Sondage secret du parti socialiste : Arnaud Montebourg pourra-t-il vraiment faire chuter François Hollande ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
Sondage secret du parti socialiste : Arnaud Montebourg pourra-t-il vraiment faire chuter François Hollande ?
©REUTERS/Fabrizio Bensch

Épée de Damoclès

Dans un sondage gardé secret par le PS et réalisé par Ipsos, l'ancien ministre de l'Economie triomphe du président de la République au deuxième tour de la primaire de la gauche. Il l'emporte également contre Manuel Valls et Emmanuel Macron, bien qu'à chaque fois les scores se resserrent.

Bruno Cautrès

Bruno Cautrès est chercheur CNRS et a rejoint le CEVIPOF en janvier 2006. Ses recherches portent sur l’analyse des comportements et des attitudes politiques. Au cours des années récentes, il a participé à différentes recherches françaises ou européennes portant sur la participation politique, le vote et les élections. Il a développé d’autres directions de recherche mettant en évidence les clivages sociaux et politiques liés à l’Europe et à l’intégration européenne dans les électorats et les opinions publiques. Il est notamment l'auteur de Les européens aiment-ils (toujours) l'Europe ? (éditions de La Documentation Française, 2014) et Histoire d’une révolution électorale (2015-2018) avec Anne Muxel (Classiques Garnier, 2019).

Voir la bio »
Maud Guillaumin

Maud Guillaumin

Journaliste à Europe 1, BFM, ITélé, Maud Guillaumin suit pour le service politique de France-Soir la campagne présidentielle de 2007. Chroniqueuse politique sur France 5 dans l’émission Revu et Corrigé de Paul Amar, puis présentatrice du JT sur LCP, elle réalise également des documentaires : « Les Docs du Dimanche », « Les hommes de l’Élysée » sur les grands conseillers de la Ve République et « C’était la Génération Mitterrand » transposé de son livre Les Enfants de Mitterrand (Editions Denoël, janvier 2010). Elle écrit également dans la revue littéraire Schnock. Elle est l'auteur de "Le Vicomte" aux éditions du Moment (2015).

Voir la bio »

Atlantico : Ce jeudi 25 août, l’hebdomadaire Le Point révélait l’existence d’un sondage interne, réalisé par l’institut Ipsos, et pronostiquant la défaite de François Hollande au second tour de la primaire de la gauche, derrière la candidature d’Arnaud Montebourg. Or, au moment du sondage, l’ancien ministre du redressement productif n’avait pas encore déclaré sa candidature. Quelles peuvent être les conséquences d’un tel sondage, aussi bien sur François Hollande, que sur la Parti socialiste lui-même ?

Bruno Cautrès : Il faudra tout d’abord attendre que d’autres sondages viennent confirmer cette tendance pour que l’on voit des conséquences politiques sur François Hollande ou le PS. S’il ne fait pas de doutes que cette enquête a dû encourager Arnaud Montebourg et même Benoit Hamon à candidater à la primaire ou à la présidentielle, le fait qu’elle ait été réalisée avant ces déclarations de candidatures en atténue un peu la portée : il faudra donc comparer avec des enquêtes à paraître. Une fois ces précautions de méthode rappelées, on peut néanmoins remarquer deux choses : d’une part cette enquête révèle une fois encore la position difficile de François Hollande en vue de sa candidature à la présidentielle, au sein de son propre camp et électorat ; d’autre part, cela explique la stratégie de communication de François Hollande pour cette rentrée politique : on voit bien qu’il s’agit pour lui d’accélérer, de montrer que la fameuse inversion de la courbe du chômage a bien eu lieu et d’annoncer des mesures fiscales ou sociales en faveur des français. Si les résultats de ce sondage venaient à se confirmer dans d’autres sondages à venir, cela ne manquerait pas d’avoir des conséquences importantes : cela encouragerait Arnaud Montebourg à passer par la case primaire et cela finirait de créer un climat de panique au sein du PS. En effet, on voit dans le sondage que même si François Hollande renonçait à la présidentielle (ce que je ne crois pas du tout) et soit remplacé à la primaire par Manuel Valls ou Emmanuel Macron, cela ne suffirait pas à faire obstacle à la victoire d’Arnaud Montebourg. Fort des 17% qu’il avait obtenu lors de la primaire de 2011 et de son départ fracassant du gouvernement, Arnaud Montebourg apparaît donc aujourd'hui comme un sérieux candidat à la primaire du PS. D'autres conséquences pourraient venir du côté d’une candidature hors primaire d’Emmanuel Macron bien que je ne crois pas (pour le moment) à une candidature Macron contre celle de François Hollande.

