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Marseille : un symptomatique désastre
©Reuters

Règlement de comptes

Alors que Marseille connaît depuis début août une recrudescence de morts par armes à feu, avec encore deux personnes tuées lundi soir dans le quartier du Panier, la situation sécuritaire de la cité phocéenne est extrêmement préoccupante.

Xavier Raufer

Xavier Raufer

Xavier Raufer est un criminologue français, directeur des études au Département de recherches sur les menaces criminelles contemporaines à l'Université Paris II, et auteur de nombreux ouvrages sur le sujet. Dernier en date:  La criminalité organisée dans le chaos mondial : mafias, triades, cartels, clans. Il est directeur d'études, pôle sécurité-défense-criminologie du Conservatoire National des Arts et Métiers. 

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Qui se souvient de Yegor Ligatchev ? Cet imposant membre du politboro soviétique fut l'ultime secrétaire du comité central (ministre) à l'agriculture de l'URSS, juste avant que celle-ci ne s'effondre. Ligatchev régnait alors sur des organes aussi exaltants que le GOSAGROPROM, comité d'Etat pour le complexe agro-industriel. Et voici notre révélation : le robuste nonagénaire qu'est aujourd'hui Ligatchev a rempilé. Discrètement, il conseille aujourd'hui la communication de notre ministère de l'Intérieur. Incroyable ? A tout prendre, non : car la sécurité en France et l'agriculture soviétique des années 1980 sont toujours plus désastreusement semblables - et le talent de Yegor Ligatchev pour tenter de camoufler la seconde faillite après la première est, de fait, le bienvenu.

Mais parlons d'abord du désastre. Nous verrons ensuite ce qu'on fait au niveau officiel pour que le bon peuple l'ignore.

Direction la crèche criminelle de Marseille et tous ses santons de l'aveuglement et du déni. Marseille où dans divers quartiers "les trafiquants [de drogue, bien sûr] sont dans le hall d'entrée avec des kalachs" ; Marseille où, du fait de guerres de gangs, ça tombe comme à Gravelotte. "Août sanglant à Marseille", titrent les journaux. Marseille où des habitants excédés du XVe arrondissement attaquent un camp de Roms à la "bombe artisanale" ; Marseille où, à peine installé, le nouveau directeur sportif de l'OM est cambriolé deux fois de suite. On en passe tant et plus, pour ne pas lasser le lecteur.

Marseille dont le maire émerge parfois d'une sorte d'absence pour bêler que sa ville "n'est pas Chicago" ; Marseille où de taquins bandits s'entretuent après chacune des escales touristiques-sécuritaires du ministre de l'Intérieur, venu dire que tout va mieux, à coup de statistiques artistiquement travaillées (la patte de Ligatchev...). Marseille surtout, et son (involontairement) comique préfet de police. A chaque homicide, les pieds dans le sang, parmi les étuis de balles de kalach', le préfet énonce la ligne du Parti (Ligatchev, encore) : "ça aurait pu être pire... Il faut rester prudent... Marseille n'est pas à feu et à sang"... Un génie de la prescience, ce préfet, qui début août perçoit une "tendance à la stabilité"... à la veille d'une vague d'homicides sans égale en dix ans.

Marseille dont le quotidien-phare ne trouve plus, pour justifier le déni qu'il propage (c'était pire avant... c'est pire ailleurs...) que le plus autiste des Diafoirus-sociologue, dernier des Mohicans de la "culture de l'excuse"...

Hélas, si Marseille expose l'incapacité de l'Intérieur à assurer la paix civile dans la seconde métropole française (et premier port du pays), la criminalisation gagne désormais le reste du pays.

Par toute la France en effet, des vagues, des rafales, des grappes de braquages de proximité. La Marne : "cinq braquages en trois semaines"... "Le restaurant braqué deux fois en quatre jours"... "Bourges : braquages en nombre dans la ville"... "Trois braquages à Creil en 24 heures"... "Morbihan : des braqueurs menacent une fillette de 9 ans avec une arme". La quotidienne litanie des journaux de province, là où le réel du terrain transparaît encore.

Et l'Intérieur (Ligatchev, toujours...) qui trompette la baisse de ces vols à main armée : cas classique d'une météo dont les ordinateurs annoncent le beau temps quand, par la fenêtre, on voit qu'il pleut.

Et, entre les Tuileries, les Champs-Elysées et la Tour Eiffel, des touristes molestés et dépouillés sans trêve par de jeunes prédatrices nomades.

Et les autocars de touristes asiatiques attaqués par des meutes de racailles, dès qu'ils pénètrent le Neuf-trois.

Et les Chinois de la banlieue nord de Paris, partis pour "se faire justice eux-mêmes" après deux décennies de pillages impunis - et au moins un mort.

Et divers membres de la famille royale saoudienne dépouillés et pillés, de Paris à Toulouse - ainsi d'ailleurs qu'une diva émiratie...

Peu à peu, comme nous l'énonçons depuis un an, l'anarchie gagne. Une lutte antiterroriste maladroite et paniquarde mobilise toujours plus policiers et gendarmes, incapables désormais d'assurer en France un ordre minimum. Finalement (avec quelques autres...), le désastre agricole soviétique a coulé l'URSS. Espérons que Yegor Ligatchev aura appris de ses erreurs passées et qu'il sera plus efficace ce coup-ci.

Sinon...

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