La proprioception, ce sixième sens dont nous ignorons encore trop souvent l'existence (et qui permet d’expliquer pourquoi certains joueurs marquent naturellement plus de paniers que d’autres quand ils jouent au basket)

Atlantico : Que désigne la proprioception ? Est-ce un phénomène plus mental que physique, ou bien les deux ? En quoi peut-on considérer qu'il s'agit d'un sixième sens ?

François Clarac : La proprioception est quelque chose de très mal définie alors que c’est quelque chose de fondamental. Elle n’a pas de repères précis dans le cerveau comme le toucher, l’audition ou les autres sens. Au contraire, elle se répand dans l’ensemble du cerveau. Ainsi, l’information proprioceptive n’a pas d’endroit précis pour s’exprimer. Elle s’exprime dans le système nerveux, contrairement à la vision, qui s’exprime dans le cerveau par exemple. La proprioception est inconsciente et correspond aux récepteurs des muscles. C’est-à-dire que lorsque vous faites un geste de votre bras, même de nuit, vous ne le voyez pas mais vous savez que vous l’avez fait car les informations des récepteurs du muscle perçoivent ce mouvement. Cette information traverse notamment les réseaux fuseaux neuromusculaires (qui ont une forme de petits fuseaux). Et les autres récepteurs, présents dans la base des tendons des muscles, sont les récepteurs de Golgi. Ces derniers enregistrent les mouvements articulaires, quand vous fermez votre bras ou que vous l’étendez par exemple. Par contre, les récepteurs fuseaux neuromusculaires enregistrent le tonus de vos muscles : c’est-à-dire que si votre muscle est très relâché et que vous êtes contracté, ce sont ces récepteurs qui parlent. La proprioception désigne donc l’activité et le tonus musculaires. C’est en quelque sorte un sixième sens que nous avons oublié car il se traduit exclusivement de façon musculaire et non mental.

Est-il possible de développer sa proprioception ? Si oui, comment ?

Développer l’activité musculaire développera votre proprioception. Les récepteurs permettent à tous les muscles de votre corps d’être coordonnés et de ne pas provoquer de perturbations générales. Les systèmes proprioceptifs peuvent être améliorés par l'entrainement, ce qui réduit les risques de blessures.

On peut prendre comme exemple les coureurs cyclistes. Dans les virages et à pleine vitesse, ils ne tombent pas et conservent leur équilibre sans se renverser les uns les autres car ils ont travaillé leur coordination et leur stabilité lors de l'acte du pédalage.

Dans quelles mesures ce phénomène peut-il aider les sportifs à améliorer leurs capacités ? Comment les résultats se traduisent-ils ?

Ce phénomène peut aider les sportifs à améliorer leurs capacités à force de répéter une action. Si l'on prend les basketteurs comme exemple, on constate qu’ils vont doser la force et qu’ils vont diriger leur lancer. Tout cela est dû au fait que les propriocepteurs de leurs mains et de leurs bras seront préparés à faire l’action à force de la répéter.

La proprioception est également anticipatoire. Si l’on pense à un coureur de 100 mètres qui se prépare sur le stand, il attend le coup de feu et a dans sa tête tous les mouvements qu’il va devoir effectuer parce que la proprioception est organisée de telle façon qu’elle va permettre de réussir ces mouvements. Travailler sur la répétition et la proprioception se traduira par de meilleurs réflexes et l’amélioration de la vitesse de réaction car tout va être organisé pour cela. Pour réussir un mouvement difficile, on va le répéter une centaine de fois. On va donc l’améliorer au fur et à mesure car les propriocepteurs dans vos différents muscles vont s’organiser de telle façon qu’ils le permettront. Les résultats se traduisent généralement par une meilleure vitesse de réaction, un meilleur équilibre et de meilleurs réflexes.

Propos recueillis par Thomas Gorriz