Russie.

Il a également laissé entendre qu'il pourrait limoger les généraux et les amiraux qui sont en désaccord avec son approche de la politique étrangère, une idée qui a du ébranler le Pentagone, même si les commandants de l’armée savent qu'ils dépendent du bon plaisir du président. On attend des chefs de l’armée qu’ils donnent des conseils objectifs, sans prendre en compte les conséquences politiques de ces recommandations.

Que Trump fasse l'éloge de Poutine, quelques minutes avant de critiquer les généraux et les amiraux américains, a tout pour mettre en colère l'armée, actuellement confrontée à une campagne aérienne russe exécutée par l'armée russe au nom du président syrien Bachar al-Assad.

Le candidat républicain a ajouté qu'il pensait que Clinton avait "la gâchette facile" en matière de politique étrangère et a dit, que lui, avait de bonnes relations avec le Mexique, alors que sa visite dans ce pays a été extrêmement mal perçue et a conduit à la démission du ministre des Finances mexicain. Trump a suggéré qu'il serait ouvert à l'amnistie des immigrants sans papiers s’ils s’engageaient dans l'armée, une idée qui contredit totalement un slogan maintes fois entendu lors de sa campagne : qu'il n’envisageait pas la moindre amnistie.

Etonnante soirée gâchée, au cours de laquelle pour la première fois depuis le début de cette campagne les électeurs ont pu voir ce qui sépare les deux candidats et ce qui leur manque à tous deux.

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