Maud Guillaumin : Il m'apparait intéressant de partager une récente anecdote à ce sujet. Il y a quelques jours, j'ai vu dans Le Figaro un sondage réalisé auprès des lecteurs posant la même question "François Hollande peut-il être battu par Arnaud Montebourg ?". J'ai été surprise de constater qu'une majorité des internautes avait voté en faveur du "oui, A. Montebourg peut battre F. Hollande".

À mes yeux, il est clair que si ce sondage Ipsos commandé par le Parti Socialiste et dévoilé par Le Point n'a pas été utilisé, c'est bien parce qu'il ne fait absolument pas plaisir au PS. D'autant plus que le score est loin d'être ridicule, ou serré, puisqu'Arnaud Montebourg récolterait 57% des voix au deuxième tour, contre 43% pour le président de la République. Cela peut évidemment laisser le Parti Socialiste présager "le pire". Néanmoins, il est important de rappeler que nous sommes encore très tôt dans la campagne.

Il est intéressant, également, de souligner que François Hollande est traité comme s'il restait une option. Par conséquent, le sondage s'intéresse également à ce que la situation donnerait si Arnaud Montebourg affrontait Manuel Valls. Or, là aussi, on se trouve dans un cas de figure très net : l'ancien ministre de l'Économie bat le Premier ministre à 54% contre 46%. Il y a donc effectivement largement matière à inquiéter le Parti Socialiste là aussi.

Dans la mesure où, néanmoins, François Hollande n'a de cesse de rappeler que tout se jouera d'ici plusieurs mois, qu'il ne se présente pas encore comme candidat, il est évident qu'il n'aurait aucun intérêt à publier ce sondage. Ce serait se tirer une balle dans le pied, ni plus ni moins. L'idée derrière ce sondage me semble davantage être une tentative de prendre la température. Mais je doute que François Hollande ne se soit pas attendu à de mauvais résultats. D'autant plus qu'il y a aussi de quoi rassurer le Parti Socialiste, puisque le président de la République conserve le vote d'une majorité des électeurs et des sympathisants PS. L'objectif, donc, du PS est bien de convaincre les gens de gauche d'une manière plus générale. L'argumentaire correspondra vraisemblablement à celui de "François Hollande, seul rempart contre le candidat de droite".

Suite à la déclaration de candidature d’Arnaud Montebourg, ce sondage reflète-t-il réellement, pour lui, une situation de force ? Quels sont, pour l’ancien ministre,  les obstacles à un tel résultat ?

Bruno Cautrès : On voit bien dans les résultats de ce sondage que c’est auprès des sympathisants des autres partis de la gauche que le PS qu’Arnaud Montebourg peut séduire vis-à-vis de François Hollande. Parmi les sympathisants socialistes c’est François Hollande qui est en tête. Cela montre que pour gagner à la primaire, Arnaud Montebourg a besoin que de nombreux sympathisants des autres composantes de la gauche (écologistes ou Front de gauche par exemple), viennent voter. Les autres obstacles peuvent venir de la candidature de Benoit Hamon : on voit bien que c’est au second tour de la primaire que les choses se joueront et reposeront sur les désistements. Enfin, Arnaud Montebourg peut parfois…être son meilleur ennemi…il lui faudra montrer aux électeurs de la primaire qu’il peut se qualifier au second tour de la présidentielle et même la gagner. Au-delà des résultats flatteurs dans des sondages, les militants et sympathisants du PS veulent avant tout éviter un nouveau 21 avril 2002 et veulent un candidat capable au minimum de se qualifier pour le second tour de la présidentielle.

Maud Guillaumin : Au sein de l'équipe d'Arnaud Montebourg, il est certain que ce sondage a été accueilli avec beaucoup d'enthousiasme. Il contribuera à rebooster les batteries. Arnaud Montebourg souhaite d'ores et déjà réitérer l'expérience de 2011, quand il s'était engagé dans un tour de France pour aller au plus près des gens. Cependant, il est primordial de rappeler que les sympathisants PS continuent de voter massivement pour François Hollande. Concrètement, cela signifie qu'Arnaud Montebourg doit encore convaincre son cœur de cible, qui est constitué de l'électorat PS. C'est sur cette question qu'il lui faudra le plus travailler, avec ses équipes. Car, quand bien même la primaire est ouverte, on sait d'expérience – forts de la primaire de 2011 – que les trois quarts des électeurs resteront des gens qui ont leur carte au Parti socialiste.

Par conséquent, certes, ce sondage constitue un élément très positif pour Arnaud Montebourg. N'en demeure pas moins qu'il lui faut encore aller convaincre le cœur de cible de la primaire, soit des gens qui continuent majoritairement de suivre François Hollande. Si cela apparaît tout de même très négatif pour François Hollande c'est parce que, de manière générale, le candidat Hollande devrait dépasser très largement le PS aujourd'hui. C'est en cela que c'est un mauvais signe pour le Parti Socialiste… ce qui est très loin de vouloir dire que c'est tout cuit pour Arnaud Montebourg. Le cœur électoral qu'il ne parvient pas (encore ?) à rassembler est crucial. L'électeur PS, qui a beau ne pas être content de François Hollande – même au PS, personne n'est ravi du quinquennat – continue de nourrir des doutes à l'égard de Montebourg. C'est un autre des éléments sur lesquels François Kalfon devra travailler : l'image de l'ancien ministre de l'Économie, qui reste assez floue et particulièrement auprès des électeurs du PS. Entre le côté entrepreneur, ancien ministre, les menaces de ne pas nécessairement participer à la primaire… Comme usuellement, Montebourg joue un pied dedans-un pied dehors. Or, pour aller chercher l'électeur PS, il lui faudra de véritables arguments. C'est là que se trouve l'un des plus gros travaux de ses équipes.

Ce sondage n'illustre pas la victoire à venir d'Arnaud Montebourg. Ce sera la bronca contre lui, comme en témoignent les réactions qui ont précédé Frangy. Cependant, il conserve l'expérience de la primaire de 2011, ainsi que l'expérience de l'exercice du pouvoir aux côtés de François Hollande qui lui permet de se prévaloir du savoir de ce qui ne fonctionne pas, des nécessités d'organisation d'une politique de gauche qui serait efficace. Il essaye de montrer sa volonté d'action avec des idées qu'il défend depuis un moment, comme la volonté de quitter les 3%. Il en va de même pour le projet France aujourd'hui, pour le soutien aux PME. À charge maintenant de prouver qu'il est dans le concret et pas uniquement dans la critique de François Hollande.

Alors que les primaires de la gauche sont prévues au début de l’année 2017, et suite à la publication de ce sondage, que peut-on envisager pour le déroulement de celles-ci ?

Bruno Cautrès : On voit bien qu’il y a un jeu tactique autour de « l’organisation » de la primaire. Initialement, cette primaire a été conçue par J.C. Cambadélis dans le cadre de sa « Belle Alliance Populaire » et afin de dégager un boulevard à François Hollande. Mais avant que J. Cambadélis ne propose la primaire dans ce cadre, celle-ci était souhaitée par des personnalités comme B. Hamon, A. Montebourg ou les « frondeurs » afin d’obliger François Hollande à passer par cette case et lui barrer la route d’un second mandat. La question de « l’organisation » de la primaire cache donc d’autres enjeux : les candidats comme M.N. Lienneman, B. Hamon, A. Montebourg ont tout intérêt à ce que la primaire soit la plus large possible et que des sympathisants de toute la gauche viennent voter. Il est évident que si d’autres sondages viennent confirmer que ce sont les sympathisants des autres partis de la gauche que le PS qui ont en main les clefs de la primaire, l’organisation de celle-ci va devenir l’enjeu de fortes tensions. Au fond, c’est un peu comme la question des sympathisants centristes dans la primaire de la droite « et du centre »...

Maud Guillaumin : Sans prédire l'avenir, il est possible de jeter un œil sur les différents candidats. Marie-Noëlle Lienemann ne semble pas en mesure de l'emporter. François de Rugy est également dans une situation complexe. Benoît Hamon est un candidat intéressant mais qui, à en croire ce sondage, demeure très loin derrière. Il n'est pas inenvisageable qu'en se lançant dans la course, il imaginait un ticket gagnant avec Arnaud Montebourg et il pourrait constituer un soutien potentiel. Au deuxième tour de la primaire se pose la question des soutiens et il n'est pas improbable qu'il se tourne vers Montebourg. La vraie problématique reste la même : convaincre l'électeur du PS de voter pour lui. L'électeur du PS qui, aujourd'hui, se dit que si François Hollande n'a pas été bon, il a hérité d'une situation difficile et que désormais, il connaît davantage les rouages et les contraintes du "métier". Il n'est pas improbable que François Hollande fasse face à des difficultés grandissantes. Il rebondira peut-être, et pourra peut-être valoriser son bilan, mais il est possible aussi que cela ne soit pas le cas. Une victoire de Montebourg n'est pas nécessairement à exclure.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !